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Actualités - REPORTAGE

Portrait Chafiq Maalouf au cœur de la renaissance arabe au Brésil

La « Nahda » aura connu son heure de gloire non seulement dans les pays arabes mais aussi au Brésil, où elle a été emportée par les émigrés libanais dans leurs bagages. L’un des représentants de ce mouvement est le poète Chafiq Maalouf. Durant les années 1920-1930, le mouvement moderniste était à son apogée au Brésil. La révolution culturelle se déroulait à São Paulo, lancée par la « Semaine d’art moderne », un des mouvements les plus importants. Plusieurs courants culturels y contribuaient, s’engageant dans de nouvelles voies suite aux transformations politiques et sociales du pays. Ils se penchaient sur des problèmes existentiels au nom du renouvellement, principe de base du mouvement moderniste brésilien. Plusieurs écrivains brésiliens, comme Carlos Drumond de Andrade ou Cecilia Meireles, se sont distingués dans cette phase. En ce temps-là, les émigrés libanais affluaient au Brésil, aussi bien les commerçants que les intellectuels, influencés par la renaissance arabe – Nahda –, à laquelle ils participaient. Répartis dans plusieurs cercles culturels, ils publièrent de nombreux journaux et revues en arabe, qui étaient également lus à Beyrouth, à Damas, en Alexandrie, au Caire, à Bagdad… On compte ainsi plus de 300 publications entre 1890 à 1940, dont principalement al-Usba (La Ligue) publiée entre 1933 à 1952 par la « Ligue Andalousie » de lettres arabes, le Brésil devenant une « Nouvelle Andalousie ». Une nouvelle littérature arabe émergea ainsi, dépassant le langage traditionnel et religieux, et présentant de nouveaux éléments sous influence occidentale. L’« École littéraire brésilienne » participa fortement à la renaissance arabe moderne, tout comme celles de l’Amérique du Nord et de l’Orient, avec de grands noms comme les frères Malouf, les frères Jorr, Élias Farhat, Nami Jafet (Yafet), Neme Kazan et d’autres. Un des écrivains de la « Nahda » au Brésil était Chafiq Maalouf (1905-1976), né à Zahlé, fils de l’historien Issa Iskandar Maalouf et de Afifé Ibrahim Maalouf, et frère des poètes Fawzi (voir notre édition du 17 décembre 2007) et Riad, ainsi que de Iskandar. Chafiq étudia le journalisme au Liban et publia en 1926 son premier recueil de poèmes, Les rêves. Il émigra au Brésil en 1927, à pour rejoindre ses frères à São Paulo, avec lesquels il travailla dans le commerce et l’industrie de la soie artificielle, sans pourtant abandonner la littérature. Il présida la « Ligue Andalousie » et, animant de nombreux autres groupes, participa au développement de la culture arabe dans les domaines de la langue, de l’histoire, de la littérature et de la recherche. Marié à Rose Farah, également poète, Chafiq reçut en 1971 le prix de poésie de l’Union culturelle Brésil-Liban. Chafiq Maalouf est l’auteur de plusieurs œuvres écrites en arabe et en portugais et traduites en plusieurs langues. Une de ses œuvres majeures est la grande épopée transgressive et symboliste appelée « Abqar, la ville des génies », publiée en arabe en 1936, traduite en portugais par Mussa Kurayem, poète arabe fils d’émigrés, en 1949, puis traduite en cinq autres langues : le français, l’anglais, l’allemand, l’italien et le russe. Cette œuvre fait revivre les mythes arabes païens. L’auteur, à travers les génies, présente la poésie dans la plénitude de l’être, de manière originale et universelle. Les caractéristiques de Chafiq sont ses vers pleins d’images d’une grande sensibilité poétique et musicale, qui lui ont valu les éloges de grands critiques comme Roger Bastide, Agripino Grieco ou Menotti del Picchia. Un buste à Zahlé De notre temps, la poésie et la prose sont parfois oubliées, et avec elles les écrivains de l’histoire de la littérature arabe. La ville de Zahlé, au cœur de la Békaa, est connue pour ses hommes de lettres et a toujours fait des efforts pour en garder la mémoire. Ainsi, le 3 octobre 2008, a été inauguré dans le jardin public de Zahlé, rue du Brésil, le buste de Chafiq Maalouf, réalisé au Brésil et érigé en ce lieu auprès d’autres bustes de personnalités, comme celui de son frère Fawzi. Cet événement s’est déroulé à l’initiative du président de la municipalité de Zahlé, l’ingénieur Assaad Zogheib, avec la participation du « Proesie Club » (Prose et Poésie), formé de jeunes Zahliotes, et de plusieurs écrivains et membres de la famille Maalouf, dont Salwa Diab, épouse de feu le poète Riad Maalouf et belle-sœur de Chafiq. M. Zogheib a rappelé le parcours de Chafiq Maalouf dont il a fait l’éloge, avant la projection d’un film sur la vie de l’auteur. Beyrouth a été nommée par l’Unesco « capitale mondiale du livre » pour l’année 2009, et le directeur général de cette institution, Koïchiro Matsuura, s’exprimant au moment de la nomination, a dit : « Beyrouth est une fenêtre sur la diversité des cultures et un pont jeté entre les civilisations, par-delà le temps et l’espace ; le livre, instrument d’échange, est tout à la fois source de dialogue et de développement. » Nous espérons que cet événement présente tous ces hommes et femmes du Liban et de l’émigration en particulier, qui ont souhaité ou souhaitent un Liban multiculturel, ouvert au dialogue et à la tolérance, comme le fut Chafiq Maalouf. Roberto KHATLAB Centre de recherche pour l’émigration libanaise – LERC / NDU
La « Nahda » aura connu son heure de gloire non seulement dans les pays arabes mais aussi au Brésil, où elle a été emportée par les émigrés libanais dans leurs bagages. L’un des représentants de ce mouvement est le poète Chafiq Maalouf.
Durant les années 1920-1930, le mouvement moderniste était à son apogée au Brésil. La révolution culturelle se déroulait à São Paulo,...