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Nos Lecteurs ont la Parole

Les atouts du libéralisme

Amine ISSA
Si les deux modèles, le libéral et le chinois, sont en panne, est-ce que les propositions chinoises de sortie de la crise sont plus judicieuses que celles proposées par Barack Obama (voir L'Orient-Le Jour du mardi 7 avril 2009) ?
Commençons par analyser celles-ci.
Paul Krugman, prix Nobel d'économie, dans son dernier ouvrage L'Amérique que nous voulons, attribuait le déclin de l'économie américaine à plusieurs facteurs. Les républicains depuis Ronald Reagan ont, malgré une croissance globale de l'économie, accentué les inégalités entre Américains. Le revenu médian en termes de pouvoir d'achat depuis 1973 a très peu augmenté ou pas du tout, alors que celui des 10 % des Américains les plus riches a littéralement explosé. De plus, les administrations républicaines se sont attelées à démanteler, autant qu'elles ont pu le faire, la « Social Security », le système de retraite, et Medicare, le système de couverture médicale des personnes âgées. Et quand Hillary Clinton, lors du premier mandat de son mari en 1994, tenta d'étendre la couverture médicale à l'ensemble de la population, les républicains majoritaires au Congrès firent capoter le projet. Paul Krugman relève également que les républicains, en diabolisant l'État, ont réduit son intervention. Ils ont en plusieurs étapes réduit les impôts, particulièrement ceux qui touchent la frange la plus riche. Ayant moins d'argent, l'État a dépensé moins en infrastructure. L'« American Society of Civil Engineers », le plus ancien et respecté institut dans son domaine, lançait un signal d'alarme concernant les infrastructures au États-Unis en les gratifiant du grade infamant de D pour la première économie du monde. Que propose le nouveau président ? D'abord un premier paquet, approuvé par le Congrès le quatorze février, de 787 milliards de dollars, pour plus d'un tiers fait d'allègements fiscaux pour encourager la consommation, les deux autres tiers bénéficiant aux infrastructures, la santé et les énergies propres. Puis un budget de 3 552 milliards de dollars avec un déficit atteignant 12,3 % du PIB, du jamais vu depuis la Seconde Guerre mondiale. L'administration prévoit de ramener le déficit à 3 % en 2013. Ses priorités sont l'éducation, la santé, les transports, l'énergie, le logement, les sciences et technologies. Ce qu'il faut retenir des chiffres, c'est l'effort accompli pour réduire les inégalités. Ainsi si les impôts de l'Américain moyen seront réduits, ceux des individus gagnant plus de 250 000 dollars par an seront augmentés. Des abattements sont également prévus pour encourager les entreprises qui embauchent. Les déductions de taxe dont profitaient les gérants des « Hedges Fund » seront annulées. Les subventions aux grandes exploitations agricoles seront réduites. Les subventions aux prêts bancaires destinées aux étudiants seront également amputées et remplacées par une aide directe de l'État aux étudiants en difficulté et indexées à l'inflation. 2 000 milliards seront consacrés à la couverture santé à son extension aux 47 millions d'Américains qui n'en ont pas et aux retraites. Les contrats avec les assureurs de santé qui couvrent les fonctionnaires du secteur privé et les prix des médicaments feront désormais l'objet de négociations avec le gouvernement. De grands travaux d'infrastructure seront entamés. Enfin, 150 milliards seront consacrés aux nouvelles énergies. Ce plan peut-il réussir ? Son inspiration keynésienne (Intervention de l'État et déficit important) est claire. Il reprend des recettes au New Deal qui ont sorti l'Amérique de la « Grande dépression » des années trente. Or le New Deal fut aussi critiqué par les républicains que l'est le plan de Barack Obama aujourd'hui, et pourtant il se traduisit par des décennies de prospérité. Évidemment, 80 ans après, l'environnement économique n'est pas le même. Justement, le plan de sauvetage et le nouveau budget s'adressent aux nouveaux défis de notre siècle. Les nouvelles énergies, l'écologie, la santé et la recherche scientifique sont privilégiées. En plus des chiffres déjà cités, il faut se rappeler que le budget de la recherche aux États-Unis est de 368 milliards de dollars, soit 100 milliards de plus que celui de l'Europe des vingt-sept. Le 9 mars, Barack Obama autorisait à nouveau la recherche sur les cellules souches, ouvrant de nouvelles perspectives pour la science génétique, espoir de la médecine de demain. De plus, les mesures prises sur le plan collectif, c'est-à-dire les infrastructures, la santé pour tous, l'enseignement, l'écologie, couplées à une meilleure rétribution du travail et des investissements productifs créateurs de richesses au détriment du capital spéculatif, réduiront les inégalités et aideront à retisser le lien social de la société américaine, mis à mal par l'ultraconservatisme et l'ultralibéralisme des républicains et qui, en définitif, même sur le plan économique aboutit  à une faillite. En Mars, traitant des groupes de pressions économiques (pharmacie et assurance) qui veulent faire échouer ses réformes, le président déclarait : « Ils se préparent aux combats au même moment ou nous parlons, alors voici le message que je leur adresse : moi aussi. » Sur le plan international, conscient de la transformation du monde en une grande communauté d'intérêts, il a voulu briser l'unilatéralisme de l'administration Bush et a entamé dès son entrée en fonctions des concertations avec les autres grands acteurs de la planète. Je cite quelques exemples. Le 15 novembre, le G20 annonce sa volonté d'améliorer la supervision du système financier et l'harmonisation des normes comptables mondiales tout en combattant les tendances protectionnistes. Ben Bernanke, président de la Réserve fédérale, disait la même chose le 10 mars. Hillary Clinton déclare le 1er mars en Chine : « Clairement, nous allons nous en sortir ou tomber ensemble. » À Djakarta, elle souhaite que les États-Unis rejoignent l'Asean, forum économique formé de dix pays du Sud-Est asiatique. Assurément, tout ce qui précède n'est pas une garantie de succès, c'est pour cela qu'il est nécessaire d'étudier les propositions chinoises qui pourraient être une alternative. Le Premier ministre chinois ne déclarait-il pas : « Les professeurs ont maintenant quelques problèmes » ? Or quelles sont les mesures de relance du plan chinois ? Investissement massif dans les prestations sociales (santé et éducation) et baisse d'impôts pour pousser les Chinois à épargner moins et consommer plus. Travaux d'infrastructure dans les campagnes, routes, ports fluviaux, centres commerciaux. Réduction de la pollution énergétique et encouragement de la production hydroélectrique. C'est Pékin à Washington ! Et pour conclure, quand « les professeurs qui ont maintenant des problèmes » émettent des bons du Trésor à un taux proche de zéro, sinon à taux négatif si l'on tient compte de l'inflation, les Chinois en sont les principaux acheteurs. Si, par ses excès, le libéralisme économique a failli à sa mission, il lui reste deux atouts. D'abord, il n'a pas de concurrent sérieux, et deuxièmement, il possède une capacité de se reformer très rapidement, d'appréhender l'avenir avec de nouvelles idées, les universités américaines étant le vivier des innovateurs qui créeront ce que le monde consommera demain, pour remettre en marche une économie planétaire essoufflée. Pour terminer, à titre indicatif, la crise économique a débuté par la découverte graduelle des hypothèques immobilières insolvables, les « subprimes ». Conséquemment, les prix de l'immobilier, des transactions et des mises en chantier, indicateurs essentiels de la santé économique, ont tous les trois, d'abord aux États-Unis, puis dans le monde, connu un repli dramatique. Or les chiffres de février aux États-Unis indiquent un rebond de 11 % des permis de construction de maison individuelle, après sept mois consécutifs de baisse.

Amine ISSA
Si les deux modèles, le libéral et le chinois, sont en panne, est-ce que les propositions chinoises de sortie de la crise sont plus judicieuses que celles proposées par Barack Obama (voir L'Orient-Le Jour du mardi 7 avril 2009) ?Commençons par analyser celles-ci. Paul Krugman, prix Nobel d'économie, dans son dernier ouvrage L'Amérique que...

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