Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSE

Éclairage Baroud à Damas sur fond d’accusations réciproques et de tensions renouvelées

Scarlett HADDAD Les « aveux » spectaculaires diffusés jeudi soir par la télévision officielle syrienne continuent de dominer la scène politique libanaise. Si l’alliance du 14 Mars s’est empressée de les démentir en bloc, reprenant les violentes accusations portées contre le régime syrien depuis plus de trois ans, le camp de l’opposition parlementaire s’est refusé à tout commentaire, alors que les médias qu’elle influence semblent les considérer comme des faits prouvés. Il est sans doute encore trop tôt pour se prononcer sur la véracité de ces « aveux », qui devraient faire l’objet d’enquêtes poussées et transparentes, mais certains faits restent troublants. Depuis leur diffusion, deux personnes dont les noms ont été cités par ceux qui ont défilé devant les caméras syriennes ont été arrêtées samedi matin dans le camp de Beddawi, à la suite d’une opération effectuée par les services de sécurité palestiniens, avant d’être remis aux renseignements de l’armée et une troisième a été arrêtée dimanche à l’aube dans le quartier tripolitain de Kobbé. Il s’agirait d’un dénommé Khaled Eter, alias Aboul Abed. Ce dernier serait un des complices de Abdel Ghani Jawhar, auteur présumé des deux attentats contre l’armée à Tripoli et activement recherché par les services libanais, depuis qu’il a disparu. Des informations étaient d’ailleurs parvenues aux SR de l’armée qu’il se trouverait au domicile de sa sœur à Kobbé, justement. Mais lorsque les équipes sécuritaires sont arrivées sur place, il avait eu le temps de fuir. Et il a fallu se contenter de réquisitionner dans ce domicile des armes, dont la fameuse mitraillette qui aurait, dit-on, servi à assassiner le ministre Pierre Gemayel. Ce même Abdel Ghani Jawhar serait le fameux « Abi Hajer », cité dans les aveux des accusés en Syrie et il a été qualifié de spécialiste en explosifs et artisan technique de l’explosion de la voiture piégée sur la route de l’aéroport à Damas. Tout cela pour dire que les tentacules de cette nébuleuse encore peu connue ont des prolongements en Syrie et même en Irak. D’ailleurs, selon des sources sécuritaires, Fateh el-Islam aurait aujourd’hui un même chef au Liban et en Syrie, installé au camp palestinien de à Aïn el-Héloué et très habile dans la fabrication de fausses identités. Chacun des membres en aurait d’ailleurs plusieurs et s’appellerait différemment dans chaque pays qu’il traverse. Il faut ajouter à ces éléments « les aveux » de la fille de Chaker el Absi, Wafaa, identifiée par les services libanais qui l’ont entendue avec d’autres femmes lorsque le camp de Nahr el-Bared avait été évacué par les familles. Son second mari, de nationalité syrienne (le premier ayant péri pendant les combats), est accusé par les autorités syriennes d’être le cerveau et l’instigateur de l’attentat de la route de l’aéroport de Damas... Fateh el-Islam n’a donc pas fini de faire parler de lui et aussi bien le Liban que la Syrie sont ces cibles. Jusque-là donc, rien à dire. Mais là où les « aveux télévisés » posent problème, c’est lorsque les accusations évoquent clairement un financement du Courant du futur et de l’Arabie saoudite. Dans le principe, la théorie n’est pas nouvelle. Elle a même fait l’objet d’articles parus dans la presse américaine et écrits par des auteurs comme Seymour Hersh et Franklin Lamb. Elle a d’ailleurs depuis le début été contestée par les parties concernées, qui rejettent au contraire la responsabilité de la création et de la formation du groupe Fateh el-Islam sur les services secrets syriens. C’est donc un vieux contentieux. Mais ce qui attire surtout l’attention dans ce développement, c’est le timing choisi par les autorités syriennes pour diffuser ces « aveux ». Un message Pour le camp du 14 Mars, il s’agit tout simplement d’une manœuvre destinée à détourner l’attention du tribunal international dont la formation est prévue pour le début de l’année 2009. Mais il peut y avoir d’autres explications. La diffusion de ces « aveux » intervient à la veille de la visite du ministre de l’Intérieur Ziyad Baroud à Damas, accompagné des responsables sécuritaires Achraf Rifi, directeur général des FSI et Wafic Jezzini, directeur général de la Sûreté générale. D’ailleurs, pendant quelques jours, il y a eu un suspense sur la participation du général Rifi à la délégation. De même, le ministre de la Défense, Élias Murr, doit à son tour se rendre à Damas en compagnie du commandant en chef de l’armée, qui a reçu lui aussi une invitation officielle. C’est donc un peu comme si les autorités syriennes voulaient fixer les limites des « nouvelles relations » avec les autorités libanaises. Des sources sécuritaires affirment que la Syrie veut placer la coopération sécuritaire entre les deux pays en tête de ses sujets à traiter avec les Libanais, indépendamment du dossier politique. De plus, les autorités syriennes ont voulu adresser un message fort aux parties qui continuent à l’attaquer dans le camp du 14 Mars, l’accusant d’être à l’origine de la présence d’extrémistes au Liban, laissant ainsi entendre qu’elle possède encore d’autres éléments. Enfin, c’est aussi un message aux autorités saoudiennes – avec lesquelles les relations sont toujours aussi mauvaises, en dépit des propos jugés plus ouverts du ministre saoudien des Affaires étrangères – que la Syrie a voulu adresser. Le bras de fer entre les deux pays se poursuit donc et son terrain favori reste le Liban. C’est dans cette mer houleuse, truffée d’obstacles cachés, que le ministre de l’Intérieur se rend aujourd’hui à Damas, malgré certaines positions réclamant le report de sa visite. Des sources de sécurité précisent qu’il s’agit d’une démarche sage et calme destinée à établir un contact direct entre les deux ministères, loin des surenchères médiatiques. En dépit de la méfiance réciproque et du pas en arrière que constitue la diffusion des « aveux télévisés » jeudi soir, l’unique voie possible reste apparemment le dialogue direct...
Scarlett HADDAD

Les « aveux » spectaculaires diffusés jeudi soir par la télévision officielle syrienne continuent de dominer la scène politique libanaise. Si l’alliance du 14 Mars s’est empressée de les démentir en bloc, reprenant les violentes accusations portées contre le régime syrien depuis plus de trois ans, le camp de l’opposition parlementaire s’est refusé...