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Actualités - OPINION

Les défis liés à la démocratisation de la fonction publique au Liban

En ce qui concerne la fonction publique au Liban, le souci de dépasser le cadre strictement confessionnel pour assurer l’égalité d’accès à tous apparaît dans les diverses dispositions constitutionnelles (voir L’Orient-Le Jour du samedi 27 décembre 2008). a – Le confessionnalisme et l’égalité d’accès à la fonction publique L’article 12 de la Constitution dispose : « Tous les citoyens libanais sont également admissibles à tous les emplois publics sans autre motif de préférence que leur mérite et leur compétence et suivant les conditions fixées par la loi. Un statut spécial régira les fonctionnaires de l’État suivant les administrations auxquelles ils appartiennent. » Cette disposition constitutionnelle consacre l’égalité d’accès à la fonction publique. Aucune condition relative aux communautés n’est faite dans cet article. De plus, l’article 95, avant sa modification par la loi constitutionnelle du 21/9/1990 (l’accord de Taëf), disposait qu’à titre transitoire et dans une intention de justice et de concorde, les communautés seront équitablement représentées dans les emplois publics et dans la composition du ministère sans que cela ne puisse cependant nuire au bien de l’État. Ainsi, la première Constitution libanaise de 1926 avait retenu le principe de l’abolition du confessionnalisme politique dans la mesure où la répartition communautaire des fonctions et emplois publics présentait un caractère transitoire. L’article 95 précité a été modifié par la loi constitutionnelle du 21/9/1990 et prévoit que « la Chambre des députés élue sur une base égalitaire entre les musulmans et les chrétiens doit prendre les dispositions adéquates en vue d’assurer la suppression du confessionnalisme politique, suivant un plan par étapes. Un comité national sera constitué et présidé par le président de la République, comprenant en plus du président de la Chambre des députés et du président du Conseil des ministres, des personnalités politiques, intellectuelles et sociales. La mission de ce comité consiste à étudier et à proposer les moyens permettant de supprimer le confessionnalisme et les présenter à la Chambre des députés et au Conseil des ministres ainsi qu’à poursuivre l’exécution du plan par étapes. Durant la période intérimaire, les communautés seront représentées équitablement dans la formation du gouvernement. De plus, la règle de la représentation confessionnelle est supprimée. Elle sera remplacée par la spécialisation et la compétence dans la fonction publique, la magistrature, les institutions militaires, sécuritaires, les établissements publics et d’économie mixte, et ce conformément aux nécessités de l’entente nationale, à l’exception des fonctions de la première catégorie ou leur équivalent. Ces fonctions seront réparties à égalité entre les chrétiens et les musulmans sans réserver une quelconque fonction à une communauté déterminée tout en respectant les principes de spécialisation et de compétence ». Il est donc essentiel d’œuvrer à l’abolition du confessionnalisme dans la fonction publique pour assurer la transparence, la neutralité et l’absence de politisation en son sein. Mais malheureusement, depuis 1990, et exception faite de la suppression de la mention de l’appartenance communautaire sur les documents d’identité, le dossier de l’abolition du confessionnalisme politique n’a pas progressé. Tel est le cas précisément pour la répartition des fonctions dans l’administration publique. b – Principaux problèmes de l’administration publique libanaise Dans ce cadre et à la lumière des fondements juridiques de la fonction publique et des sciences administratives relatives à la fonction publique, il est nécessaire de faire état des principaux problèmes dont souffre l’administration publique libanaise. 1 – Une administration publique accablée par les tâches et les responsabilités : Les tâches et les responsabilités qui incombent aujourd’hui à l’État et auxquelles s’ajoutent les travaux de procédure et les services ne reflètent pas les priorités de l’État moderne. Dans la plupart des domaines, les institutions du secteur privé et les organisations non gouvernementales sont plus aptes et plus disposées à offrir des services que le secteur public. De ce fait, si la société civile et le secteur privé s’abstiennent de soutenir la réforme administrative et si l’administration publique ne parvient pas à gagner leur soutien, à mobiliser leurs énergies et à les impliquer dans le processus de réforme, on risque de ne pas sortir de l’impasse. 2 – Organisation et structure inefficaces de l’administration : La structure de l’administration publique souffre d’une centralisation excessive et d’une faible coordination entre les administrations centrales et les administrations locales (municipalités). Ce phénomène empêche l’État de répondre efficacement aux besoins des municipalités et de mobiliser ses capacités pour le travail et l’innovation. 3 – Lacunes du processus d’élaboration des politiques : La mise au point des politiques générales et sectorielles manque souvent d’innovation et d’un pouvoir de planification et de programmation et ne répond pas aux besoins réels. C’est pourquoi il convient de revoir et de moderniser bon nombre de lois et de procédures à la lumière des derniers changements et développements. 4 – Pléthore de fonctionnaires et inadéquation des règlements généraux : Il existe de nombreux postes vacants chez les cadres permanents. En effet, le nombre de postes vacants est estimé à plus de 10 000 emplois sur 22 000 dont la majorité fait partie des première et deuxième catégories. Le manque de compétences importantes se fait surtout sentir en informatique, en gestion, en sciences administratives, financières et économiques, ainsi que dans les domaines de la planification et de la statistique... car le secteur privé attire les hommes de spécialité par des salaires plus élevés que ceux offerts par l’État. 5 – Baisse de l’efficacité des règlements administratifs : L’administration publique fait l’objet de pressions et d’interventions continues, ce qui a créé des rapports avec les politiques fondées sur le favoritisme et la subordination. Très souvent, ces politiques facilitent l’obtention de services par les citoyens au sein d’une administration peu efficace. Par conséquent, nombreux sont ceux qui considèrent que l’administration publique au Liban s’est transformée en un outil mis, dans une certaine mesure, au service des politiques et de ceux qui détiennent le pouvoir. 6 – Absence de responsabilisation : Les systèmes de contrôle et de responsabilisation adoptés dans l’administration sont inefficaces. Il existe plusieurs organes disciplinaires et de contrôle au sein du pouvoir exécutif. Cependant, l’on n’est toujours pas parvenu à dénoncer toutes les irrégularités, ni à mettre un terme à la mauvaise administration. 7 – Le citoyen n’est pas au centre de l’attention de l’administration : Nombreux sont ceux qui trouvent que l’État sert en premier lieu les intérêts de certains fonctionnaires et de ceux qui détiennent le pouvoir. C’est ce qui occulte les besoins et les points de vue du citoyen. Ce dernier, de même que les entrepreneurs, les demandeurs de services dans maints domaines, les responsables au sein des municipalités et certaines personnalités qui ont besoin des services et du soutien des administrations et des institutions de l’État, doivent faire face à des procédures complexes et confuses. 8 – Difficultés financières et service de la dette Ce dont souffre le plus l’administration publique au Liban, ministres, directeurs publics et conseillers confondus, est probablement le fait que les personnes compétentes ne ressentent pas le lien organique et vital entre la performance de la fonction publique et l’activité macroéconomique. 9 – La corruption Selon un recensement effectué en 2005 par les filières nationales de l’organisation « Transparence internationale », il s’est avéré que la corruption dans le secteur public prenait la même forme et affectait les mêmes secteurs aussi bien dans les pays développés que dans les pays en voie de développement. En effet, les activités gouvernementales les plus exposées à la corruption sont les suivantes : les achats effectués par le gouvernement, la reclassification des terres, la collecte des revenus, les nominations gouvernementales et les organismes gouvernementaux locaux. De même, les moyens de corruption se ressemblent largement et comprennent le népotisme, le favoritisme, le clientélisme, la corruption politique (à travers les donations accordées aux campagnes électorales), les pots-de-vin versés pour obtenir des contrats gouvernementaux et des consultations, la falsification des documents sous toutes ses formes. Dans le cadre de la fonction publique, plusieurs actes entachés de corruption sont commis. Dans ce cadre, nous pouvons citer les cas des ministres qui cèdent leurs prérogatives, des fonctionnaires qui obtiennent un pourcentage sur les contrats gouvernementaux, qui reçoivent des cadeaux des contractants avec le gouvernement ou accordent des contrats à des sociétés dont ils sont les partenaires, des partis politiques qui exploitent leur force ou leur continuité au pouvoir pour imposer une commission ou une taxe illégale aux sociétés, et ce afin de leur accorder des contrats gouvernementaux, certains cadres de la fonction publique qui exigent de leurs subordonnés une commission ou une taxe illégale qu’ils leur demandent de collecter. En conclusion, force est de constater que la structure sociopolitique du Liban transparaît dans la fonction publique sous l’angle clientéliste qui la marque profondément. En effet, « la fonction publique adhère à la société libanaise par un de ses traits fondamentaux, qui est le confessionnalisme politique. Celui-ci maintient un esprit de clientèle peu conforme aux exigences du service public et a pour corollaire inévitable l’intervention des zou’amas dans la gestion interne de la fonction publique. » Fady FADEL Professeur de droit public
En ce qui concerne la fonction publique au Liban, le souci de dépasser le cadre strictement confessionnel pour assurer l’égalité d’accès à tous apparaît dans les diverses dispositions constitutionnelles (voir L’Orient-Le Jour du samedi 27 décembre 2008).

a – Le confessionnalisme et l’égalité d’accès à la fonction publique
L’article 12 de la Constitution...