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Actualités - REPORTAGE

Environnement Le recyclage des piles, un problème oublié soulevé par Beeatoona

Suzanne BAAKLINI Il est des objets si communs dans notre vie quotidienne qu’on en oublie à quel point ils sont toxiques. Les piles et batteries en tout genre, foyers de métaux lourds par excellence, en font partie. Sous n’importe quel prétexte, les piles et les batteries ne devraient pas se retrouver dans la nature. Or au Liban, on les jette négligemment dans nos poubelles, et elles se retrouvent dans les décharges ou dans les dépotoirs, c’est-à-dire, en fin de compte, dans la nature où, tôt ou tard, elles libéreront les métaux lourds dans l’environnement. La toute nouvelle association écologique Beeatoona (« notre environnement » en arabe) a décidé de commencer son action par une campagne qui se focalise justement sur ce problème jusque-là négligé au Liban, autant par les autorités que par la société civile qui, bien que le soulevant de temps en temps, n’y a pas encore consacré une action spécifique. Beeatoona a organisé, samedi dernier, à l’hôtel Radisson, une session de formation des professeurs d’une cinquantaine d’écoles, afin qu’ils sensibilisent eux-mêmes leurs élèves (du cycle complémentaire) à ce problème qui les concerne. En effet, les enfants sont, dans les foyers, de gros consommateurs de piles (pour les jouets et autres), comme l’a fait remarquer la directrice de l’association, Nadine Haddad. Elle a ajouté que cette action est menée simultanément dans des écoles de Jordanie et de Tunisie par des ONG partenaires, la campagne ayant commencé plus tôt en Jordanie parce que les écoles y ont ouvert leurs portes avant les deux autres pays. Maroun Charabati, président de l’association, explique que celle-ci travaille en partenariat avec une association jordanienne, « La terre et le développement », et une autre en Tunisie, « La terre et la jeunesse ». Qu’est-ce qui distinguera cette nouvelle association dans un pays où les ONG écologiques se comptent par centaines ? « Les autres s’occupent généralement de dossiers devenus classiques, comme la déforestation par exemple, dit-il. Nous voulons nous concentrer sur un problème délicat au Liban, en rapport avec un produit de plus en plus utilisé, pour les objets électroniques, les jouets, etc. D’où le fait que les piles usagées, devenues des déchets, s’accumulent. Au Liban, nous n’avons aucun moyen de nous en débarrasser de manière saine, et nous n’avons pas non plus signé de conventions avec d’autres pays plus équipés pour les leur envoyer. » M. Charabati rappelle que le plomb et le zinc, qui se trouvent dans la composition des piles, sont parmi les substances les plus nuisibles à l’environnement et à la santé humaine. « En Europe et aux États-Unis, on n’importe plus aujourd’hui que des produits sans plomb, ajoute-t-il. Alors qu’ici, nous continuons à jeter ce plomb dans la nature. Autrefois, dans les mines de plomb, les mineurs tombaient systématiquement malades après quelques années de travail. » Des conteneurs dans les écoles Pourquoi avoir visé les enfants dans cette campagne ? « Les cerveaux des plus jeunes absorbent les nouvelles idées comme une éponge, répond-il. Les statistiques montrent que dans 60 % des cas, les parents adoptent ce que leurs enfants apprennent à l’école. Comme nous commençons notre campagne dans 50 écoles, avec 100 élèves concernés (entre 11 et 15 ans) en moyenne dans chaque établissement, cela nous fait quelque 5 000 élèves mieux renseignés sur le sujet, qui pourront influer sur leurs frères et sœurs, et sur leur entourage en général. Nous espérons donc un impact global sur 1 000 personnes de plus que les 5 000 ciblées initialement. » L’association a choisi la sensibilisation auprès des enfants. Mais qu’en est-il du problème dans sa globalité ? Que faire des piles usagées quand on ne les jette pas ? « Dans les écoles partenaires, il y aura des conteneurs pour les piles usagées, explique M Charabati. Les enfants pourront y jeter les piles ramenées de chez eux. Sukleen, qui est l’un des sponsors de ce projet, viendra régulièrement les collecter. Ces piles seront ensuite stockées dans un endroit aménagé à cette fin et sur lequel nous nous sommes entendus avec la compagnie pour, en fin de compte, les exporter vers l’Égypte qui possède une usine de recyclage spécialisée. » Un tel système pourrait-il être instauré au bénéfice du grand public ? « Pour l’instant, nous nous concentrons sur notre projet, souligne-t-il. Mais nous envisageons, dans l’avenir, de participer à la création d’un bureau spécialisé que les Libanais pourront contacter, et qui les assistera pour régler ce problème. Notre objectif sera de faire en sorte que de grands conteneurs pour piles usagées soient placés dans les grands espaces, les malls, les supermarchés. Bref, les endroits les plus fréquentés dans toutes les régions. Nous comptons progresser par étapes, afin de garantir les résultats de chaque projet que nous entreprenons. » M. Charabati précise que le financement de cette campagne vient du « U.S. Middle East Partnership Initiative » (MEPI). Une compétition baptisée « EcoBatt » Dans le cadre de sa campagne pour sensibiliser les jeunes aux bienfaits du recyclage des piles usagées, Beeatoona organise une compétition destinée aux élèves des classes de sixième à troisième dans les 50 écoles incluses dans la campagne. Cette compétition a été lancée le 15 novembre et prendra fin le 20 décembre. Ses objectifs sont de sensibiliser les enfants aux dangers de la destruction des piles, et les encourager au tri et recyclage de ces produits. La compétition comporte deux catégories (un projet final par classe, un projet au minimum et trois au maximum par école) : le meilleur matériel de sensibilisation (affiches, laminés), et le meilleur message audiovisuel (vidéoclip, sketch ou court-métrage). Enfin, l’école ayant collecté le plus de piles recevra un trophée, et les professeurs participants de tous les établissements obtiendront un certificat. La compétition est organisée en trois langues, anglais, français et arabe. Les critères d’évaluation (par un jury) seront les suivants : la pertinence du sujet, l’originalité et l’impact visuel. Deux prix par catégorie seront remis aux vainqueurs. Un gramme de mercure peut contaminer une mare d’un mètre carré Beeatoona a préparé un opuscule bien illustré à l’intention des enfants (mais qui peut s’avérer tout aussi instructif pour les adultes) sur le danger des piles usagées qui se retrouvent dans la nature, doté d’instructions sur le tri, la collecte et le recyclage de ces déchets toxiques. Le document commence par préciser qu’il existe deux genres de piles sur le marché, celles qui sont jetables, et celles dites « rechargeables », plus chères mais qui durent bien plus longtemps que les premières. Le danger des piles est détaillé en long et en large. Le texte explique que, quand elles se retrouvent dans la nature, les piles perdent inévitablement les métaux lourds qu’elles contiennent, contaminant le sol, l’eau et l’air. Pourquoi faut-il s’en soucier ? Ces matières très toxiques se retrouvent dans notre chaîne alimentaire (les poissons par exemple), dans l’eau que l’on boit ou que l’on utilise (elles peuvent causer des irritations et des brûlures), et dans l’air que l’on respire (lors de la combustion des métaux notamment). Pour avoir une idée à quel point les piles peuvent être dangereuses, il suffit de savoir qu’un gramme de mercure qui s’échappe d’une pile peut contaminer une mare d’un mètre carré de superficie. Ce métal s’accumule dans les poissons, et, consommé par les êtres humains, a un impact nocif sur la santé (cerveau, foie, rein, troubles de croissance…). De même le cadmium, quand il est inhalé ou ingéré, cause des problèmes au niveau de l’appareil respiratoire, des reins et du foie. Le lithium réagit avec l’eau et peut causer des explosions et du feu. Quant à la nocivité du plomb, elle n’est plus à démontrer. Le document s’étend aussi sur le processus de recyclage des piles dans les usines spécialisées, qui se passe en plusieurs étapes : briser les piles en morceaux, les placer dans un récipient, puis les mettre dans un conteneur où le plomb et la matière lourde coulent jusqu’au fond (alors que le plastique flotte), puis séparer les matières et les répartir sur plusieurs récipients à recyclage. L’opuscule comporte par ailleurs plusieurs tableaux très clairs sur des conseils à propos du maniement des piles.
Suzanne BAAKLINI

Il est des objets si communs dans notre vie quotidienne qu’on en oublie à quel point ils sont toxiques. Les piles et batteries en tout genre, foyers de métaux lourds par excellence, en font partie.
Sous n’importe quel prétexte, les piles et les batteries ne devraient pas se retrouver dans la nature. Or au Liban, on les jette négligemment dans nos...