Les otages de la voyance Marie-Thérèse NAJJAR

Comme à chaque début d’année, tout le monde se rue sur les horoscopes et les prévisions des voyants et autres médiums pour se rassurer sur les événements à venir. Si cela est vrai partout dans le monde, ce phénomène atteint une frénésie presque hystérique au Liban, au point que durant tout le mois de janvier, on ne parle pratiquement que des prévisions de celui-ci ou de celle-là tout en s’efforçant de trouver quelque réalité dans leurs vagues prédictions précédentes. Est-ce cette instabilité permanente qui caractérise le Liban et l’incertitude continue dans laquelle vivent les Libanais, ballottés perpétuellement entre leur pays et l’étranger, qui les poussent à s’accrocher si désespérément aux fils du destin ? Malgré toutes les avancées scientifiques et technologiques, malgré toutes les réflexions philosophiques et religieuses, l’humanité est-elle donc encore tellement fébrile pour ne pas comprendre que son destin est entre ses mains et que Dieu lui offre la liberté – ce magnifique cadeau – de construire elle-même son avenir ? Quel est donc ce mystère qui pousse l’homme à brader ainsi sa liberté pour le prix d’un simple jeu de tarots ? Quelle est donc cette intelligence humaine capable d’un côté de révolutionner le monde à travers ses incroyables inventions (la médecine, l’aviation, le téléphone, l’Internet…) et de l’autre de se convaincre que son destin est écrit dans les restes d’une banale tasse à café ? Il serait bon que tous les otages de la voyance se rappellent ces vers de La Fontaine, extraits de la fable « L’Horoscope » : « Je ne crois point que le destin se soit lié les mains et nous les lie encor Jusqu’au point de marquer dans les cieux notre sort Il dépend d’une conjoncture, de lieux, de personnes, de temps, Non des conjonctions de tous ces charlatans. » Article paru le jeudi 22 janvier 2009