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Actualités - OPINION

Le commentaire Les pays en développement et la lutte contre les nouvelles drogues

Par Antonio MARIA COSTA Tout va de plus en plus vite. Les communications et les voyages sont de plus en plus rapides, la productivité augmente sans cesse. Aussi, pour certains, les drogues synthétiques sont-elles devenues le moyen de faire face à une époque qui valorise la rapidité et la concurrence entre les individus. Partout dans le monde, pour améliorer leurs résultats, des gens utilisent à titre de stimulants des pilules ou des poudres à base d’amphétamine. Des fêtards qui dansent toute la nuit aux travailleurs à la chaîne, en passant par les routiers, plus de 30 millions de personnes dans le monde y ont recours au moins une fois par an (supérieur au nombre combiné d’utilisateurs de cocaïne et d’héroïne), qu’il s’agisse d’amphétamine, de méthamphétamine (meth) ou d’ecstasy. Le marché est évalué à 65 milliards de dollars. Ces drogues de synthèse ont du succès d’autant qu’elles sont faciles à se procurer, à un prix accessible, et simples d’usage (pas besoin de les injecter, les renifler ou les fumer). L’amphétamine accélère le métabolisme, les utilisateurs ont davantage confiance en eux-mêmes, davantage d’énergie et deviennent plus sociables. Ces effets sont considérés sans danger : « Les pilules ne tuent pas et ne répandent pas le sida », dit-on. Mais leur effet n’est que temporaire. Ceux qui en deviennent dépendants s’exposent à des problèmes rénaux, cérébraux ou cardiaques, à des hémorragies internes, à la paranoïa et à d’autres graves problèmes de santé mentale. Les dents des utilisateurs de méthamphétamine sont souvent pourries et d’horribles plaies recouvrent leur corps. En effet, ayant l’impression d’avoir des insectes qui rampent sous la peau, ils se grattent jusqu’au sang. En raison de campagnes bien orchestrées, les jeunes des pays développés sont sensibilisés aux messages de prévention. Après une forte augmentation dans les années 1990 – la méthamphétamine était alors considérée comme l’ennemi numéro un aux USA et au Japon –, l’utilisation des drogues synthétiques s’est stabilisée, à un niveau élevé il est vrai, en Amérique du Nord, en Europe, en Australie et en Nouvelle-Zélande. En Australie, par exemple, 2,3 % de la population utilise la méthamphétamine et 3,5 % l’ecstasy au moins une fois par an, l’un des taux les plus élevés de la planète. Il semble que le problème se déplace vers de nouvelles régions, l’Asie du Sud et du Sud-Est, le Proche et le Moyen-Orient. L’Asie, avec une très grosse population et un niveau de vie en hausse, stimule la demande. En 2006, près de la moitié des pays asiatiques ont indiqué une hausse de la consommation de méthamphétamine et plus de la moitié des provinces chinoises ont connu de sérieux problèmes avec l’amphétamine et ses produits dérivés. La hausse de la consommation ne se limite pas à l’Asie. Un phénomène étrange apparaît en Arabie saoudite. L’année dernière, les autorités du pays ont saisi près de 14 tonnes d’amphétamine, essentiellement sous forme de pilules d’un médicament appelé Captagon (sans doute fabriqué dans le sud-est de l’Europe). Cela représente le quart des saisies d’amphétamine dans le monde. En Afrique du Sud, depuis cinq ans, la police découvre un nombre croissant de laboratoires clandestins de production de méthamphétamine et la consommation intérieure est à la hausse. Ce changement est dû notamment à une évolution de la demande. Pour les sociétés en transition ou en modernisation rapide, les drogues synthétiques semblent être une retombée d’une croissance à deux chiffres. Cela tient aussi à une offre importante de gangs de trafiquants de plus en plus agressifs qui étendent leurs tentacules partout dans le monde. Il y a dix ans, la production de drogues synthétiques ne se faisait pas à l’échelle industrielle. Il est facile de se procurer la recette et les ingrédients nécessaires à la synthèse de méthamphétamine, et on peut en fabriquer en quantité dans une simple cuisine. Mais depuis quelques années, la production de ces produits est devenue un processus industriel. Le crime organisé prend en charge tous les aspects du trafic, de la contrebande des précurseurs chimiques à la fabrication de la drogue et à son écoulement. Avec un faible investissement de départ, il est possible de réaliser d’énormes profits en produisant des millions de tablettes dans de véritables usines. On découvre des laboratoires clandestins de plus en plus sophistiqués, notamment en Indonésie et en Malaisie. Rien qu’en 2007, en Chine, la police a mis la main sur 75 laboratoires clandestins. Il y en a sans doute beaucoup d’autres dans des pays où la loi n’est pas appliquée, où règne la corruption, avec des autorités locales complices. Le Myanmar est un exemple bien connu. Les producteurs et les fournisseurs s’adaptent rapidement aux nouvelles tendances et peuvent répondre aussitôt à la demande des marchés locaux. Dès qu’un laboratoire est fermé, un autre s’ouvre. Quand un précurseur chimique n’est pas disponible, les producteurs en utilisent un autre. L’Amérique du Nord compte encore 84 % des laboratoires clandestins découverts dans le monde, tandis que l’Europe occidentale est depuis longtemps un centre de production de drogues de synthèse (notamment la République tchèque et la Hollande). Depuis quelques années, on a moins découvert de laboratoires clandestins aux USA et dans l’Union européenne, mais la production s’est déplacée vers les pays voisins (le Canada et le Mexique pour les USA et la Turquie en ce qui concerne l’UE). Il faudrait une plus grande coopération au niveau régional pour empêcher ce type de transfert. Les pays en développement doivent cesser de mener la politique de l’autruche avant qu’il ne soit trop tard. Beaucoup d’entre eux nient le problème et ne le rapportent même pas à l’ONU. Les plus vulnérables n’ont guère les moyens de combattre la pandémie en réunissant les informations voulues, avec un cadre réglementaire, l’application de la loi, une infrastructure médicale et médico-légale. En général, nous manquons d’informations sur les nouvelles drogues de synthèse (comme la kétamine, un hallucinogène), l’évolution des techniques de production, les nouvelles voies de trafic et les nouveaux marchés. Les pays développés ont réussi à stabiliser le problème, ce qui montre qu’il est possible de le circonscrire. Mais si les pays en développement ne consacrent pas davantage d’attention et de moyens à la prévention, au traitement des toxicomanes et à l’application de la loi, avec leur population jeune et un niveau de vie à la hausse, ils risquent de se trouver bientôt confrontés eux aussi à une épidémie d’abus de drogues. © Project Syndicate, 2008. Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz.
Par Antonio MARIA COSTA


Tout va de plus en plus vite. Les communications et les voyages sont de plus en plus rapides, la productivité augmente sans cesse. Aussi, pour certains, les drogues synthétiques sont-elles devenues le moyen de faire face à une époque qui valorise la rapidité et la concurrence entre les individus.
Partout dans le monde, pour améliorer leurs...