Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

Le MIA, pour unir le passé et le présent, l’Orient et l’Occident

DOHA, Maya GHANDOUR HERT Avec l’inauguration de son Musée d’art islamique (voir « L’Orient-Le Jour » du 24 novembre) le Qatar aspire, de toute évidence, à jeter un pont entre le passé et le présent, entre l’Orient et l’Occident. L’institution muséale, véritable perle de culture devenue icône nationale, ouvre aujourd’hui ses portes au grand public. Et déploie les fastes de sa collection de trésors glanés aux quatre coins du monde islamique. Ayant pour vocation de refléter le dynamisme, la complexité et la richesse des arts du monde islamique, le Musée d’art islamique va réunir conserver, étudier et exposer des chefs-d’œuvre provenant de trois continents, et embrassant treize siècles. Sous l’égide de Son Excellence cheikha al-Mayassa bint Hamad ben Khalifa al-Thani, présidente du conseil d’administration de la direction des musées du Qatar. Dès l’origine, l’islam développe une étonnante capacité à intégrer et à remodeler les traditions et les cultures des pays qu’il gagne à la foi coranique : les civilisations arabe, nord-africaine, perse et turque, dès les premiers temps de son rayonnement, puis l’Asie centrale, le sous-continent indien et l’Asie du Sud-Est et bien sûr la péninsule ibérique. Sur cette aire géographique considérable, l’islam a bâti ses mosquées, infléchi les traditions architecturales des civilisations les plus prestigieuses et introduit la calligraphie, fleuron de l’art islamique, qui contrairement au christianisme est dispensé de la représentation d’un Dieu personnel ainsi que du culte des saints. Unies par une même foi, les cultures et les formes artistiques les plus variées se rassemblent dans ce musée tout en préservant leur diversité. Des trésors de Cordoue au mythique Taj Mahal d’Agra, le MIA nous convie donc à un éblouissant périple. Le visiteur admire l’éventail très riche de formes ornementales qui se déploie tant dans l’artisanat et les arts du livre, le foisonnement des matières, des couleurs et des motifs qu’ils soient d’inspiration géométrique, végétale ou animalière. Le MIA, c’est un édifice de beauté pure, ou 45 000 m2 répartis en cinq niveaux, et qui en font le plus vaste musée du monde islamique comprenant 5 000 m² destinés aux expositions, de vastes salles dédiées à l’enseignement et à la conservation, une bibliothèque, un restaurant et une boutique. Vu de l’extérieur, le bâtiment ressemble à une forteresse. Ses murs blancs miroitent sous le soleil du désert et se reflètent dans l’eau paisible du golfe Arabique. Une ode à la géométrie triomphante, un art, il faut bien se le rappeler, que les Arabes maîtrisaient très bien par le passé. Une structure inspirée, de l’aveu même de l’architecte, par une fontaine du XIIIe siècle située dans la cour centrale de la mosquée d’Ahmad ben Tulun, du Caire. Un hall titanesque Une fois à l’intérieur, le visiteur se sent carrément minuscule dans un hall titanesque qui s’ouvre sur toute la hauteur du bâtiment. Il est surmonté d’une coupole posée sur des trompes d’angles asymétriques, plus basses du côté de l’entrée, plus hautes vers la mer, laquelle est visible à travers ce qui doit être la plus grande bow-window du monde, 45 mètres de haut et seule ouverture de ce musée dont toutes les autres salles sont aveugles. Au deuxième et au troisième étage, des galeries en U ont été aménagées par l’incontournable Jean-Michel Wilmotte et privilégient la pénombre pour mettre en valeur de manière théâtrale (mais aussi pour conserver) les bijoux exposés dans de sobres et élégantes vitrines. Un bois sombre du Brésil (le louro fayat) alterne avec du porphyre d’Argentine poli, strié ou layé. Les œuvres présentées au MIA illustrent l’imagination exceptionnelle des artistes du monde islamique qui ont exercé leur créativité dans l’art du livre et dans une multitude de matériaux : céramiques, métaux, verres, ivoires, textiles, pierres précieuses. Il convient de mentionner un superbe cheval de bronze de l’Espagne du Xe siècle, de rarissimes tapis iraniens et de très nombreux bijoux indiens. Parmi les exemples de l’art du livre arabe qui sont présentés, on peut citer un décret impérial ottoman du XVIe siècle portant l’emblème du sultan Soliman le Magnifique et quelques manuscrits. Un choix de métaux remarquables montre l’importance du métal dans les arts de l’islam, avec l’un des plus étonnants astrolabes (datant du Xe siècle) du monde islamique, un coffret incrusté ou le kashkul – une sébile de derviche – iranien des alentours de 1550 qui porte une invocation chiite. Des pièces en céramique, comme le plat d’Iznik au léopard qui date de 1600-1610, témoignent d’une grande originalité dans le processus créatif. Des objets de verre d’une très grande qualité comme une lampe de mosquée mamelouke ou le vase Cavour montrent l’intérêt de la collection du Qatar dans ce domaine. Un textile aux oiseaux affrontés, probablement indien, reprend au XIIIe ou XVe siècle une tradition connue de l’Iran sassanide. Les points forts de la collection Coupe de Bassora du IXe siècle Son seul décor : une ligne de calligraphie qui s’étire uniquement sur la moitié de sa surface. C’est d’un effet saisissant. Cette écriture très aérienne plonge la coupe dans un silence profond, en partie dû à la place particulière accordée au « vide ». « ma’oumila salouha » (« Ce qui a été fait en valait la peine »), dit la phrase en bleu cobalt, écrite en caractères coufiques. Le trait enlevé vibre en bout de lettres, et se transforme en un motif folié. On dirait « de l’encre sur de la neige » (Arthur Lane). Au début du IXe siècle, les potiers musulmans étaient fascinés par la porcelaine chinoise et cherchaient à l’imiter. Par sa forme, cette coupe rappelle du reste fortement la porcelaine chinoise. Biche, bouche de fontaine Espagne, milieu du Xe siècle. Bronze coulé et gravé. Cette belle biche, à l’attitude paisible et au regard songeur, est probablement originaire d’un palais andalou du Xe siècle ; là, l’eau devait tomber en cascade de sa bouche en forme de cœur. On a trouvé un cerf assez similaire dans les ruines de Madinat al-Zahra (près de Cordoue), et il est possible que tous deux aient orné la même fontaine, comme les lions de la fontaine située dans la cour des lions à l’Alhambra. Dans les palais islamiques, les fontaines sont des éléments architecturaux très importants. Une fontaine comportant une biche et un cerf devait avoir une fonction hautement symbolique, car l’association de ces deux animaux, mâle et femelle, représente dans la pensée mystique l’union des hommes et des femmes dans leur cheminement spirituel. Amulette, Inde. Daté 1041 H. (1631-1632 après J-C) Jade Le jade blanc a été poli: il est lisse au toucher. Il porte une inscription élégamment calligraphiée en nasta’liq. Gravée dans le jade blanc, elle crée un subtil effet de blanc sur blanc, à peine perceptible, mais elle est présente sur trois faces de l’amulette, sur le devant, au dos et dessous. Elle se compose de versets coraniques ; elle indique en outre le nom et les titres de Shah Jahan ainsi que l’année 1041 (1631-1632 après J-C). Ce haldidi, un type de pendentif censé aider à calmer les « battements de cœur » de celui qui le porte, fut fabriqué quelques mois après la mort de Momtaz Mahal, l’épouse de l’empereur ; celui-ci immortalisa son amour pour elle en lui faisant construire un magnifique mausolée, le Taj Mahal.
DOHA,
Maya GHANDOUR HERT

Avec l’inauguration de son Musée d’art islamique (voir « L’Orient-Le Jour » du 24 novembre) le Qatar aspire, de toute évidence, à jeter un pont entre le passé et le présent, entre l’Orient et l’Occident. L’institution muséale, véritable perle de culture devenue icône nationale, ouvre aujourd’hui ses portes au grand public. Et...