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Actualités - CHRONOLOGIE

Patrimoine Dans la maison des pêcheurs de Tyr, la modernité a rendez-vous avec la tradition George ACHI

Les pêcheurs de Tyr, qui forment une communauté au bas de l’échelle sociale, se sont battus pour renouveler leur habitat. Un architecte libanais leur a offert un design révolutionnaire qui va à la rencontre de leur tradition. À la sortie de Tyr, un peu à l’écart de la mer, un bâtiment neuf et coloré se dresse entre les immeubles en béton gris et les terrains vagues. Entouré de palmiers, il ajoute une note joyeuse au décor de cette zone périurbaine en développement, et ses teintes chaudes lui permettent de se fondre dans le paysage baigné de soleil. Derrière les murs, se juxtaposent deux grandes cours ombragées, qui offrent une fraîcheur difficilement négligeable dans cette région. Des fenêtres et des balcons s’ouvrent les uns face aux autres, sur trois étages, abritant des appartements où vivent des familles de quatre ou cinq personnes. Les mères peuvent surveiller leurs enfants qui jouent en bas ; dans un coin, du matériel de pêche attend d’être rangé après une sortie en mer. Cette grande maison est celle des pêcheurs de Tyr, dessinée par l’architecte libanais Hashim Sarkis. Une vingtaine de familles y a déjà emménagé, et l’on attend le reste des propriétaires dans le courant de l’année 2009. C’est l’aboutissement d’un vieux projet qui a vu le jour il y a plus de vingt ans grâce à l’Association pour le développement rural (ARD), une organisation non gouvernementale dont le but est d’aider les habitants des zones rurales défavorisées à « acquérir les connaissances et les moyens nécessaires à l’amélioration de leur niveau de vie ». Avec son soutien et celui de son président, Youssef el-Khalil, les pêcheurs ont formé une coopérative dans le but de résoudre un grave problème d’habitation. Leur communauté, une des plus défavorisées du pays, vivait jusque-là dans le vieux port de Tyr, dans des maisons devenues trop petites pour des familles toujours grandissantes. Les conditions d’humidité et d’hygiène y étaient déplorables. Aujourd’hui encore, les cas d’asthme et de rhumatisme ne cessent d’augmenter. Impossible pourtant d’envisager des travaux d’agrandissement, le site étant classé Patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco. S’éloigner de la mer pour plus de confort Les pêcheurs de cette coopérative ont donc décidé de quitter le vieux port, pour s’installer à l’intérieur des terres, dans une zone constructible. Le nouvel emplacement, à Abbassiyeh, loin de la côte, n’est pas idéal, mais le terrain leur a été cédé par l’archidiocèse de la ville et ils ont résolu de faire le meilleur usage possible de ces 6 500 m2 mètres carré qui s’offraient à eux. Hashim Sarkis, qui enseigne à l’Université de Harvard et pratique l’architecture dans de nombreux pays, était l’homme de la situation : écoutant les besoins exprimés par les pêcheurs et attentif aux facteurs sociaux qui soudent leur communauté, il a imaginé ce grand bâtiment qui rappelle les anciennes maisons du port, sans en garder les défauts. Il s’agissait d’abord de conserver l’équilibre entre l’espace privé des familles et l’espace public, pour ne pas nuire à l’esprit de communauté qui règne parmi les pêcheurs. Situé hors de la ville, dans une zone encore peu peuplée, le bâtiment doit offrir un espace de vie commune à ses habitants : c’est le rôle que joue la double cour intérieure. Toutefois, si tous les appartements sont orientés vers cette cour, chacun d’entre eux constitue une unité distincte, dans laquelle vit une seule famille. Un souci d’égalité « L’autre défi, explique M. Sarkis, était de ne pas créer d’inégalité entre les familles. Les pêcheurs ont exprimé leur volonté de bénéficier de la même superficie dans chaque unité, mais au vu des conditions du terrain, il était difficile de créer 80 appartements identiques. » La solution fut de dessiner plusieurs types de logements, tous de la même grandeur, mais s’agençant différemment selon leur situation dans le complexe. Certains possèdent un jardin, d’autres des balcons, ou encore une terrasse, mais ils bénéficient tous d’une ouverture confortable vers l’extérieur. À la demande des pêcheurs, c’est par tirage au sort que la répartition des logements a eu lieu entre les différentes familles. Le projet a été financé grâce à la participation de différentes agences locales et internationales. Les pêcheurs de la coopérative n’ont à débourser qu’une somme symbolique, au niveau de leurs moyens, pour acquérir les appartements. C’est surtout grâce à l’enthousiasme de l’ONG, de l’architecte et de son équipe que le projet a été mené à bout : en dix ans, ils ont surmonté les obstacles administratifs pour la construction sur le terrain, des difficultés financières sans cesse renouvelées et une guerre qui a paralysé la région en 2006. Le projet a été récompensé au niveau international : l’Association des architectes de Boston lui a décerné l’année dernière un Design Award et il a été sélectionné pour représenter le Liban dans l’Atlas Phaidon de l’architecture du XXIe siècle. Il constitue aujourd’hui un modèle pour la construction de logements à coûts réduits.
Les pêcheurs de Tyr, qui forment une communauté au bas de l’échelle sociale, se sont battus pour renouveler leur habitat. Un architecte libanais leur a offert un design révolutionnaire qui va à la rencontre de leur tradition.
À la sortie de Tyr, un peu à l’écart de la mer, un bâtiment neuf et coloré se dresse entre les immeubles en béton gris et les terrains vagues....