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Actualités - OPINION

Le point Le péril jeune

de Christian MERVILLE Des conflits légués d’une génération à l’autre, les dieux de l’Olympe savent combien il y en a eu à travers l’histoire, mettant aux prises deux familles. En Grèce, les deux grands noms qui se disputent le pouvoir – selon un scénario si parfaitement rodé qu’on en vient à se demander s’il n’est pas convenu – sont ceux des Papandreou et des Caramanlis. Quand le représentant de l’une des deux dynasties est au gouvernement, on peut être certain que l’autre se trouve dans l’opposition, jusqu’à la consultation populaire suivante, où les rôles seront inversés. Et comme on est dans le temple de la tragédie, les choses prennent souvent la couleur du sang. Samedi dernier, ce fut le cas quand, dans le quartier d’Exachia, au centre d’Athènes, un policier a tiré trois coups de feu sur un groupe de jeunes qui s’en prenaient aux voitures à l’arrêt. Une des balles a ricoché avant de toucher mortellement le jeune Alexandre Andreas Grigoropoulos, 15 ans. Les adversaires du régime, le Pasok de George Papandreou en tête, tenaient là leur icône, ou leur prétexte ; ils n’allaient pas se priver de l’exploiter. Mercredi, les manifestations musclées sont entrées dans leur cinquième journée et le bilan des dégâts s’alourdit d’heure en heure, évalué déjà à des dizaines de millions d’euros. Selon le maire de la capitale, Nikitas Kaklamanis, 360 succursales de banque ou magasins ont été partiellement détruits, sans parler de plusieurs centaines de voitures. La presse a emboîté le pas à ses lecteurs pour s’interroger : « Que font les forces de l’ordre ? » Ce qu’elles font ? Le gros dos, en attendant la fin prochaine, espèrent-elles, de la folie qui a gagné l’ensemble du pays. En réalité, la passivité de la police est le résultat tout autant d’un manque flagrant de moyens (les brigades antiémeute ne disposent même pas de canons à eau … – que des hésitations des responsables politiques. C’est que le ministre de l’Intérieur paraît tabler sur le ras-le-bol populaire face à la chienlit, alors que socialistes et communistes attendent de voir le mouvement enfler et déstabiliser un cabinet qui ne dispose que d’une voix de majorité au Parlement. Le Premier ministre a beau jeu de dénoncer, dans un message à la nation, « les ennemis de la démocratie » et d’annoncer des mesures drastiques, il n’est pas suivi par ses adversaires qui réclament, eux, un retour aux urnes pour régler la crise. En attendant la victoire (hypothétique pour l’heure) de l’un ou l’autre des deux camps, la vie s’écoule au ralenti. Trafic aérien suspendu, banques et écoles fermées, hôpitaux fonctionnant en service restreint : c’est le pays tout entier qui est au bord du gouffre, et pas seulement le gouvernement et la police, comme le pense le quotidien Ta Nea. Les échauffourées s’étendent maintenant à la grande cité portuaire de Patras, dans le Péloponnèse, à Chania, en Crète, et à Salonique, la capitale du Nord. Les deux principaux mouvements syndicaux, la Confédération générale des travailleurs grecs (GSEE), forte de ses 600 000 adhérents, et la Fédération des fonctionnaires (200 000 membres), ont battu le rappel de leurs troupes pour obtenir les changements promis lors des scrutins de 2004 puis de 2007, remportés par la droite après deux décennies de régime socialiste. Mais le centre-droit au pouvoir doit affronter un nouvel élément de crise, la sécurité, venu s’ajouter à une série de scandales déjà longue. Qualifiée de cancre de l’Union européenne, la Grèce se bat le dos au mur pour tenter de combler le fossé qui sépare nantis et défavorisés. La parade qu’elle croit avoir trouvée, une politique d’austérité, a fait contre elle une unanimité par ailleurs exacerbée par le chômage, la corruption, l’incertitude des jeunes – désormais radicalisés – face à l’avenir, enfin les retombées du séisme financier qui abat l’un après l’autre tous les pans de l’édifice économique mondial. À ce tableau, déjà fort sombre, est venue s’ajouter depuis samedi dernier une insécurité rampante qui fait craindre de nouveaux morts alors que les responsables donnent la pénible impression d’avancer dans le noir. « On ne peut combattre la violence par une contre-violence », diagnostiquait hier le porte-parole de la police. Louable sagesse, mais dont les effets se traduisent, dans la pratique, en une lente descente aux enfers. Un éditorialiste avoue ne pas entrevoir d’issue à la crise politique, partie pour durer deux à trois ans. « Entre-temps, dit-il, tout va continuer à se dégrader. » Surtout si ressurgissent les scandales, notamment celui du monastère athénien bradé à la veille des Jeux olympiques, celui des 250 parcelles de terrain qui avait provoqué le départ de deux ministres et la création d’une commission d’enquête. On le voit, quelques millénaires après avoir inventé la démocratie, la Grèce continue d’en découvrir les imperfections. Et d’en payer le prix.Platon revient !
de Christian MERVILLE

Des conflits légués d’une génération à l’autre, les dieux de l’Olympe savent combien il y en a eu à travers l’histoire, mettant aux prises deux familles. En Grèce, les deux grands noms qui se disputent le pouvoir – selon un scénario si parfaitement rodé qu’on en vient à se demander s’il n’est pas convenu – sont ceux des Papandreou...