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Actualités - REPORTAGE

Reportage Ernest et Consolatta, une histoire d’amour impossible à Kiwanja, en RDC

Ils sont amoureux et voudraient se marier. Tous deux sont congolais, mais l’un est hutu et l’autre tutsie, ce qui rend leur union aujourd’hui très difficile dans la province du Nord-Kivu. « Je préparais notre mariage à l’église pour décembre, mais avec la situation catastrophique que nous vivons en ce moment, ce sera très compliqué », raconte Ernest, 36 ans, le visage émacié sous un crâne chauve. Leur union est menacée par la haine ethnique et les violences endémiques qui ravagent le Nord-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), et ont redoublé depuis la reprise des hostilités à grande échelle fin août entre l’armée régulière et la rébellion de Laurent Nkunda. Ce chef rebelle et ex-général se présente notamment comme un défenseur de la communauté tutsie congolaise. « Moi, je suis un Hutu du Congo. Ma femme est une Tutsie du Congo, explique Ernest. Nous avons des problèmes pour vivre dans ma communauté. Nous n’avons pas la sécurité ici. Nous sommes en danger, c’est notre problème. » Baluchon sur la tête, de maigres provisions dans un sac, Ernest et Consolatta font partie des milliers de déplacés qui ont fui Kiwanja. Cette localité située à 80 km au nord de Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu, a été le théâtre en milieu de semaine dernière d’affrontements entre la rébellion de Laurent Nkunda et les milices progouvernementales Maï-Maï. Les deux camps ont commis dans la région des « crimes de guerre » qui auraient fait au moins 26 morts, selon l’ONU. Comme des centaines d’autres déplacés de Kiwanja, Ernest et ses sacs en plastique s’agglutinent autour d’une base locale des Casques bleus de la Mission des Nations unies en RDC (Monuc). Consolatta s’est absentée pour quelques heures, à la recherche de provisions et d’une possible distribution d’aide humanitaire. Ernest travaille comme « fonctionnaire », employé dans l’administration locale du territoire de Rutshuru, qui englobe Kiwanja. Il raconte avoir rencontré Consolatta il y a trois ans. « Elle habitait le voisinage, nous sommes tombés amoureux. » « Elle est diplômée de l’école secondaire, elle est très belle », renchérit-il fièrement. Ernest dit de Consolatta qu’elle est sa femme, même s’ils ne sont pas religieusement mariés. Tous deux vivaient sous le même toit depuis trois mois, dans une modeste maison de boue séchée de Kiwanja. « Ma communauté me voit comme un traître car je vis avec une femme qui n’est pas de cette communauté. Ils m’accusent de travailler pour les Tutsis. » Malgré ses inquiétudes, Ernest ne croit pas à un génocide à la rwandaise dans les Kivu. « Ça ne peut pas arriver à ce niveau. Comme civils, nous pourrions tous vivre ensemble. Mais chaque communauté a ses groupes armés qui veulent se faire la guerre. C’est ça le problème. » Une importante population rwandophone – Hutus et Tutsis – vit depuis des siècles dans la région de Rutshuru. Depuis l’indépendance du Congo en 1960, ils sont souvent en conflit avec les autres communautés du Nord-Kivu. Parallèlement, Hutus et Tutsis congolais se vouent parfois entre eux une haine tenace, alimentée par les soubresauts du génocide de 1994 au Rwanda voisin, qui avait fait, selon l’ONU, environ 800 000 morts, essentiellement parmi la minorité tutsie. Mais cela ne séparera pas Ernest de Consolatta. « Je vis avec elle car je l’aime. Je la voulais. Quand on aime, on ne peut pas juste changer comme ça pour une autre femme à cause des problèmes extérieurs », résume-t-il. Ernest et Consolatta envisagent désormais d’aller se passer la bague au doigt en Ouganda voisin, et de s’y installer. Car « si nous marier met notre vie en danger, alors c’est mieux de partir ». Ben SIMON (AFP)
Ils sont amoureux et voudraient se marier. Tous deux sont congolais, mais l’un est hutu et l’autre tutsie, ce qui rend leur union aujourd’hui très difficile dans la province du Nord-Kivu.
« Je préparais notre mariage à l’église pour décembre, mais avec la situation catastrophique que nous vivons en ce moment, ce sera très compliqué », raconte Ernest, 36 ans, le...