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Actualités - REPORTAGE

Dossier Le scandale des produits « guérisseurs »

Nada MERHI Depuis quelques années, les commerçants des « produits naturels à base de plantes » envahissent les chaînes télévisées, diagnostiquant allègrement des maladies et prescrivant sans appel leurs produits pour les traiter. Des maladies aussi graves que le diabète et la tension… Aucune action n’a encore été entreprise pour les confondre, et encore moins pour dissuader les naïfs, voire certaines personnes désespérées, de suivre aveuglément leurs préceptes. Dans le cabinet d’un éminent spécialiste à Beyrouth, six patients attendent d’être reçus par le médecin. Ils feuillettent tranquillement leur magazine ou discutent entre eux, sous l’œil vigilant d’un patient pas comme les autres. Il est l’un de ces nombreux papes de la médecine des plantes, et comme tel, il aborde les patients un à un, s’intéressant au cas de chacun d’entre eux, « diagnostiquant » leurs maux et leur prescrivant des « produits naturels à base de plantes, qu’il a lui-même fabriqués et qui sont disponibles dans toutes les branches de son réseau qui couvre l’ensemble du territoire », raconte une des patientes, sous le couvert de l’anonymat. Or le « spécialiste » en question a attendu patiemment son tour… pour consulter le médecin. Il en est ressorti tout en rangeant soigneusement son ordonnance médicale. La patiente qui passait à son tour chez le médecin, et qui avait auparavant profité de « ses conseils », a demandé « sérieusement » au praticien si elle pouvait se faire traiter par les produits prescrits par cet énigmatique personnage, plongeant son interlocuteur dans la stupéfaction… Le Liban est indubitablement le pays de tous les paradoxes, où la loi du « laisser-faire, laisser-aller » prévaut dans l’indifférence générale. Depuis près de trois ans, un nouveau phénomène pseudo-scientifique meuble la grille de certains médias audiovisuels, sans que pour autant les autorités concernées n’entament une action radicale pour couper court à tous ces mensonges dont on abreuve le consommateur libanais en mettant potentiellement sa vie en danger, sans parler évidemment de la pratique illégale de ces « nouveaux experts ». Depuis des années donc, ces personnes, qui se disent « spécialistes de la médecine par les plantes », apparaissent sur presque toutes les chaînes annonçant des remèdes à des maladies que la science, avec tous les moyens dont elle dispose et les nombreuses années de recherches en laboratoire, n’a pas encore réussi à guérir, mais qu’elle a pu, modestement, stabiliser, parvenant parfois même à améliorer la qualité de vie des patients qui en souffrent. Psoriasis, chute de cheveux, diabète, tension, pelade, dysfonction érectile, ulcères de l’estomac, maladies de la peau, rhumatismes, problèmes du surpoids et de l’obésité, triglycérides… Ces personnes annoncent à qui veut les entendre – hélas, ils ne sont que trop nombreux – qu’elles peuvent tout guérir, mais vraiment tout. Dans leurs nombreuses branches réparties sur l’ensemble du territoire, avec une ouverture bien évidement sur les pays arabes, ces « spécialistes » proposent une panoplie de produits « naturels » pour lutter contre tous ces maux. Ces mixtures ne portent bien entendu aucune notice concernant leur composition, leur posologie, et encore moins leurs contre-indications ou les effets secondaires qu’elles peuvent provoquer chez le patient. La manipulation est poussée encore plus loin, selon des médecins. Le produit destiné au traitement de la tension, à titre d’exemple, est administré tant aux personnes souffrant d’hyper que d’hypotension. Idem pour les produits destinés à traiter le diabète : un même flacon agit « merveilleusement bien » sur l’hypoglycémie et l’hyperglycémie. Ces pseudo-spécialistes auraient trouvé la pilule miracle qui agit sur tous les maux. C’est comme si elle était dotée d’un « autorégulateur » qui agirait dans un sens ou dans un autre selon le cas de chaque personne. L’aberration « Ce qui se passe au Liban est aberrant », affirment à l’unanimité les spécialistes du domaine de la santé. Et ce pour plusieurs raisons. D’abord, ce phénomène constitue une infraction flagrante à la loi, notamment pour ce qui concerne l’exercice illégal de la médecine et de la pharmacie. Ces individus, qui n’ont aucun scrupule, vont jusqu’à diagnostiquer à l’antenne et à distance la maladie dont souffrirait le téléspectateur qui, pris dans le piège faute de programmes scientifiques crédibles programmés sur ces chaînes, espère trouver le remède miracle à sa maladie. À cela s’ajoutent les témoignages de certains téléspectateurs louant « l’efficacité de ces produits ». Un phénomène sans précédent, qui n’a jamais été observé même dans les congrès scientifiques les plus prestigieux. De plus, selon la loi qui régit l’exercice de la profession de pharmacien, il est interdit de faire la publicité d’un médicament. Or ces « animateurs » sont en train de promouvoir des produits qui pourraient être nocifs – dans certains cas, ils ont provoqué de graves complications chez les patients, selon des témoignages de médecins qui ont eu à traiter avec eux – sous le fallacieux prétexte qu’il s’agit de « produits naturels à base de plantes ». Sans oublier que les « pseudo-vérités » scientifiques assénées par ces promoteurs ne reposent sur aucune base scientifique et sont diffusées dans le cadre d’émissions purement publicitaires qu’ils font ostensiblement passer pour des documentaires. En effet, selon certaines sources du milieu, « le budget que certaines de ces personnes ont consacré à leur programme atteint parfois la somme croquignolette d’un million de dollars par an et par chaîne télévisée ; pour d’autres, il dépasserait les 65 000 dollars par mois et par chaîne ». Les histoires qui se racontent sur ces « stars » des chaînes télévisées se comptent à la pelle. Les organismes spécialisés ont agi dans la mesure de leurs moyens. L’ancien président de l’ordre des médecins, Mario Aoun, avait ainsi, au cours de son mandat, intenté un procès contre ces personnes auprès du parquet. Un procès qui a été réactivé, il y a quelques mois, par le président actuel de l’ordre, Georges Aftimos. Un procès a également été intenté par l’ordre des pharmaciens et la Société pour la protection du consommateur. De son côté, le ministre de la Santé, Mohammad Jawad Khalifé, a publié deux décisions en mai dernier régissant les publicités relatives aux plantes naturelles et compléments alimentaires. Elles ont été adressées à la direction générale du ministère de la Santé, à la direction de la Sûreté générale, au ministère de l’Information, ainsi qu’aux départements de la prévention sanitaire, de l’éducation sanitaire et de l’ingénierie sanitaire au ministère. Dans une troisième décision, adressée à l’un de ces spécialistes des plantes qui avait obtenu une licence du ministère de la Santé, le ministre l’avait menacé de lui retirer sa licence s’il ne régularisait pas sa situation, c’est-à-dire s’il n’arrêtait pas notamment de « diagnostiquer les maladies à l’antenne » et de faire la promotion de ses produits comme « s’ils étaient des médicaments qui pourraient remplacer le traitement médicamenteux de nombreuses maladies » chroniques, tout « en prétendant que le ministère de la Santé lui a donné l’autorisation de le faire ». Des initiatives et des décisions qui ont rejoint tant d’autres aux archives du parquet et du ministère. Les procès n’ont bien entendu pas connu de suites et les décisions prises par le ministre ne sont toujours pas appliquées… les ministres de la Santé et de l’Information n’ont pas souhaité commenter cette situation, ce qui nous aurait permis de clarifier certains points, notamment la non-application des décisions du ministre de la Santé et la couverture médiatique remarquable qu’obtiennent ces commerçants. Il reste que ce dossier ne se veut pas comme un procès contre la médecine par les plantes en général, une discipline qui pourrait être pratiquée de manière honorable par certains. Il vise tout simplement à dénoncer les abus commis par des individus sans scrupules et qui sont largement critiqués par la communauté scientifique. * * * Les principes généraux de l’industrie pharmaceutique La communauté médicale ne s’oppose pas à la phytothérapie (traitement par les plantes), la pharmacognosie (science appliquée traitant des matières premières et des substances à potentialité médicamenteuse d’origine biologique) ou l’homéopathie (médecine non conventionnelle consistant à administrer au malade des doses faibles ou infinitésimales d’un médicament conçu selon le principe de similitude), qui constituent d’ailleurs des matières principales du cursus des étudiants en pharmacie. Elle s’oppose toutefois et condamne l’abus constaté sur la scène libanaise dans ce domaine, en l’absence de tout contrôle. Le traitement par les plantes n’est pas une chose nouvelle dans les sociétés. Il s’agit en fait d’une tendance de plus en plus en vogue dans le monde et que l’Organisation mondiale de la santé a encadrée, il y a quelques années, en posant certaines règles strictes concernant notamment « les recherches qui doivent être accomplies sur les effets de ces plantes ». Et pour cause : contrairement au slogan que l’on essaie de faire passer, « tout ce qui est naturel n’est pas bénéfique ». Certains champignons sont en effet vénéneux. De même, le pavot et le haschich sont des plantes naturelles, qui sont pourtant extrêmement nocives. Sans oublier que les plantes rentrent dans la fabrication de plusieurs médicaments, des chimiothérapies à titre d’exemple, qui peuvent être toxiques. « Toutes les parties d’une plante ne sont pas nécessairement bénéfiques pour l’homme, souligne le Dr Leila Khoury, ancienne présidente de l’ordre des pharmaciens de Beyrouth. D’où la nécessité de savoir les manipuler. » « Une plante peut être vendue à l’état naturel sous forme de sachets : la camomille, le thé et la verveine à titre d’exemple, poursuit-elle. Mais du moment où elle prend une forme galénique, qu’elle est industrialisée et qu’elle a des indications pharmaceutiques et médicales, elle est automatiquement classée comme un médicament. » Elle devra, par conséquent, être soumise aux réglementations et aux lois qui régissent les médicaments, telles que définies selon le code de déontologie des pharmaciens, notamment dans les articles 36, 37, 38, 39, 52 et 53. Des règles strictes Selon ces articles, « le médicament est toute matière simple ou composée ayant des indications de traitement ou de prévention, une action physiologique et qui est utilisée dans le traitement de l’homme ou de l’animal, comme au cours des opérations chirurgicales » menées sur eux. Citant tous les produits qui rentrent dans le cadre de cette définition, ces articles précisent que « le commerce des plantes médicinales qui ont une indication pharmaceutique, qu’elles soient à l’état simple ou composé, relèvent du domaine de la pharmacie ». Relève aussi de ce domaine « toute préparation ou manipulation visant à changer les spécificités des plantes médicinales ou à en extraire des produits ». Selon le code de déontologie des pharmaciens, « le commerce des plantes ou des parties des plantes est libre, à condition qu’elles soient vendues à l’état naturel sous leur nom scientifique ou communément utilisé, avec une mention du pays de production ». Elles ne doivent toutefois pas porter « une indication pharmaceutique ». « Est considéré comme secret tout médicament qui ne porte pas des indications claires concernant sa composition », précisent encore ces articles, notant que « les teintures et les produits cosmétiques qui renferment des matières toxiques ou des matières médicamenteuses à effet thérapeutique » sont considérés comme des produits pharmaceutiques. Ces articles soulignent par ailleurs que « tout produit pharmaceutique doit comprendre le nom scientifique et le taux des ingrédients qui entrent dans sa composition, avec une indication claire des matières toxiques qu’il peut contenir et qu’il est interdit d’utiliser sans la consultation préalable d’un médecin ». Et d’insister enfin qu’il est interdit de faire la publicité de ces produits « sans l’accord du ministère de la Santé ». Les produits mis en vente librement sur le marché libanais et dont la promotion se poursuit dans certains médias audiovisuels ne répondent ainsi à aucune réglementation telle que définie par le code de déontologie des pharmaciens. « Qui sait ce que contiennent ces produits ? s’interroge le Dr Khoury. Que de fois la FDA et l’Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) n’ont-elles pas mis en garde contre l’amphétamine (substance sympathomimétique aux effets anorexigène et psychoanaleptique, dont l’utilisation est interdite) trouvée dans certaines cures dites d’amincissement. Qui contrôle ce que contiennent ces produits-là ? » Et l’ancienne présidente de l’ordre des pharmaciens d’expliquer que « toute personne désirant se lancer dans l’industrie phytothérapique doit obtenir du département de pharmacie au ministère de la Santé une autorisation lui permettant de créer une usine de médicaments, devant répondre à un certains nombre de critères ». Tel est le cas de l’un de ces commerçants qui se vante d’être le seul à « avoir obtenu l’autorisation du ministère de la Santé pour ses produits ». Or ce dernier a obtenu un permis de monter une usine de médicaments « dont l’accès est interdit à toute personne sans exception », selon certaines sources. Par conséquent, il est impossible de vérifier si les lieux répondent aux réglementations en vigueur. D’emblée donc, ces personnes qui se disent spécialistes des plantes « ne remplissent aucune des conditions nécessaires et suffisantes de l’industrie phytothérapique », estime le Dr Khoury, qui ajoute : « Pourquoi à ce jour, les décisions du ministre de la Santé n’ont-elles pas été appliquées ? » * * * Ce que disent les organismes spécialisés Face à ce phénomène grandissant, les organismes spécialisés se jettent la responsabilité les uns sur les autres. Affirmant que le ministère de la Santé « n’est pas contre les plantes, mais contre le fait que d’aucuns font la promotion des indications thérapeutiques des produits à base de plantes », le Dr Walid Ammar, directeur général du ministère, explique ainsi que le problème « est purement médiatique, en relation avec le fait de faire parvenir au téléspectateur de fausses informations ». « Nous avons adressé des circulaires au ministère de l’Information et aux personnes concernées pour qu’elles s’engagent à ne pas dire que ces produits sont thérapeutiques, ajoute-t-il. En tant que ministère, nous avons fait notre devoir en autorisant ces produits qui ne sont ni nocifs ni curatifs. C’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, nous avons interdit que le produit porte une quelconque indication sur ses bénéfices thérapeutiques. Toutefois, nous n’avons aucun pouvoir pour interdire à ces personnes la parole. C’est un problème que les médias doivent régler. » Et d’insister : « Ces produits, dans leur état actuel, sont conformes aux normes. » « De plus, poursuit le Dr Ammar, pourquoi le citoyen ne se protège-t-il pas lui-même ? C’est une question, comme tant d’autres, qui se base sur le bon sens. » Mais comment celui-ci est-il supposé juger le bien-fondé de ces informations en l’absence de programmes basés sur des indications scientifiques fiables ? Les médias, complices Dénonçant à son tour l’infraction qui se fait au code de déontologie des médecins et des pharmaciens, le président de l’ordre des médecins de Beyrouth, Georges Aftimos, remarque que « certains délits conduisent vers d’autres ». « Dans ce cas particulier, les médias donnent l’antenne à ces personnes tant pour promouvoir leurs produits que pour diagnostiquer des maladies, dénonce-t-il. Sans oublier que la publicité autour de ces produits et des maux qu’ils sont supposés guérir est mensongère, ce qui met la vie des citoyens en danger. » Et d’affirmer : « Les ministères concernés sont responsables de ce phénomène, ainsi que les médias. Pourquoi acceptent-ils de donner l’antenne à ces gens ? Est-ce pour une question d’argent ? » Pour le président de l’ordre des pharmaciens de Beyrouth, Saleh Dbeibo, « ce qui se passe aujourd’hui est loin d’être une phytothérapie ». « Il s’agit de la promotion de produits commerciaux sans référence aux lois en vigueur, déclare-t-il. Pour faciliter les choses, le ministère de la Santé avait créé un comité chargé de traiter les dossiers relatifs aux produits à base de plantes et aux compléments alimentaires. Nous avons protesté, parce qu’il n’est pas possible que deux comités soient chargés de traiter avec les médicaments. Ce qui est logique, d’autant que plusieurs produits, classés comme étant des compléments alimentaires, ont été autorisés par ce comité et qu’il s’est avéré qu’ils contiennent des matières pharmaceutiques et thérapeutiques. » « Qui nous garantit que ces produits ne contiennent pas des médicaments ? » se demande le Dr Dbeibo. Et de préciser : « Le comité chargé des compléments alimentaires doit être rattaché à un comité central chargé de l’enregistrement des médicaments. Ce comité doit définir la nature du produit : médicament ou complément alimentaire. À ce moment uniquement, le danger sera minimisé, ainsi que les tentatives de manipulations qui visent à vendre des médicaments sous le label de compléments alimentaires. » Des dizaines de plaintes Même son de cloche à l’Association pour la protection du consommateur auprès de laquelle plusieurs plaintes ont été déposées. Wajdi el-Haraké, secrétaire général de l’association, note que conformément à la loi 659 sur la protection des consommateurs, les commerçants de ces produits doivent être sanctionnés pour diffusion d’informations mensongères, ainsi que les médias qui servent de support à ces commerçants. Malheureusement, à l’instar de plusieurs autres lois, celle-ci n’est pas appliquée. Affirmant que tous les organismes ont failli à leurs devoirs, Me Haraké fait porter enfin la responsabilité de ce phénomène qui se poursuit à toutes les parties concernées. * * * L’avis d’un spécialiste Responsable de bioéthique et chef du département de dermatologie à l’Université Saint-Joseph, le Dr Roland Tomb explique qu’en médecine, « il doit y avoir une séparation des pouvoirs ». « Ce n’est pas la même personne qui diagnostique et traite les maladies, qui vend et fabrique les médicaments, note-t-il. Au Liban, il s’agit d’un phénomène extraordinaire. Une même personne fait tout et traite tout. C’est une même personne qui possède cette omniscience et qui a une réponse à tout. » Les spécialisations médicales nécessitent plusieurs années d’études, souligne le Dr Tomb, notant que certains médecins poursuivent parfois des études supplémentaires pour se sous-spécialiser dans certains nombres de maladies. « Au Liban, des gens qui ne sont même pas médecins traitent absolument de tout, dénonce-t-il. S’agirait-il d’une révélation divine ? » En plus de la non-qualification des personnes qui fabriquent ces médicaments, le Dr Tomb dénonce « les pseudo-réalités scientifiques, les pseudo-processus médicaux et les pseudo-processus physiologiques » que ces personnes racontent. « Ce sont des mensonges avérés et toutes les chaînes télévisées hébergent ces personnes, critique-t-il. Ce sont les mêmes qui passent de l’une à l’autre ou qui sont dans l’une et l’autre. » « Je comprends que certaines personnes soient impatientes face à la médecine, surtout si celle-ci est appliquée d’une façon qui n’est pas rigoureuse, poursuit le Dr Tomb. Je comprends que des gens las se décident à essayer autre chose. Mais ce qui est beaucoup plus grave, c’est que les patients vont chez ces prescripteurs en première intention, et ce n’est que lorsqu’ils ont des problèmes graves qu’ils se tournent vers la médecine. Les gens n’ont plus de repères. » La complicité Toutes les maladies ne sont pas guérissables, insiste encore le Dr Tomb. Le psoriasis à titre d’exemple est une maladie chronique, qui a un aspect psychosomatique et qui est influencée par les aléas de la vie quotidienne. Elle peut être déclenchée et aggravée par certains événements de la vie, mais peut parfois se calmer spontanément. « C’est une maladie qui survient par poussées, fait-il remarquer. Une pseudo-guérison obtenue peut tout à fait coïncider avec une rémission spontanée. Il n’existe aucun traitement qui puisse guérir le psoriasis de façon définitive. Toutefois, la recherche sur le psoriasis a fait des bonds spectaculaires. Actuellement, on traite les poussées et on peut éventuellement les espacer les unes des autres. Donc, prétendre qu’on va guérir le psoriasis est un gros mensonge. » « Ce qui est grave, c’est qu’on a vu des psoriasis traités par ces gens-là, ajoute le Dr Tomb. Non seulement ces affections n’ont pas guéri, mais elles ont été aggravées au point que les patients ont dû être hospitalisés pour des érythrodermies psoriasiques graves. Dans ces cas, le psoriasis n’est plus seulement une disgrâce esthétique, mais devient une maladie grave qui atteint tout le corps et qui nécessite une hospitalisation, parfois en soins intensifs. » Le Dr Tomb, qui explique par ailleurs que la calvitie également n’a pas de traitements médicamenteux, mais éventuellement chirurgicaux, note qu’il existe en revanche des traitements pour la chute des cheveux. « Les publicités sur les cheveux qui poussent sont également mensongères », affirme-t-il. Et de conclure : « Il y a une complicité évidente des pouvoirs publics et des médias. C’est une forme de matraquage du consommateur. Ces personnes qui racontent des mensonges sont très soutenues et protégées. » * * * Témoignages Les complications observées suite à la consommation des produits « naturels » dont la promotion se poursuit sur les chaînes télévisées ne sont pas toutes sophistiquées. Nous reproduisons, sous couvert d’anonymat, deux témoignages de médecins qui ont eu affaire à des cas assez graves. Le premier cas est celui d’une jeune dame à qui le gynécologue a arrêté les traitements pour la fécondation in vitro à cause d’un problème à la tyroïde et dont il a soumis le cas à un endocrinologue. « Le bilan tyroïdien de cette femme était très perturbé, raconte son médecin. Je me trouvais devant une hyperthyroïdie. » Avant de se lancer dans des examens plus poussés, l’endocrinologue a fait subir un interrogatoire en règle à la jeune dame. « Il s’est avéré qu’elle avait pris, quelques semaines avant la consultation, un produit naturel pour mincir, explique le médecin. Probablement, ces fausses plantes contenaient de l’hormone thyroïdienne qui a entraîné une hyperthyroïdie factice en même temps que l’amaigrissement. Un bilan thyroïdien effectué des semaines plus tard a montré que la TSH était revenue à la normale. » Le deuxième cas est celui d’une femme prédiabétique, qui voulait elle aussi perdre du poids. « Elle a pris ces plantes magiques pour maigrir et a réussi à éliminer huit kilos, souligne le spécialiste. Mais elle a développé aussi un diabète. J’ignore ce que ces herbes contenaient. Mais nous savons sur le plan scientifique que les diurétiques agissent négativement sur la glycémie. »
Nada MERHI


Depuis quelques années, les commerçants des « produits naturels à base de plantes » envahissent les chaînes télévisées, diagnostiquant allègrement des maladies et prescrivant sans appel leurs produits pour les traiter. Des maladies aussi graves que le diabète et la tension… Aucune action n’a encore été entreprise pour les confondre, et encore moins pour...