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Actualités - interview

Interview Les efforts inlassables de Nassib Fawaz pour l’instauration de la « carte de l’émigré »

Suzanne BAAKLINI Expatrié aux États-Unis depuis 1955, Nassib Fawaz est le président fondateur du Lebanese International Business Council (LIBC), très actif pour apporter un soutien international de la diaspora au Liban. Compte-rendu d’une entrevue faite à Beyrouth. Nassib Fawaz a quitté le Liban en 1955 pour le Michigan, aux États-Unis, où il a étudié le génie. Il a été recruté par une grande compagnie américaine au sein de laquelle il est devenu responsable du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Il a lancé sa propre compagnie en 1978, qui emploie aujourd’hui 250 personnes, menant de front des projets aux États-Unis et au Moyen-Orient dans les domaines de l’installation d’électricité, de la téléphonie… Outre la LIBC il a fondé de nombreuses organisations et fait partie de plusieurs autres. M. Fawaz explique que le LIBC est une organisation enregistrée au Liban en 1998. «Son premier objectif est de rassembler tous les hommes d’affaires libanais de par le monde afin de leur donner la chance de travailler ensemble en réseau, explique-t-il. Le second objectif est de les encourager à se diriger vers le Liban, que ce soit en tant que touristes ou qu’investisseurs, ou encore pour aider l’économie… Notre troisième objectif, plus éloigné, est de former un lobby à un niveau mondial, afin de soutenir le Liban, économiquement et même politiquement s’il le faut. Surtout quand il y a une pression étrangère sur le Liban. » Ont-ils déjà exercé cette action de lobbying ? « Nous l’avons déjà fait, à plusieurs occasions, répond-il. Chaque fois que le gouvernement libanais nous a demandé d’apporter un appui au Liban. Mais le lobbying n’est toujours pas aussi efficace qu’on le voudrait. » Pourquoi ? « Cela prend du temps et les Libanais ne sont pas encore habitués à travailler collectivement ni à se faire confiance », répond-il. Combien cette organisation compte-t-elle de membres et d’où viennent-ils ? « Nous avons actuellement quelque 35 bureaux de par le monde dans 35 pays différents, avec un représentant dans chaque pays, indique M. Fawaz. Nous collaborons avec des hommes d’affaires et des organisations à l’instar, par exemple, de la Chambre de commerce libano-brésilienne, ou encore du Conseil libano-saoudien des affaires, et bien d’autres encore. Le plus intéressant à propos du LIBC, c’est que nous n’avons pas de caractère politique ou confessionnel. Nous venons de toutes les confessions et de toutes les régions, nous travaillons ensemble sans nous soucier des différences de religion ou de background. » Il assure que la politique n’a pas réussi à les diviser. « Nous sommes unis, et les leaders du Liban le savent très bien, dit-il. Nous pouvons parler avec n’importe lequel d’entre eux à n’importe quel moment. La diaspora ne veut pas un Liban divisé. Ce pays connaît des problèmes économiques très graves, comme la dette nationale, dont personne ne parle. » Comment peuvent-ils, en tant qu’émigrés, changer cette réalité qui les choque ? « Nous aimerions que chaque ministre, chaque député soit porteur d’un programme, souligne M. Fawaz. Avec le temps, la pression venue des émigrés pourra peser sur la scène locale. Nous observons en effet de plus en plus d’émigrés qui s’expriment tout haut sur ces sujets. » Sur le plan interne, l’homme d’affaires plaide pour un ministère des Émigrés qui soit plus présent et auquel on accorderait plus d’importance. « Les émigrés drainent vers le pays quelque 10 milliards de dollars par an, les autorités libanaises doivent s’occuper de nous davantage », dit-il. Une « Maison de l’émigré » en plein Beyrouth Parmi les projets concrets du LIBC au Liban, le projet de loi sur la « carte de l’émigré », présenté par l’organisation au gouvernement libanais en 2004, mais qui attend toujours d’être débattu au Parlement. « Nous estimons que chaque personne vivant à l’étranger mais ayant des origines libanaises (sans avoir la nationalité) a le droit d’être détentrice de cette carte, explique M. Fawaz. Cette carte lui permettra d’entrer et de sortir du pays sans visa, d’acheter des terrains, de faire des investissements, mais sans le droit de voter. » Croit-il, d’après ses observations, que les Libanais d’origine sont intéressés à développer leurs relations avec leur patrie-mère et obtenir cette carte ? « Les Libanais sont intéressés par le Liban, affirme-t-il. Cette carte les rendra simplement plus proches de leur pays d’origine. Elle les encouragera à se rendre au Liban. Actuellement, il n’y a aucune structure qui lie le peuple libanais à sa diaspora. La carte en deviendra une. De plus, ce système se transformera en un pouvoir économique majeur pour le pays. Imaginez, si trois millions de Libanais payent chacun 100 dollars par an ou chaque deux ans pour leur carte, cela fera une rentrée de 300 millions de dollars pour le pays. » Et qui devrait gérer cela ? « Le gouvernement et ses ambassades », répond M. Fawaz. Il précise qu’il a soulevé ce sujet lors de rencontres avec de hauts responsables libanais. « J’espère seulement que si ce projet est approuvé, il ne sera pas accompagné d’une tonne de formalités à remplir, ce qui compliquera l’adhésion des Libanais de l’étranger », souligne-t-il. Un arbre pour chaque émigré Un autre projet majeur du LIBC est la construction de «Beit al-Moughtareb» («Maison de l’émigré»). « Nous projetons de le construire à Beyrouth, précise M. Fawaz. Nous avons demandé au gouvernement de nous donner un terrain qui, nous l’espérons, sera de 4000 à 5000 mètres carrés de superficie. Nous l’avons conçu pour être un centre de conférences, un lieu de rencontres, un siège de bureaux pour les expatriés libanais quand ils travaillent à partir de la capitale libanaise, un endroit pour faire des affaires… Il y aura aussi des halls pour toutes les régions du monde, comme un hall pour l’Amérique latine, un hall pour l’Amérique du Nord, etc. De cette façon, toutes les cultures seront représentées. Ce centre comportera également un musée sur l’histoire de la diaspora libanaise. » Il précise que c’est le LIBC qui financera le projet, mais qu’il a besoin d’une bénédiction du gouvernement parce que le terrain est très cher. M. Fawaz ajoute que son organisation a proposé aux dirigeants libanais d’instaurer une méthode de communication avec les émigrés, de manière à ce que, par exemple, le président libanais puisse entrer en contact rapidement avec l’ensemble de la diaspora s’il en a besoin, à une occasion donnée. Il suffira, selon lui, que des représentants de ces colonies dans les différents pays soient mis à contribution pour un contact rapide, et le LIBC se dit prêt à s’en charger. M. Fawaz a mis au point un projet appelé hirelebanese.com, un site Internet pour mettre les cerveaux libanais en contact avec des employeurs de par le monde. Ce projet a été réalisé après la guerre de 2006 avec un ami appelé Rabih Magharbi, résidant à Washington. « Ce site est instantanément devenu populaire, parce qu’il y a beaucoup de compagnies dans le monde qui recherchent des Libanais, dit-il. Nous avons plus de 18 000 CV et quelque 2000 compagnies qui consultent le site. Depuis sa création, plus de 7000 Libanais ont ainsi trouvé des emplois. Et le plus important, c’est que la participation est gratuite. » Par ailleurs, le LIBC prépare un grand congrès pour la diaspora au Liban fin juillet 2009. Le LIBC compte également soutenir financièrement et de toutes les façons possibles le projet du « Jardin des émigrés », conçu et réalisé par l’association écologique libanaise Green Garden Group (GGG), et qui se situera à Jounieh, face au port de cette ville qui a vu tant de Libanais s’expatrier à travers les âges. M. Fawaz dit avoir été convaincu par la volonté de l’association de travailler à l’amélioration de l’environnement au Liban, dont l’état est, selon lui, « triste à voir ». Ce jardin devra contenir des parties consacrées à chaque région du monde où l’émigration libanaise est nombreuse. Enfin, M. Fawaz dit avoir un rêve : celui d’encourager chaque émigré à planter un arbre au Liban.
Suzanne BAAKLINI

Expatrié aux États-Unis depuis 1955, Nassib Fawaz est le président fondateur du Lebanese International Business Council (LIBC), très actif pour apporter un soutien international de la diaspora au Liban. Compte-rendu d’une entrevue faite à Beyrouth.


Nassib Fawaz a quitté le Liban en 1955 pour le Michigan, aux États-Unis, où il a étudié le génie....