« Regards croisés » entre Français et Japonais du XIXe siècle

Il y a 150 ans, Français et Japonais échangeaient leurs premiers regards après deux siècles d’isolement volontaire du Japon. Ces « regards croisés »* constituent le thème original d’une exposition actuellement à l’affiche à Tokyo, tirée d’une collection de documents unique au monde. Christian Polak, homme d’affaires français qui vit au Japon depuis près de 40 ans, a rassemblé quelque 80000 documents, gravures, estampes, livres, photographies et illustrations sur la France et le Japon au XIXe siècle. Passionné par l’histoire des relations franco-japonaises, M. Polak a eu le déclic du collectionneur à la suite d’une rencontre en 1973 avec le professeur japonais Kunitaro Takahashi.«Il m’a encouragé à rassembler des documents et à ne pas hésiter à les acquérir même si le prix paraissait élevé, a-t-il raconté à l’AFP. J’ai appliqué ses conseils et j’ai pris l’habitude de visiter les librairies et bouquinistes du Japon, de France et des pays que je visitais dans le cadre de mon travail.» L’exposition est constituée de 80 estampes et affiches lithographiques. Deux gravures datant du XVIe siècle sont «le fruit de l’imagination des deux côtés», a commenté M. Polak. L’une, française, dépeint le roi de Nagasaki (sud du Japon), sous les traits d’un maharadjah avec des moustaches et une croix autour du cou puisque les Japonais de cette région étaient chrétiens à l’époque. L’autre, japonaise, dépeint un couple de Français qui ressemblent surtout à des Portugais ou des Espagnols, rares étrangers qui accostaient au Japon au XVIe siècle. Les estampes, basées sur la même technique que les célèbres ukiyo-e de Hiroshige, Utamaro ou Hokusai, brossent souvent avec humour des portraits de ces « barbares » venus de la « Furansu » (France). Plusieurs documents montrent des couples, un verre et une bouteille de vin à la main – déjà une caractéristique bien française – d’autres s’attachent à dépeindre des Françaises à cheval, autre curiosité. «Le cheval était réservé aux guerriers samouraïs, jamais une Japonaise ne montait à cheval et en plus les Françaises montaient en amazone, ce qui les intriguait encore plus», a expliqué M. Polak.