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Les enfants apatrides, une existence sans identité, sans droits

Petits ou ados, ils témoignent

À moins d'une intervention de l'État, ces enfants ont peu d'espoir d'obtenir la nationalité à laquelle ils ont droit, car ils sont trop pauvres ou vivent des situations familiales difficiles.
Difficile d'aller à la rencontre d'enfants apatrides, car leur situation est souvent cachée et tue par les adultes qui les entourent. Sauf lorsque ces enfants et leurs familles, une poignée seulement du nombre global de sans papiers, sont soutenus par des associations spécialisées comme le Mouvement social, Mission de vie, SOS Villages d'enfants ou quelques autres encore. Difficile aussi pour les jeunes enfants de parler de leur problème, car ils n'en réalisent pas toujours la portée, sauf lorsque cela les touche directement dans leur vie quotidienne, ou que leurs parents prennent la parole pour eux.

Hospitalisée sous une autre identité
Youssef, 12 ans, de mère libanaise, de père apatride d'origine kurde et à l'identité sous étude depuis sa naissance, est passionné de football. « C'est lorsque j'ai été privé de participation à une équipe de football faute de papiers d'identité que j'ai vraiment réalisé ce que cela représente », dit-il, même s'il sait pertinemment qu'il ne pourra trouver de travail ni voyager sans carte d'identité. Et pourtant Youssef et ses sept frères et sœurs, tous apatrides, nés au Liban, mais ayant simplement un papier du moukhtar, subissent au quotidien les souffrances liées à leur statut. Leur mère raconte qu'ils ont été refusés par les écoles publiques, et qu'ils sont aujourd'hui en situation de décrochage scolaire, malgré la dérogation qui les a autorisés à être admis dans une école privée semi-gratuite. « Je devais payer plus cher pour qu'on accepte de me les inscrire, explique-t-elle, parce que l'école ne recevait aucune subvention pour mes enfants. Nous n'en avions pas les moyens. » La mère se souvient aussi du jour où sa fille a eu besoin d'être hospitalisée. « Grâce à l'aide du médecin, nous avons réussi à la faire hospitaliser sous une autre identité, aux frais du ministère de la Santé, car mes enfants n'ont droit à rien, ni à la Sécurité sociale, ni à être hospitalisés aux frais du ministère », déplore-t-elle. Elle évoque aussi l'argent payé en vain par sa belle-famille et subtilisé par des « avocats véreux », au moment de la vague de naturalisations.
« Mon grand-père paternel est libanais. Je ne sais pas pourquoi je n'ai pas la carte d'identité libanaise », dit à son tour Mohammad, lui aussi âgé de 12 ans. Sa mère, apatride d'origine syrienne, raconte que le grand-père de Mohammad, originaire de Turquie, a bien été naturalisé, en 1992, mais qu'il n'a tout simplement pas inscrit ses enfants, car il était souffrant. Aujourd'hui, la famille tente de réparer l'erreur du grand-père, par l'intermédiaire d'un avocat qui lui demande 8 000 dollars pour régulariser sa situation. « C'est trop d'argent. Nous n'avons pas les moyens de le faire », observe la mère. « C'est injuste pour mes cinq enfants, car ils paient les erreurs des grands », ajoute-t-elle.

Renvoyé de l'école à cause de son statut
Karim est, lui, de père libanais, alcoolique, qui a tout simplement négligé d'inscrire son fils, alors qu'il a enregistré ses autres enfants. Âgé de 15 ans, possédant tout juste la photocopie de son extrait de naissance, l'adolescent se sent différent des autres enfants de son âge, car il est pertinemment conscient des conséquences de son statut d'apatride. « Je ne peux rien faire, ni travailler, ni me faire enrôler dans l'armée. Je risque aussi à tout bout de champ d'être arrêté à un contrôle de sécurité », observe-t-il. Karim n'a pas poursuivi ses études qu'il a entamées à l'école publique, à titre exceptionnel. « Le directeur de l'école, qui connaissait pourtant mes parents, m'a carrément renvoyé, après la classe de septième, affirmant que j'avais besoin d'une carte d'identité pour poursuivre ma scolarité », ajoute-t-il. Quasiment illettré, car, comme il le dit, il n'était « pas très bon en classe », Karim est pourtant déterminé à faire tout son possible pour obtenir la nationalité qui lui revient de droit, même si, comme on l'a prévenu, « cela risque de prendre plusieurs années ».
Les choses semblent plus compliquées pour Layal, elle aussi âgée de 15 ans, car elle est née au Liban de mère libanaise et de père égyptien. Un père qui a disparu et qui serait peut-être mort, sans lui transmettre la nationalité égyptienne. N'ayant pour tout papier qu'un certificat de baptême, la jeune fille n'a été scolarisée que durant une courte période, sa mère n'ayant pu l'inscrire à l'école publique, et n'ayant plus les moyens d'assumer les frais de scolarité. « Je veux des papiers d'identité à tout prix », lance la jeune fille, consciente que sa mère devra payer beaucoup d'argent pour qu'elle ait enfin la nationalité libanaise.
L'État se penchera-t-il un jour sur le sort de ces enfants et des dizaines de milliers d'autres apatrides qui vivent, sans exister légalement, sur le territoire libanais ?

A.-M. H.
Difficile d'aller à la rencontre d'enfants apatrides, car leur situation est souvent cachée et tue par les adultes qui les entourent. Sauf lorsque ces enfants et leurs familles, une poignée seulement du nombre global de sans papiers, sont soutenus par des associations spécialisées comme le Mouvement social, Mission de vie, SOS Villages d'enfants ou...