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Hommage Mansour Rahbani, chantre du pays du Cèdre, tire l’ultime révérence… Edgar DAVIDIAN

Les feux de la rampe, entre musique et verbe, l’ont rendu célèbre. Illustre représentant et symbole de la culture libanaise, Mansour Rahbani, fin poète et musicien inspiré, a donné en ce 13 janvier 2009 le dernier acte de sa vie. Son héritage est impérissable. Les foules, d’Antélias à tous les points cardinaux de la planète, vous le diront. Le public guettait ses moindres mots. La presse le redoutait ou s’en amusait. Des mots qui oscillent entre ironie, piques politiques, traits caustiques, mais aussi douceur et esprit du lyrisme du monde du Parnasse. Adulé et respecté des gens de la scène (beaucoup de vedettes lui doivent leur carrière), aussi bien que des spectateurs et de la presse, Mansour Rahbani, patriarche « verdien » en sa demeure d’Antélias, en imposait avec sa voix grave, sa gouaille entre ton populaire et érudition, son allure majestueuse, ses insoupçonnables virées du côté de la tendresse, sa mansuétude et surtout ce grain de poésie qui éclate brusquement au milieu de ses phrases comme un marron sur le feu… Terrassé par la mort à l’âge de quatre-vingt-trois ans, son verbe et sa musique n’en sont pas moins vivants. Bien vivants dans l’écrin d’un «libretto», d’une plaquette de poésie, les lignes d’une partition, les répliques d’un dialogue, le satin d’une ritournelle, la trame d’une histoire, les contours de ses personnages… Flash-back sur un profil, une carrière et un parcours exceptionnels où l’opérette libanaise a conquis, en fanfare et soyeux rubans de mélodies, dans une jouissive alliance de la musique et du verbe, les frontières du monde… Né à Antélias en 1925, Mansour Rahbani fit son éducation à l’École des sœurs de Ibrin. Entre les brumes de Bickfaya et les odoriférantes pinèdes du Mont-Liban s’est écoulée une enfance ponctuée sans doute par le rêve, mais marquée surtout par la mort un peu prématurée de son père. À dix-sept ans, l’adolescent affronte déjà les affres de la vie et ses lourdes responsabilités. Mais c’était sans compter le secours inestimable de la musique, qui garde pour tout humain de larges zones de bonheur, d’évasion… C’est avec le père Paul Achkar que le jeune homme fait ses premières gammes entre harmonies, contrepointes, orchestration et analyse. Neuf ans d’études sous la férule de Bertrand Robillard complètent cette formation de musicien. Très vite, la collaboration avec son frère Assi s’impose comme une finalité naturelle. C’est l’heureuse époque des premières émissions à la radio en 1945. Émissions charriant déjà un esprit neuf, assimilant culture traditionnelle libanaise et ouverture sur le monde de la musique occidentale. À titre de mémoire, le premier sketch s’intitulait Sabeh et Makhoul. Mais le meilleur était encore à venir avec le mariage de Assi en 1955 avec Nouhad Haddad, devenue la grande diva Fayrouz, astre de la chanson du monde arabe. Dès lors, le « trio », plébiscité par le public et gagnant tous les galons de ses faveurs, va voler de succès en succès… Le temps des récoltes est donné à Baalbeck en 1957. Tous les festivaliers, ravis et charmés par cette délicate essence entre verbe vaporeux et musique impalpable, parlent de triomphe, de nouveauté, d’un esprit unique… Plus de quarante œuvres de scènes, opérettes qui tranchent sur le monde (et mode) occidental et s’en singularisent, vont bouleverser les données des feux de la rampe en Orient. Du Piccadilly de Beyrouth à toutes les capitales du monde (Londres, Paris, Rio de Janeiro, Sao Paolo, Buenos Aires), en passant par les mégalopoles arabes (Amman, Le Caire, Damas, Bagdad, Koweït) et tout l’arrière-pays, ainsi que les pays d’Afrique du Nord, le « rêve rahbanien » voyage en toute liberté et séduction et fait des ravages et des tabacs… Conciliation d’un héritage musical mêlant le patrimoine arabe, l’art islamique, les valeurs maronites et les richesses byzantines, le monde « rahbanien » puise à plus d’une source pour ériger et cimenter ce monde de la scène bâti sur la dignité, la délicatesse, la vérité, l’amour de la terre et de l’humanité. Une trentaine de pièces en collaboration bicéphale tout en touchant au cinéma (Le vendeur de bague, Safarbarlek, La fille du gardien), sans parler des émissions de radio, voilà la création des frères Rahbani. Mais le destin a de ces détours… Assi parti en 1980, Mansour est resté seul sous la flaque de lumière…Acte jamais tiré, rideau jamais baissé, plume jamais à sec, partition aux notes de plus en plus serrées…Voilà l’auteur-compositeur, en impénitent et infatigable solitaire, à nouveau dans le dédale des productions, de plus en plus fastueuses, ambitieuses, grandioses (scéniquement), avec le clan Rahbani nouvelle vague et génération (Oussama, Marwan, Ghadi) en oubliant un peu les limites de ce village libanais mythique dans sa douceur, son hospitalité, son cadre verdoyant, ses personnages souriants ou malicieux et ses nuits étoilées avec un croissant de lune argenté… Mansour Rahbani, fidèle à sa conception de promouvoir surtout la culture arabe, a taillé dès lors davantage dans l’histoire… Plus d’une dizaine de productions, dont la vie de Gibran, al-Moutannabi, Socrate…Sans oublier son dada de toujours, lui qui a le sens du religieux, la musique sacrée, avec Et il ressuscita le troisième jour et surtout cette magnifique Sainte Messe donnée en grande piété et pompe en l’an 2000 à l’église Saint-Élie à Antélias. Controversé par certains ténors de la presse sur la qualité de son écriture, vilipendé par certains intellectuels «chichiteux » sur sa teneur de certaines facilités, boudé par un public parfois snob ou simplement versé en « musical » (quoique la comparaison ne s’impose guère) sous prétexte qu’il voyage beaucoup, le spectacle « rahbanien» n’en est pas moins d’une immense popularité. Et âprement défendu par ses nombreux et innombrables fans… Le mot, avec toutes ses finesses, son non-dit, ses zones d’ombre et de lumière, a toujours eu les faveurs de Mansour Rahbani. Ce n’est guère hasard si on l’a croisé en devanture des librairies deux plaquettes de poésie intitulées : Seul je voyage en roi et Moi, l’autre étrange humain. Aujourd’hui, sa pièce Le retour du Phénix est encore à l’affiche. Ce Phenix qui renaît de ses cendres, incontournable mythe d’un Liban sans cesse détruit et reconstruit… Le poète a parlé. Son testament est clair : priorité à la vie, à l’espoir, à la bonté, à l’amour, à la fidélité à une terre. Cette terre qui a pour nom Liban et dont l’auteur-compositeur de Saif 840 a placé le rayonnement au firmament de la gloire.
Les feux de la rampe, entre musique et verbe, l’ont rendu célèbre. Illustre représentant et symbole de la culture libanaise, Mansour Rahbani, fin poète et musicien inspiré, a donné en ce 13 janvier 2009 le dernier acte de sa vie. Son héritage est impérissable. Les foules, d’Antélias à tous les points cardinaux de la planète, vous le diront.
Le public guettait ses...