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Actualités - OPINION

« Francophonie : conflit ou complémentarité identitaire ? » Caroline HERVÉ-MONTEL

Le Salon du livre a salué la parution en deux volumes des actes du colloque international « Francophonie : conflit ou complémentarité identitaire » publiés par l’Université de Balamand. Le débat ouvert au public sur le thème conjugué de l’identité et de la francophonie, inauguré par le ministre Tarek Mitri, fut l’occasion de retracer les grandes lignes de cet événement dans le monde de la recherche universitaire, qui s’est déroulé sur cinq journées du 16 au 20 avril 2007, et dont l’impact peut aisément être mesuré à la lecture des actes. Colloque d’envergure internationale, il a rassemblé des chercheurs et des personnalités du monde de la littérature et de la pensée venus de multiples horizons, à l’image de la pluralité que cette manifestation entendait mettre en débat, avant de la célébrer. Au cœur de ce débat donc, la notion d’identité, qui pour être brûlante au Liban comme ailleurs, n’en est pas moins la clé pour définir un nouvel humanisme dont la francophonie pourrait dessiner les contours, en vertu de la réponse qu’elle propose au « choc des cultures » ou des « civilisations » en vogue dans le monde anglo-saxon. Toutefois, il ne s’agissait pas, au cours de ces cinq journées de discussion, de partir d’un consensus de bon aloi, car la spécificité de la francophonie est justement tout le contraire de l’uniformité culturelle. Ainsi, le couple conflit/complémentarité a été inscrit au débat à titre de problématique. La grande diversité des intervenants, tant sur le plan des nationalités que des disciplines représentées, a permis de multiplier les points de vue sur ce que cela signifie, aux yeux de chacun, qu’être francophone. Aujourd’hui, la francophonie n’est plus un simple phénomène de langue et les francophones ne constituent nullement un corps homogène : assemblage d’identités diverses, parfois contradictoires voire opposées, la francophonie est cependant apparue, au fil des dix-sept séances, comme une « superidentité » dont l’unité tire justement sa raison d’être de la diversité de ses composantes. Les actes du colloque reflètent très exactement cette pluralité d’horizons culturels et intellectuels : y sont rassemblées des réflexions sur des questions d’ordre humain, sociétal, philosophique, éthique et littéraire abordant le thème de l’autre et de son incidence sur notre présence au monde dans des pays allant du Liban au Cameroun, en passant par la Belgique, l’Algérie, le Maroc, etc. Les textes des conférences, classés en sept parties dans les deux volumes des actes, en font un ouvrage de référence et un outil de travail clair et maniable : la première partie, « Témoignages francophones », regroupe les conférences de personnalités de la francophonie, et non des moindres : les noms des écrivains et penseurs Salah Stétié, Abdelwahhab Meddeb, Percy Kemp, de l’éditeur Jean Ferreux suffisent à indiquer l’envergure du colloque de Balamand. Les trois parties suivantes font se succéder les réflexions éthiques, ouvertes par la conférence nourrie de Raymond Renard, celles portant sur les questions identitaires, puis sur les disparités, et spécificités linguistiques et culturelles du monde francophone. La cinquième partie, elle, traite plus proprement de la littérature francophone, entre autres libanaise, réfléchissant à la façon dont s’y inscrit la dialectique entre identité et altérité. La sixième partie constitue, à elle seule, un outil de recherche important : consacrée à Georges Schehadé, dont on célébrait le centenaire de la naissance, elle fait un bilan sur les travaux portant sur l’œuvre de ce poète et dramaturge majeur de la littérature libanaise et francophone. En guise de clôture, les actes débouchent symboliquement sur une palette d’interventions relevant de domaines variés : histoire, médias, chansons, pédagogie, expériences vécues, qui témoignent de la vitalité et de l’actualité des enjeux de la francophonie dans le tissu social comme dans les profondeurs de la personnalité. Ainsi, cet ouvrage, en croisant différents domaines – éthique, linguistique, philosophique, littéraire, anthropologique –, permet à chacun de dépasser son propre « point de vue francophone » en le resituant dans un ensemble dynamique et problématique. Outre ce mérite majeur, c’est un véritable instrument de travail : par les contributions prestigieuses qui l’inaugurent ; par les articles de référence qu’il contient sur des auteurs francophones majeurs ; par l’état des lieux qu’il dresse sur la recherche en études francophones et notamment sur la littérature libanaise en français ; par les bibliographies précieuses dont nombre d’articles sont assortis ; enfin, par l’importance toute particulière qu’il accorde à la traduction et plus généralement au contact des langues et des cultures, l’une et l’autre étant les clés du monde intellectuel, culturel et éthique de demain. En somme, un ouvrage tourné vers l’avenir qui, si besoin était, redonne du sens au fait d’être francophone : reflet d’une grande rencontre où la présence de l’autre nous a invités, nous tous francophones, à construire une nouvelle et commune responsabilité morale en acceptant, pour la dépasser, la présence contradictoire de systèmes de valeurs émanant de cultures différentes et à fonder un nouvel humanisme fondé sur la pluralité, car il n’est point de vie sans conflit, ni de survie sans relation. Article paru le mercredi 14 janvier 2009
Le Salon du livre a salué la parution en deux volumes des actes du colloque international « Francophonie : conflit ou complémentarité identitaire » publiés par l’Université de Balamand. Le débat ouvert au public sur le thème conjugué de l’identité et de la francophonie, inauguré par le ministre Tarek Mitri, fut l’occasion de retracer les grandes lignes de cet...