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Actualités - REPORTAGE

Histoire du premier livre imprimé sur Beyrouth en 1662

Par Hyam MALLAT* La désignation par l’Unesco de Beyrouth comme neuvième capitale mondiale du livre pour 2009 constitue un moment significatif par tout ce que représente cette ville – et le Liban – dans l’émergence de l’imprimerie et du livre dans le Proche-Orient. Moment de civilisation certes, mais aussi moment politique dont le Liban devrait tirer profit pour une réévaluation honorable du combat culturel de ce pays au cours des siècles passés pour baliser l’avenir et ses promesses. Et comme il y a lieu à cette occasion de parler du livre, j’ai décidé de proposer à la réflexion quelques ouvrages témoins car le livre fait partie de l’existence et en est une valeur ajoutée, surtout pour ceux qui aspirent, loin d’une vie végétative, à accéder à un ordre culturel éminent. Et c’est pourquoi j’ai pensé que l’histoire du premier livre imprimé sur Beyrouth méritait d’être rappelée en cette circonstance. Le premier livre imprimé sur Beyrouth a été publié en 1662 à Brunswick en Allemagne par Johannes Strauchi sous le titre « Berytus seu ad Tit. Cod. De metropoli Beryto-Dissertatio publica recitata in illustres Salanae superiori anno habita, panegyri doctorali ». Comme le titre le montre, cet ouvrage en langue latine de 54 pages est la présentation d’une dissertation publique pour l’obtention d’un doctorat faite par le dénommé Johannes Strauchi, que l’édition de 1662 dit appartenir à la Companie de Jésus. Cette première publication d’un livre sur Beyrouth, qui n’a jamais été traduit en langue française ou autre et qui ne semble pas avoir été connu ou utilisé par ceux qui ont écrit sur Beyrouth si ce n’est à titre de simple citation du titre sans référence au contenu, nous a paru suffisamment intéressant pour être l’objet d’une première présentation. À ce titre, deux points ont retenu notre attention, et ont exigé recherche et analyse : l’identification de l’auteur d’abord et le contenu de l’ouvrage ensuite. Qui est Johannes Strauchi s. j., auteur de cet ouvrage? La mention apposée près de son nom indiquant qu’il appartenait à la Compagnie des pères jésuites nous a poussés à consulter l’ouvrage de Sommervogel publié à partir de 1890 sous le titre « Bibliothèque de la Compagnie de Jésus » sans trouver aucune référence à Johannes Strauchi. Après quelques autres recherches infructueuses, et incapable d’arriver à un résultat à Beyrouth, je me suis adressé au père Rodriguez de la Compagnie de Jésus à la Curie généralice de la Compagnie de Jésus à Rome qui a eu l’amabilité de faire les recherches nécessaires et de m’adresser une lettre détaillée signalant l’existence à la Bibliothèque apostolique du Vatican d’une édition de l’ouvrage sur Beyrouth sous le titre: « Strauch, Johann, Johannis Strauchi… Berytus, seu Ad. Tit. Cod. De metropoli Beryto dissertatio publica. Brunsvigae, sumtibus operisque Zilligerianis, 1661 ». Toutefois, dans les archives de la Compagnie de Jésus, aucune référence biographique dans le fichier du père Lamale ne mentionne le nom de Johann Strauchi comme ayant été un père jésuite, et toutes les références biographiques ont corroboré ce point dont les ouvrages « Defunti Primi Speculi s.j.» du père Féjèr ; Backer, Bibliothéque des écrivains de la Compagnie de Jésus ; Carayon Bibliothèque hist. Comp. Ainsi donc, Johannes Strauchi ne serait pas un père jésuite contrairement à la mention portée sur le titre de l’ouvrage, et il est très probable qu’il n’ait jamais été un jésuite ou, pour le moins, qu’il ait quitté la compagnie comme scolastique avant les vœux solennels. Les quelques informations mentionnées dans la notice biographique publiée dans la Biographia Universale Antica e Moderna indiquent que « Strauch (Johannes), juriconsulte, est né le 2 septembre 1612 à Golditz dans la région de Meissen (Allemagne) où son père était caissier de l’électrice Sophie de Brandebourg… Après avoir fréquenté le gymnase de Zeitz, et étudié à l’Université de Lipsia et d’Iena, il obtint en 1638 le grade académique de maître en arts, et il devint professeur d’éloquence et d’histoire à Lipsia, en 1651 docteur en droit et en 1652 professeur ordinaire à Iena... Il obtint le titre de conseiller intime et la charge de président du Conseil et de chancelier... Professeur de droit et vice-chancelier à Giessen, c’est là qu’il mourut en 1679. Strauch jouit d’une bonne réputation dans les tribunaux d’Allemagne, où l’on cite souvent ses nombreuses dissertations… Cette courte notice ne nous fournit pas beaucoup d’indications sur Strauch. Quant aux raisons qui l’ont poussé à consacrer une dissertation publique à Béryte, il y a lieu de revenir aux deux dernières pages de son ouvrage où il a rappelé les raisons d’intérêt professionnel qui l’ont incité à étudier l’une des principales cités du monde romain dépositaire du droit pour obtenir son doctorat en droit avec pour thème la ville de Béryte. Ceci dit, comment se présente le contenu de l’ouvrage ? Celui-ci se divise en cinq chapitres traitant respectivement : de la cité de Béryte (chapitre 1) avec 29 paragraphes relatifs à divers sujets dont des citations d’écrivains anciens sur la ville ; de la colonie de Béryte et du droit italique (chapitre 2) avec 27 paragraphes traitant de l’établissement de la colonie romaine de Béryte, le droit dévolu en matière de droit italique, l’intérêt direct porté par les empereurs romains à la ville, les belles constructions et la dénomination donnée à Béryte du nom de la fille de l’empereur Auguste, Julia ; de la métropole de Béryte (chapitre 3) avec 19 paragraphes traitant de Béryte dans son milieu environnant, l’auteur citant Baalbeck, le Mont-Liban et Afka, Ulpien de Tyr ; de l’Academie de Beyrouth (chapitre 4) avec 27 paragraphes où l’auteur rappelle le rôle culturel de la Phénicie, les écrivains phéniciens dont Sanchoniaton, Philon de Byblos, Zenon, les jurisconsultes Dorothée et Anatolius ; l’école de Béryte (chapitre 5) avec 14 paragraphes, son éclat et ses problèmes, ainsi que le tremblement de terre et ses conséquences… Cet ouvrage, bien qu’il ne présente qu’une approche rapide de Beyrouth, reste le premier ouvrage imprimé sur cette ville et, à ce titre du moins, il méritait d’être signalé. Sa traduction permettrait de mettre à la disposition des chercheurs de nouvelles références historiques sur cette ville de la Méditerranée orientale, particulièrement avec sa désignation comme capitale mondiale du livre pour 2009. * Avocat et professeur. Ancien président du conseil d’administration de la Caisse nationale de Sécurité sociale et des archives nationales.
Par Hyam MALLAT*

La désignation par l’Unesco de Beyrouth comme neuvième capitale mondiale du livre pour 2009 constitue un moment significatif par tout ce que représente cette ville – et le Liban – dans l’émergence de l’imprimerie et du livre dans le Proche-Orient. Moment de civilisation certes, mais aussi moment politique dont le Liban devrait tirer profit pour une...