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Théâtre Le lamento des vivants Edgar DAVIDIAN

Un père et ses deux fils. L’exil. Une famille éclatée. Entre folie, démesure et souffrances humaines se déploie le verbe du «Fou d’Omar» d’après le roman de Abla Farhoud porté aux feux de la rampe par Nabil el-Azan (qui en assume aussi sobrement la mise en scène) et Michèle Antiphon. Un verbe tendu, tourmenté, tendre, douloureux, en quête surtout d’identité et d’amour… Un monde sombre, oppressant et crépusculaire a envahi l’Espace Tournesol (rond-point Tayyouneh) pour évoquer l’exil au Canada d’une famille libanaise. Déchirure et difficulté d’intégration. Survient la mort du père, Omar, poète converti dans la production de lingerie féminine appelée «Paradise». Omar voue un amour immodéré pour son fils fou, Radwan, qui n’arrive plus aujourd’hui à faire les gestes nécessaires pour le porter en terre… C’est à ce moment précis que démarre la pièce. Appel au second frère, Rawi Abou Khouloud, devenu écrivain à succès sur la Côte d’Azur sous le nom de Pierre Luc Duranceau… Rivalité et complicité des deux frères, et souvenirs d’une famille terrorisée et traumatisée par la guerre… Dans un décor presque minimaliste, une grande bibliothèque où trônent livres (mémoire du monde) et quelques bricoles sur les étagères, deux tables et un lit, trois acteurs, impeccables dans leur prestation tout en tons justes, vont donner vie et chair à un flot de mots. Mots français, anglais et arabes, splendide alliage de vocables empruntant sonorité à divers horizons pour parler de la solitude, de la guerre, de la mort, de la souffrance, de l’intégration dans une société différente, de la fraternité (humaine), de l’identité et surtout de l’amour. Un père silencieux et grave (Gabriel Yammine, colossal monolithe chevelu privé de paroles), âme errante ponctuant les lambeaux de souvenirs de ses deux enfants qui se déchirent et s’aiment par des extraits de poésie déclamés avec lenteur, gravité et emphase. Poésie injectée au texte original de la romancière où se mêlent, en langues aussi bien française qu’arabe, les voix de Shakespeare, Borges, Hafiz, du Coran, du livre de Job, d’Adonis, Nietzsche, Mallarmé, Ibn Arabi…Poésie donnant force, légèreté, respiration et poids d’universalité et d’immortalité au vécu de tout être humain… Radwan (admirablement campé par un jeune talent canadien, Éric Robidoux) est bouleversant entre aveux innocents et crise d’épilepsie incontrôlable. Rawi (interprété avec une grâce juvénile par Baptiste Kubich), engoncé dans sa mégalo d’écrivain arrivé, est d’une séduction tout en finesse, torse nu devant son ordinateur et ses déchirants rapports avec sa famille et le personnage qu’il s’est forgé et inventé. Dans cette terrifiante traversée de limbes glacées pour inhumer le père décédé, les deux frères finissent par se rejoindre et exécutent ensemble leur ultime devoir. Le devoir d’un rituel funéraire accompagné des flocons de neige pour celui qui est pourtant né sous une terre de chaleur et de soleil…
Un père et ses deux fils. L’exil. Une famille éclatée. Entre folie, démesure et souffrances humaines se déploie le verbe du «Fou d’Omar» d’après le roman de Abla Farhoud porté aux feux de la rampe par Nabil el-Azan (qui en assume aussi sobrement la mise en scène) et Michèle Antiphon. Un verbe tendu, tourmenté, tendre, douloureux, en quête surtout d’identité et...