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Témoignage En RDCongo, la vie brisée de Jeanne, veuve de militaire et violée

« On n’a pas été créées pour être abîmées, il faut nous laisser vivre », implore Jeanne. Victime d’un viol collectif par des rebelles dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) et son mari soldat tué au front, elle souffre aujourd’hui en silence sur un lit d’hôpital. Le corps de Jeanne, 28 ans, recroquevillé à une extrémité de son lit, semble pouvoir basculer à tout moment dans le vide. La vie de Jeanne, dont le prénom a été modifié pour raisons de sécurité, a basculé en avril, alors que son mari combattait loin de son village de Mweso, sous contrôle de la rébellion du général déchu Laurent Nkunda, mais où les rebelles hutus rwandais font des incursions. Son histoire traduit les terribles tourments de la population civile de l’est de la RDC, otage depuis des années de violences souvent inouïes des groupes armés, notamment à l’égard des femmes. « Nous étions parties (avec d’autres femmes) chercher le manioc au champ, un groupe de FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda, rebelles hutus rwandais) nous a attaquées », raconte Jeanne d’une voix brisée. « Ils étaient nombreux, j’ai été violée par trois d’entre eux. Il y en a même certains qui disaient : Est-ce que ce n’est pas mieux de la tuer ? Une fillette de 8 ans, violée aussi, est morte sur le coup. Deux femmes sont décédées une semaine après de leurs blessures », se rappelle-t-elle. Les FDLR, dont certains membres ont participé au génocide de 1994 au Rwanda, opèrent dans l’est de la RDC, frontalière du Rwanda. Ils combattent actuellement aux côtés de l’armée congolaise contre la rébellion de Laurent Nkunda dans la province du Nord-Kivu, où les affrontements ont repris depuis trois mois. Serrant plus fort son pagne sur sa poitrine, la jeune femme dodeline de la tête. « Les FDLR connaissent bien les sentiers de la région, ils viennent souvent assaillir la population », renchérit-elle. « Depuis ce jour, j’ai des fièvres, je suis faible, j’ai des douleurs dans l’appareil génital », dit-elle, expliquant qu’elle a vécu sans aide pendant plusieurs mois avant l’arrivée d’une organisation non gouvernementale. Transférée il y a une semaine à l’hôpital de l’ONG congolaise Heal Africa à Goma, capitale du Nord-Kivu, Jeanne est soignée pour de graves infections. Peu de temps après son agression, « les militaires de Laurent Nkunda sont venus chez moi. Ils m’ont dit que ce n’était plus la peine de chercher mon mari pour qu’il s’occupe de moi, qu’ils l’avaient tué », dit-elle. « Ces gens n’ont pas de cœur, comment peuvent-ils venir se glorifier ? » s’insurge-t-elle. Un silence recueilli règne autour d’elle dans la salle d’hôpital. D’autres femmes, également victimes de violences sexuelles ou de complications postnatales, sont figées sur leur lit. Le souffle d’air d’une fenêtre ne parvient pas à dissiper l’odeur écœurante d’un désinfectant. Sous le lit de Jeanne, des paniers avec quelques affaires, une natte, et des chaussures d’enfant, celles de son fils de 4 ans malade et hospitalisé. Un claquement de porte soudain, et apparaissent ses deux autres fils de 6 et 9 ans, à moitié nus après s’être baignés dans une bassine. Le plus grand saisit à pleines mains un pot de margarine pour s’en enduire le visage pour se « protéger du soleil ». Les deux enfants vivent dans le dénuement sur un lit placé à côté de leur mère. Jeanne, femme de militaire à la vie brisée par des groupes rebelles, affirme ne recevoir aucune assistance de la part du gouvernement congolais. « Je ne sais pas ce que je vais devenir, ni comment je vais élever mes enfants », murmure-t-elle, sous le regard songeur de son fils de 6 ans.
« On n’a pas été créées pour être abîmées, il faut nous laisser vivre », implore Jeanne. Victime d’un viol collectif par des rebelles dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) et son mari soldat tué au front, elle souffre aujourd’hui en silence sur un lit d’hôpital. Le corps de Jeanne, 28 ans, recroquevillé à une extrémité de son lit, semble...