Entre parenthèses Le goût des autres *

de Colette KHALAF Comment préserver son intégrité et son indépendance d’esprit alors que tous les jours nous sommes assaillis par un matraquage médiatique. « On nous Claudia Schiffer ; on nous Paul-Loup Sullitzer ». Tout est déjà empaqueté, enrubanné, prêt à être servi. Il faut aimer ceci, détester cela, critiquer ceci, « descendre » cela. Il ne faut surtout pas aller voir ceci mais attention, oui, attention de rater cela. Sur les pochettes de DVD, on accole des impressions dictatoriales comme « magnifique », « stunning » et les étoiles ne côtoient plus seulement la liste des hôtels et des restaurants, mais aussi des films et des livres . « Best-seller » est un mot contemporain qui veut tout dire, puisque toute œuvre devient produit de consommation. L’être consomme la culture, l’avale, l’englobe sans avoir rien à redire et sans parfois en sentir le goût. Elle est à vendre. Les détenteurs de l’Oscar de Mary Pickford (star du muet) ont même essayé de vendre le trophée. Shocking ! s’est écriée l’Académie des arts et des sciences. Les artistes arrivent sur les plateaux de télévision et vendent leurs produits. En France, il y a même un quota d’émissions : passage obligé pour les comédiens afin de mettre l’œuvre sur le marché. À côté de ces produits culturels de consommation, on trouve les maudits, les Van Gogh de la profession, les mal-aimés. Ceux dont l’œuvre restera incomprise. Ceux qui auront leur heure de gloire si ce n’est après leur mort, un peu avant. Pour avoir la conscience claire, les gens du métier leur décernent des trophées comme des médailles d’honneur. On appelle ça des prix pour l’ensemble de leur carrière. « Aimons-nous vivants », disait le chanteur. Oui. Il faudra commencer à les apprécier de leur vivant et ne pas attendre le verdict des autres. *Un film d’Angnès Jaoui