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Culture - Vient de paraître

Carlo Akatchérian et le destin arménien*

Le destin arménien à travers le portrait d'un médecin brossé par son fils, Carlo Akatchérian. Parcours qui va, de déportation en exil, de Deurtyol à Beyrouth, en passant par Alexandrette. Avec des mots simples, justes, touchants, pudiques. Un sobre témoignage pour un devoir de mémoire.
Médecin, fils de médecin, rien ne prédisposait Carlo Akatchérian, pédiatre rompu au métier de soigner les enfants, à troquer son stéthoscope contre la plume...Mais le serment d'Hippocrate tient sans nul doute ici aussi bien pour la science de guérir que pour la littérature, surtout quand cette dernière se coule dans le moule de la droiture, de l'équité, de la dignité.
Le portrait d'un père, c'est toujours une remontée aux sources, un besoin de cerner au plus près de soi une identité, une interrogation en profondeur pour savoir d'où l'on vient si on ne sait plus où l'on va...En recueillant les souvenirs de son père, le docteur Yeghia (Élie), et en lui prêtant le « je » de la narration, Carlo Akatchérian a voulu non seulement faire revivre le passé, mais piocher dans les sillons de l'histoire le drame des Arméniens jetés sur les routes de l'exode et des massacres.
 « Si je n'ai pas subi le génocide, je ne peux certainement pas dire que je ne l'ai pas vécu, dit Carlo Akatchérian. Dès mon plus jeune âge, c'était le sujet qui alimentait presque toutes les veillées de famille. Mes parents ainsi que mes grands-parents relataient des faits et des événements qui, à l'époque, étaient tout à fait incompréhensibles pour nous autres les petits. Ma sœur et moi étions conscients que quelque chose s'était passé, mais nous étions très loin d'en saisir le sens et l'importance. Plus tard, notre conscience devint plus accessible au déroulement des faits et les scènes décrites devinrent de plus en plus nettes à notre perception, donc de plus en plus atroces. Je me rendis compte alors que j'étais émigré, fils d'émigré et que c'était tout à fait par hasard que je me trouvais là où j'étais, que mes parents avaient laissé derrière eux leur passé pour sauver le présent et préparer l'avenir... »
En devanture des librairies, à l'approche de la funeste date du 24 avril, Hayrig, mon père de Carlo Akatchérian (Éditions Naufal, 118 pages), un livre écrit en français, qui éveille non seulement les ombres noires du passé, mais atteste aussi de la force et de la suprématie de la vie.

Précieux témoignage
« Moments d'une vie, celle du docteur Yeghia Akatchérian qui a connu la déportation et le déracinement, survivant à la tragédie du génocide perpétré contre les Arméniens par les Ottomans en 1915-1916. Témoignage émouvant, recueilli par son fils, et d'autant plus précieux que la génération des survivants est aujourd'hui en voie de disparition. Comment expliquer l'enchaînement des événements qui ont mené à ce génocide que la Turquie refuse toujours de reconnaître ? Cette préface a pour but d'éclairer le lecteur sur ce drame qui a marqué des générations entières d'Arméniens et dont on continue à commémorer le souvenir le 24 avril de chaque année. »
 C'est en ces termes que Christine Babikian Assaf, signant la préface historique, ouvre les pages de cet opus qui donne la voix au docteur Yeghia Akatchérian, « né un 22 février 1901 à Deurtyol, un petit village, verger de la Cilicie »... Et la petite histoire (celle de l'enfant Yeghia qui, de savetier de fortune à Damas, sera médecin au Liban) va s'emboîter dans la trame de la grande histoire, pour livrer les poignants détails sur une communauté décimée. Éloquente et vivante illustration du drame des Arméniens.
« Sourire en cas de malheur est une forme de résistance, écrit l'auteur de ces pages, tout comme le travail pour un Arménien est une prière... » Et Dieu sait alors si les Arméniens, enfants de l'église, ne prient pas...
Des historiettes savoureuses, charmantes, mais habitées aussi par la privation, les refus, l'horreur, la brutalité, la douleur des deuils, le choc de la mort, la tristesse des orphelins, le dénuement, la dépossession et la frustration. Si Yeghia avait 14 ans en 1915, c'est dire dans quel environnement social plombé et dramatique se déroule son adolescence...
Presque un siècle de vie n'a pu ternir ces images toujours radieuses et vibrantes. Les derniers mots reviennent de droit à Yeghia, décédé nonagénaire : « Si le souvenir est un don de Dieu, il peut aussi être un vilain jeu du diable qui cherche à punir l'homme. Je suis un homme qui n'a eu ni enfance, ni adolescence, ni jeunesse. La peur m'a habité dès l'âge de huit ans, peur des hommes et des lendemains incertains, faits de privations et d'humiliations, mais j'ai eu la chance de connaître des bonheurs tout simples. »

* Carlo Akatchérian signera son livre « Hayrig, mon père » demain, jeudi 2 avril, à la Librairie Antoine - ABC (Achrafieh), de 18 heures à 20 heures. 
Médecin, fils de médecin, rien ne prédisposait Carlo Akatchérian, pédiatre rompu au métier de soigner les enfants, à troquer son stéthoscope contre la plume...Mais le serment d'Hippocrate tient sans nul doute ici aussi bien pour la science de guérir que pour la littérature, surtout quand cette dernière se...

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