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Interview « Les partis commencent à réaliser l’importance des politiques économiques comme facteur de convergence » Sahar AL-ATTAR

Le chef de la Délégation de la Commission européenne, Patrick Laurent, espère que les recommandations des forums interlibanais seront transformées en textes législatifs d’ici à septembre 2009 L’Orient-Le Jour : Où en est le Liban dans la mise en œuvre de la Politique européenne de voisinage (PEV) ? Patrick Laurent : « Malgré les circonstances difficiles, le gouvernement libanais a mis en place l’architecture de la mise en œuvre de la PEV. Les sous-comités ont fait un bon travail au niveau de la forme. Mais sur le fond, ils n’arrivent pas à progresser en raison du blocage politique, de la faiblesse de l’administration et de la réticence du gouvernement à poursuivre des mesures impopulaires. À cet égard, il me semble que la classe politique libanaise n’a pas saisi la pleine importance de la PEV, qui peut justement être utilisée comme un support pour progresser vers les réformes. Le confessionnalisme continue malheureusement de gêner les prises de positions politiques à caractère national. Le processus d’adhésion du Liban à l’OMC peut toutefois accélérer le chantier législatif. La majorité des lois ont été rédigées, mais certaines doivent encore être votées au Parlement, comme les lois relatives à la sécurité alimentaire, au commerce international et l’octroi de licences, aux standards… » OLJ : L’accession du Liban à l’OMC est-elle encore à l’ordre du jour dans un contexte de la crise financière internationale ? PL : « La crise risque de provoquer des tensions protectionnistes. Un petit pays avec un régime commercial libéral comme le Liban a donc tout intérêt à adhérer à l’organisation pour se prémunir d’une éventuelle réaction protectionniste de la part de ces partenaires. Les négociations bilatérales avec l’Union européenne sont pratiquement finies, à l’exception de quelques détails sur les services. Si l’UE boucle le volet des services fin 2008-début 2009, cela donnera un coup d’accélérateur au processus, d’autant que la perspective des élections législatives est une fenêtre d’opportunité. » OLJ- Quelle est l’importance des trois forums interlibanais sur les politiques économiques et sociales, organisés par la délégation ? PL : « Ces forums ont un fil conducteur que les différents partis politiques commencent à comprendre. Ils commencent en effet à réaliser l’importance des politiques économiques comme facteur de convergence. La prise de conscience est graduelle, mais c’est le seul moyen d’y parvenir car le Liban est une démocratie consensuelle. Le pays n’a jamais eu de politique économique articulée et globale jusqu’à présent. Le confessionnalisme pousse chaque entité à penser qu’elle est mieux servie par sa propre communauté, ce qui est économiquement faux. La multiplicité de services concurrents entraîne au contraire une économie à coût de revient élevé. De plus, l’absence d’un cadre législatif favorable et d’infrastructures adéquates dans certaines régions ne permet pas aux entreprises de créer des emplois sur l’ensemble du territoire, ce qui génère un déficit de croissance. Ces forums ont donc permis de souligner l’importance de la convergence sociale et territoriale. Lors du premier forum, les participants ont ainsi recommandé l’adoption d’un schéma directeur d’aménagement du territoire, un concept appliqué pour la première fois en France avant d’être transposé à d’autres pays européens. La France et la CE ont donc financé en 2004 l’élaboration d’un plan similaire, préparé par des économistes et des sociologues libanais. Ce plan, qui a finalement été soumis en Conseil des ministres il y a une semaine, semble en bonne voie d’être adopté. Si c’est le cas, ce sera la première fois que le Liban se dote d’un document de programmation des investissements publics à long terme. » OLJ : Pourquoi avoir invité les représentants des blocs parlementaires et non pas les chefs des partis ? PL : « En général, la culture économique des appareils politiques libanais est très faible. Nous avons donc demandé aux différents partis de se faire représenter par des spécialistes des questions socio-économiques. Cela a été difficile au début, mais la troisième rencontre, par exemple, a permis de parvenir à un résultat substantiel. Les participants ont abouti au constat suivant : il n’y a pas de politique économique au Liban, mais le peu qu’il y a contient un biais contre les PME, qui représentent pourtant plus de 99 % des entreprises libanaises et créent 82 % des emplois, hors secteur public. Ils ont ainsi reconnu la nécessité de mettre en place une action spécifique pour soutenir les PME, qui pourrait prendre la forme d’un arsenal législatif appelé “Small business act”. » OLJ : Mais comment mettre en œuvre les recommandations de ces forums ? PL : « Certaines idées des forums ont été reprises dans la déclaration ministérielle, puis présidentielle qui a souligné l’importance de l’économie comme facteur de convergence. L’objectif est de déclencher un travail technique pour transformer ces idées en textes législatifs d’ici à septembre 2009. Le Liban est engoncé dans un réseau de contraintes économiques et confessionnelles. Or l’économie peut être un point d’entrée pour casser ce cercle vicieux et amorcer une spirale vertueuse qui aura des retombées rapides sur la classe moyenne, et qui atténuera les tensions interconfessionnelles. » OLJ : Selon vous quelles sont les priorités ? PL : « Pour améliorer le PIB par habitant, le Liban doit sortir de l’économie de rente et promouvoir les produits et services à haute valeur ajoutée. Étant donnée la qualité des ressources humaines libanaises, il faut mettre en place des mécanismes d’incitations en faveur de l’économie de connaissance, et utiliser des outils de politique économique pour guider la créativité vers la valeur ajoutée. Parallèlement, si les autorités parviennent à mieux gérer la frontière libano-syrienne, cela aura un impact sur la vie de ceux habitant les zones frontalières, qui vivent aujourd’hui essentiellement de la contrebande. L’État central devra donc s’en préoccuper, et mettre en place une politique économique basée sur la solidarité nationale. »
Le chef de la Délégation de la Commission européenne, Patrick Laurent, espère que les recommandations des forums interlibanais seront transformées en textes législatifs d’ici à septembre 2009
L’Orient-Le Jour : Où en est le Liban dans la mise en œuvre de la Politique européenne de voisinage (PEV) ?

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