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Actualités - CHRONOLOGIE

Orientalisme à l’italienne avec l’Orchestre national

Edgar DAVIDIAN À la veille de la fête de l’Indépendance libanaise, du beau monde et de la belle musique au Grand Sérail au centre-ville. Dirigé par maestro Francesco Cillufo, l’Orchestre symphonique national libanais a offert un Orient sonore rêvé par les compositeurs de l’art lyrique italien… Un aéropage de personnalités politiques, culturelles et sociales au Grand Sérail brillant de mille lustres. Dans la grande salle au plafond en bois sculpté et aux murs décorés de grands motifs en marbre, l’Orchestre symphonique national libanais, placé sous la houlette de maestro Francesco Cillufo, né à Turin en 1970, présentait à un public trié sur le volet un programme portant le titre, à la fois éloquent et explicite, de « L’Italie rêve de l’Orient »… Oui, il n’y a pas que Volney, Lamartine, Renan et Flaubert qui ont eu la tentation des sables, du soleil, des vestiges millénaires et des régions éloignées de leur pays pour un fabuleux trésor d’exotisme… À travers les compositeurs de l’art lyrique italien, l’Orient revêt ses plus beaux atours. L’Orient se drape des sonorités les plus séduisantes pour un monde de conte, de rêve, de passion et de volupté. Pour un concert voué à un orientalisme sonore à l’italienne, voilà donc des pages choisies de Cherubini, Verdi, Rossini, Puccini et Mascagni. Ouverture en terre de Thessalie avec la Médée, de Luigi Cherubini, fils d’un célèbre claveciniste, drame sanglant inspiré de la tragédie d’Euripide. Sans revoir le visage de la Callas ravagé par la colère et ivre de vengeance, cette sombre narration d’une légendaire magicienne du cycle des Argonautes livre tous les accents tragiques d’une ouverture toute en mesures graves et menaçantes, d’une frémissante sensibilité. Toujours dans un sillage dramatique, on aborde les rives dangereuses de La force du destin du génial Guiseppe Verdi. Pour des frontières lointaines et des personnages en tenailles entre passion et devoir, lignes mélodiques d’une grande puissance, d’un lyrisme indompté. Trois premières mesures comme un avertissement, et se déploient ces phrases sinueuses et fuyantes comme une calèche qui file dans un paysage de neige… Plus tendre et habité d’une certaine lumière est ce Prélude de Aïda, toujours de Verdi, véritable hommage aux rives coruscantes du Nil. Plus somptueux et grandiose est ce Gloire à l’Égypte et à Isis avec l’introduction des chorales du Conservatoire national, de l’Université Notre Dame de Louaizé ainsi que de l’Université des pères antonins. Quand les dieux, le soleil, les pharaons, les pyramides et les palmes se mêlent aux notes contrastées du compositeur de La Traviata, la musique atteint des sommets inégalés, notamment avec le concours des cuivres ici généreusement présents. Malgré un « couic » au climax d’une mélodie pourtant à l’allure d’une marche triomphale… Sémiramis… Soyeuses et fluides sont les premières mesures de La Sémiramis de Rossini, légendaire reine de Babylone. Un opus lyrique qui couronna la carrière italienne de celui dont Stendhal enviait la vie... Image mythique d’une souveraine impérieuse qui fit rêver plus d’un compositeur et plus d’un auteur…De Meyerbeer et Halévy à Crébillon père, Voltaire et Paul Valéry, Sémiramis s’est prêtée à tous les jeux d’un imaginaire à la fois cruel et fastueux. Avec Rossini, on retrouve les accents les plus mélodieux, les plus caressants, dans des situations pourtant très shakespeariennes, pour un règne où l’appétit du pouvoir a des justifications déroutantes… On serait tenté de reproduire ici la phrase de Balzac à propos du maître de Pesaro : « Cette musique donne de l’espérance aux cœurs les plus endormis… » Retour à Verdi avec Nabucco. Splendide tableau sonore où, à travers l’histoire (à l’époque de l’œuvre écrite par Verdi, l’Italie était sous occupation autrichienne), cette musique, surtout avec le fameux Va pensiero (extrait qui sera donné parfaitement à point en bis, à la fin du concert), est devenue un véritable hymne à la liberté, et un appel au ralliement et à l’affranchissement. Plus près des émois personnels et des mélancoliques intermittences du cœur est l’extrait de Madame Butterfly de Puccini (avec chœur à bouche fermée !). Au pays des cerisiers et du Soleil-Levant, une geisha épouse un Américain… Drame de fidélité et d’amour pour cette Madame Chrysanthème à l’époux quelque peu volage, et plus porté à la conjugalité volatile et de plaisir éphémère… Un chant suave et délicat qui traduit toutes les attentes et les illusions de l’amour, et qui a la douce fragilité d’une rosée matinale… Pour conclure, un hymne au soleil à travers l’Iris de Pietro Mascagni. Pour l’auteur de Cavalleria rusticana, l’Extrême-Orient, une fois de plus, comme son ami et rival Puccini, est une féconde et généreuse source d’inspiration. Fresque à grands cycles sonores où l’orchestre et le chœur atteignent la magnificence et la grandeur d’une musique sacrée… Notamment avec ce splendide final qui conclut l’extrait en une fusionnelle apothéose vocale et orchestrale. Salves d’applaudissements d’une salle aux trois quarts pleine, enrobée d’un rêve levantin aux diaprures nimbées de soleil, de lumière et d’histoire millénaire. Belle prestation de l’OSNL sous l’énergique direction du jeune maestro Francesco. En Orient, une région embrasée par les conflits depuis plus d’un demi-siècle, les rêves ne s’éteignent jamais. La musique, fille des rêves les plus impalpables, était ce soir là le plus éloquent témoin d’une région qui n’a pas fini d’exercer son irrésistible pouvoir d’attraction…
Edgar DAVIDIAN

À la veille de la fête de l’Indépendance libanaise, du beau monde et de la belle musique au Grand Sérail au centre-ville. Dirigé par maestro Francesco Cillufo, l’Orchestre symphonique national libanais a offert un Orient sonore rêvé par les compositeurs de l’art lyrique italien…
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