Sur le marché de Beroun, le marchand de primeurs Zdenek Moravec n'est pas très convaincu : « Le bio, ça ne peut pas marcher ici, c'est bien pour les pays riches comme l'Allemagne ou la France, mais pour ici c'est beaucoup trop cher », bougonne ce sexagénaire. Quant à la cuisine moléculaire, il ne sait pas ce que c'est. Comme partout dans le pays, les menus des auberges locales sont aussi plutôt consistants : goulash, viande en sauce, genou de porc, accompagnés des incontournables knedliky (sortes de quenelles), de chou et de patates. Le tout s'arrose de bière.
Dans la capitale voisine, les magasins bio commencent une timide percée, avec pour clients une élite branchée. Au-delà du potentiel des touristes argentés qui visitent Prague, Zdenek Rajnis, le grand initiateur de L'Auberge de la clairière, est persuadé qu'« il existe un vrai public de gourmets tchèques ». L'ancien pays communiste a connu ces dernières années un vrai boom économique, le niveau de vie s'est élevé, les établissements haut de gamme se multiplient à Prague. « Il n'existe encore aucun véritable restaurant biologique, avec des plats et des boissons de qualité, préparés selon des recettes originales », assure le consultant tchèque. Ce bon vivant espère « développer le culte du bien manger et du bien boire, apporter une culture des produits sains et du vrai goût », loin de la consommation de masse qui a suivi quatre décennies de régime communisme.
Marc Veyrat, 59 ans, est « optimiste » : « Je suis sûr que les prochaines années verront un choc alimentaire de la même amplitude que le choc financier actuel, on ne peut pas continuer comme cela à infester la planète et l'organisme humain », dit-il. Ce fils de paysan s'est lui-même intéressé sur le tard aux produits bio, il parle avec passion des aliments « qui ne trichent pas » et de leur importance « pour le plaisir des sens, l'hygiène de vie et la santé publique ». Depuis plusieurs mois, il travaille sur un projet de domaine écologique à Manigod, son village natal dans les Alpes françaises.
Pour le « temple de la nourriture » prévu à Beroun, l'architecte Petr Suske a conçu des structures en bois sur pilotis inspirées de cabanes traditionnelles de chasse. Pour l'instant, le site choisi, un terrain militaire désaffecté, abrite deux anciens entrepôts en béton armé aux portes défoncées. Pour démolir et construire, il faudra 60 à 100 millions de couronnes (2,4 à 4 millions d'euros). Sur le papier, tout est prêt, mais la crise économique a compliqué le montage financier.
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