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Liban - Analyse

Repeindre la boutique en orange

De changement et de réforme, le Liban a bien besoin, tout le monde - ou presque - en conviendra.
Or il existe dans ce pays un bloc parlementaire qui a pour nom « le changement et la réforme » et qui se propose, tout naturellement, de changer et de réformer un certain nombre de choses. À deux mois des législatives du 7 juin, la question se pose de savoir quoi et comment.
La première idée qui viendrait à l'esprit d'une personne souhaitant en savoir davantage sur les intentions réformatrices du CPL et de son bloc corollaire serait de se précipiter sur le programme électoral de cette formation pour y étudier avec intérêt les propositions allant dans ce sens.
Sauf que ce serait une mauvaise idée. Car, en fait de programme, on ne trouverait jusqu'ici que de vagues promesses d'en publier un tout neuf, en remplacement de celui de 2005, désormais « caduc », selon les propres termes du général Michel Aoun.
Et comment ne le serait-il pas, d'ailleurs, puisque le texte de 2005 était le fruit du travail d'intellectuels du CPL s'efforçant de résumer le combat d'une ère à présent en tous points révolue ?
Certes, dans l'intervalle, pendant que l'on changeait son fusil d'épaule, il y eut le fameux document d'entente avec le Hezbollah. Que penser de ce texte ? S'il faut en définir la teneur en une phrase, nous dirions qu'il s'agit d'une suite de clichés pouvant être émis par n'importe qui au Liban pour n'importe qui au Liban.
Or si ce document fût appelé à connaître la pérennité que l'on sait, ce n'était certainement pas à cause de la somme d'idées originales qu'il contient, et encore moins de la crédibilité des moyens proposés de les mettre en application. Son importance ne tient qu'à l'identité des deux signataires et, surtout, au fait qu'il consacre leurs fiançailles.
D'ailleurs, sur un plan analytique, il serait judicieux d'accorder davantage d'intérêt aux omissions de ce document qu'à ses dispositions écrites. Par exemple, le mot « Taëf » ne figure pas une seule fois dans le texte.

* * *

Nous y voilà. Puisqu'il s'agit de discuter de changement et de réforme, il faut bien commencer par l'État et ses institutions. Que faire donc de Taëf ?
Ce que l'on sait, c'est que la formule adoptée en 1989 dans cette ville saoudienne ne convient pas au général Aoun. Cela est bien entendu son droit le plus sacré, comme d'ailleurs celui de très nombreux Libanais qui constatent, le plus honnêtement du monde, les innombrables failles du système de Taëf.
Le problème est qu'on ne sait toujours pas par quoi le CPL entend remplacer Taëf. Certes, il a souvent été question dans les milieux aounistes de dénoncer la réduction drastique des prérogatives du président de la République. Soit. Mais une telle approche s'inscrit dans le cadre du sempiternel marchandage communautaire, pas dans celui d'une véritable volonté de réforme des institutions.
Fût-il mauvais, Taëf a le mérite d'exister et d'empêcher la guerre civile. Aspirer à le réformer est une cause aussi noble qu'une autre ; à condition de proposer des alternatives et que celles-ci soient crédibles et viables.
De plus, depuis la crise de la présidentielle, l'année dernière, certaines prises de position du CPL laissent chez une partie de l'opinion l'impression d'une ambivalence pour le moins troublante : en théorie, les prérogatives présidentielles sont bonnes à défendre pour se faire une popularité chrétienne, mais en pratique, il est bon d'enfoncer ces prérogatives lorsque la présidence est aux mains d'un autre.
Le général Aoun affiche une ambition de réformer les mœurs politiques du cru. Celles-ci sont si détestables, en effet, qu'on prierait pour qu'un tel projet réussisse. Sauf que l'apprenti réformateur devrait d'abord s'y soustraire lui-même. Il n'y a rien de honteux à avoir un gendre bien placé, mais il faudrait alors cesser de dénoncer le népotisme des autres.
C'est une très bonne chose que de réclamer une clarté politique et idéologique dans une bataille électorale, et, en passant, de piétiner le centre mou et indécis. Mais, alors, comment justifier que l'on déplace un candidat d'une circonscription à une autre pour laisser la place à un « allié » idéologiquement aux antipodes de ce qu'on a toujours été ?
Quelle meilleure initiative que celle de combattre le féodalisme politique ? Sauf que lorsqu'on s'allie soi-même à des féodaux politiques, il devient difficile de prétendre à la cohérence.
Pour ce qui est de la réforme économique, financière et sociale, on est en droit de demander que propose exactement le CPL. Il y a quelques années, l'ébauche de programme économique présenté par cette formation n'avait pas moins de relents de libéralisme économique que celui, par exemple, du Courant du futur.
À présent, on chercherait vainement une orientation quelconque, mis à part le fait que le CPL s'est joint à tous ceux qui se sont coalisés pour faire échec à Paris I, Paris II et Paris III et qu'il réclame un audit sur les comptes de l'État.
Et une fois qu'on aurait les résultats de cet audit entre les mains, qu'en ferait-on ? Une nouvelle chasse aux sorcières ?

* * *
La contestation peut et doit souvent être la voie à suivre pour faire avancer les choses dans une société. Mais, en politique, elle ne saurait être un objectif en soi. Et la haine encore moins.
Ce sont hélas les habits que revêt quelquefois la campagne électorale du général Aoun. À l'image de ces panneaux publicitaires haineux et défiants que le CPL vient de faire installer et qui, au lieu de présenter une belle couleur orange immaculée, montrent un cadre bleu déchiré, violé en son cœur par une affreuse tache orange.
De changement et de réforme, le Liban a bien besoin, tout le monde - ou presque - en conviendra.Or il existe dans ce pays un bloc parlementaire qui a pour nom « le changement et la réforme » et qui se propose, tout naturellement, de changer et de réformer un certain nombre de choses. À deux mois des législatives du 7 juin, la question se...
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