Curieuse figure que celle de cet homme de 34 ans, nouveau venu dans l'arène politique, maire limogé de la capitale Antananarivo après avoir connu des fortunes diverses, d'abord disc jockey puis impresario. Aujourd'hui, il possède une chaîne de télévision et plusieurs stations de radio, ce qui lui permet d'entretenir une armée d'artistes, qui sont autant de supporters qui se chargent d'assurer sa propagande au sein de l'opinion publique. Couronnement de cette étonnante carrière, mardi il était intronisé chef de l'État pour une période intérimaire de vingt-quatre mois (un délai trop long, a aussitôt jugé Paris) par la Cour constitutionnelle. Celle-ci, en prenant sa décision, aura allègrement tordu le cou à la Loi fondamentale, laquelle prévoit, en cas de vacance au sommet, une succession provisoire assurée par le président de la Chambre haute et des élections dans un délai de deux mois. Autant de dispositions superbement ignorées « afin d'éviter un vide au sommet », a confié à la BBC le nouveau maître du pays. Mais pourquoi attendre deux ans avant la normalisation ? Nous ne voulons pas que l'histoire se répète, a-t-il répondu, dans une allusion à la manière dont son prédécesseur avait accédé à la magistrature suprême ; et parce qu'il nous faut examiner la législation sur les partis, le code électoral, etc., autant de décisions à prendre qui nécessitent du temps. Mmm...
En réalité, rares sont les Malgaches qui ne voient pas dans tout cela une vulgaire lutte pour le pouvoir entre l'ancien président Marc Ravalomanana, accusé par ses ennemis d'avoir été un tyran, et son successeur - un trublion, dit-on dans le camp adverse. Hier, constataient les journalistes, certains habitants de la capitale ne savaient plus qui est l'occupant du palais d'Ambohitsorohitra et ne parvenaient plus à distinguer entre le bon et le méchant, la brute (comprendre les galonnés, dont le siège semble avoir été fait) attendant dans l'ombre le moment d'intervenir pour mettre bon ordre dans cette pagaille somme toute bon enfant.
Dans les années soixante-dix, le peuple s'était vu promettre par des putschistes un paradis socialiste baignant dans l'abondance et la douceur de vivre. Las ! Il n'en fut rien. Au lieu de quoi, et comme pour ajouter à la misère ambiante, plus d'un quart de siècle plus tard, le cyclone « Ivan le Terrible » balayait de ses vents violents la Grande Ile, faisant 322 000 sinistrés et des dégâts que l'on n'a pas fini de recenser. Les millions injectés dans les caisses de l'État par des multinationales comme Rio Tinto et Exxon Mobil n'ont pas été d'une grande aide puisque l'on ignore, à cette heure, quels en sont les véritables bénéficiaires. On sait par contre que les produits de base demeurent inaccessibles, alors que le président sortant a vu ses affaires prospérer, lui qui se trouve à la tête d'un empire agroalimentaire qui fournit le marché local en produits laitiers, huile domestique, riz, etc.
Après les violences des derniers jours, il est probable que l'on s'achemine vers une période marquée par l'incertitude quant aux lendemains. Rajoelina, qui donne la nette l'impression de détenir - mais pour combien de temps ? - toutes les cartes, jouit du soutien, et de l'armée, et des poids lourds représentés par les proches compagnons de l'ancien président Didier Ratsiraka. Lequel, ironie du jeu politique, avait perdu sa petite guerre contre Ravalomanana lors des élections de 2002.
L'Union africaine, qui ne saurait rester indifférente face à la crise, pourrait mettre sur la touche l'île aux ylang-ylang en attendant la prochaine consultation populaire. Mais que c'est loin, deux ans !...
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