Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

Le dialogue, un éternel recommencement

Le dialogue islamo-chrétien est une nécessité politique, et une aventure humaine et culturelle. C’est le sens général d’une conférence à plusieurs voix de l’association Adyan à l’Université de Varsovie. La nature du dialogue et son utilité sont des questions que tout le monde se pose. Usé jusqu’à la corde, ce terme est devenu tout à fait élastique. Tout échange entre deux personnes, deux partis est automatiquement classé « dialogue ». Dans le domaine de l’interreligieux, cependant, le mot a une histoire et un sens bien précis. Ce fut le point de départ de la conférence qui se tint à Varsovie, mardi 21 octobre, qui coïncida avec la « Journée européenne du dialogue ». Le concept de dialogue tel que nous le connaissons a pris naissance avec le concile Vatican II (1965), qui a publié un document fondamental – « Nostra Aetate » - sur les relations de l’Église catholique avec les religions non chrétiennes. Auparavant, des Églises évangéliques aux États-Unis avaient tenté d’amorcer un dialogue, notamment avec les Églises orientales. Quelque part à l’arrière-plan, il y avait l’idée d’un front commun contre l’athéisme et le communisme. L’initiative avait suscité les réticences des pays arabes et de l’islam, traumatisés par la création de l’État d’Israël et rendus méfiants par la politique impérialiste américaine. Ces mêmes réticences avaient continué à bloquer le dialogue lancé par Vatican II. Ce n’est qu’en 2001, après les attentats du 11 septembre contre les États-Unis, que l’idée d’un dialogue s’imposa comme une nécessité vitale. Et cette fois, la demande provenait non plus de l’Église catholique ou de la société civile, mais des États arabes eux-mêmes. À la base du dialogue, deux principes. Il y a d’abord la connaissance de l’autre, mais d’une connaissance humaine, non livresque : la connaissance de l’autre tel qu’il veut être connu. Le second principe, c’est celui de la solidarité. Il s’agit de faire face, ensemble, aux défis communs, de découvrir les valeurs qui nous permettent de vivre ensemble, de « faire face aux défis de la cité », pour reprendre une expression utilisée par Saoud el-Maoula durant la conférence. Une nécessité et une aventure Pour tous ceux qui l’abordent, le dialogue est considéré comme une nécessité. Il existe désormais une composante religieuse dans la plupart des conflits qui secouent la planète, surtout avec l’omniprésence du terrorisme. Quelque part, on se rend compte que les religions sont manipulées et qu’elles ont donc un devoir à remplir dans le monde pour surmonter les obstacles qui se dressent devant la paix et la justice. Il s’agit d’un défi humain, aussi bien pour la pensée chrétienne que pour la pensée musulmane : comment retrouver le chemin de l’humanité, comment bâtir un projet commun ? Comment faire une place pour l’autre dans sa propre foi, en reconnaissant, une fois pour toutes, que, selon l’une des formules bien frappées de M. Maoula, « le religieux ne peut plus être vécu que s’il est interreligieux » ? La tâche n’est pas facile, mais sa nécessité s’impose, si l’on veut éviter d’entrer dans ce que beaucoup considèrent comme « une nouvelle barbarie ». Car le dialogue « implique tout, le politique, le religieux, le social ». Il a une dimension globale que mettront en évidence Nayla Tabbara, coordinatrice de programmes à la faculté des sciences religieuses de l’USJ, et les autres conférenciers de Varsovie. Halabi : Le dialogue en crise Pour Abbas Halabi, « le dialogue est en crise ». Une crise marquée par la montée de l’extrémisme au sein du monde arabe – un extrémisme qui menace non seulement les chrétiens, mais aussi « l’islam modéré » – et celle de « l’islamophobie » dans le monde occidental. Cette crise, souligne Halabi, est « alimentée par des problèmes politiques à la fois conjoncturels et structurels », avec notamment un monde arabe souffrant d’un déficit démocratique, de la répression des libertés et d’un manque de développement économique et social. Mais elle est aussi tributaire de l’aveuglement occidental face aux injustices de l’histoire, surtout la violence faite à la Palestine. Pourtant, comme le soulignera Vittorio Pozzo, « l’alternative au dialogue, c’est le conflit ». Il n’y donc pas d’alternative au dialogue. Après un exposé de Tony Saouma, responsable adjoint du cycle complémentaire dans une grande école de Beyrouth, sur une expérience de dialogue en milieu estudiantin, qui fut, d’une certaine façon, un exposé des préjugés rigides que nous nourrissons les uns envers les autres, le mot de la fin devait revenir au P. Fadi Daou, qui parla de l’éducation comme l’une des clés de changement de notre vision d’autrui. Le père Fadi Daou, qui n’utilise le mot dialogue que très rarement, devait affirmer : « Personnellement je préfère une approche plus réaliste qui fait assumer aux religions la meilleure et la pire de leurs représentations passées et présentes (…) le réel défi pour les croyants est de répandre à l’intérieur même de leur espace religieux ce qu’ils essayent de communiquer aux autres dans le cadre du dialogue interreligieux. Sinon, le dialogue risque de devenir une fuite en avant pour des idéalistes ou des idéologues sans engagement authentique de leur part et sans impact réel sur les sociétés et la paix dans le monde. » Daou, qui est également secrétaire général adjoint du Conseil des Églises du Moyen-Orient, parle d’un devoir d’engagement radical au service de l’interreligieux. « Nous croyons que nous pouvons résoudre les problèmes, déclare-t-il. Il nous revient d’agir, de tenter de changer les choses. À défaut, nous aurons au moins vécu une belle aventure. » «Don Casimir» Durant sa visite, le groupe eut pour guide un prêtre, le P. Casimir Gajowi, véritable ambassadeur de son pays au Liban. Au palmarès de ce salésien, coureur de marathon de surcroît, plus de trente années passées au service de la jeunesse libanaise, à l’institut technique Don Bosco, à Hsoun (Jbeil). Au demeurant, le P. Casimir, qui parle le libanais couramment, est l’auteur d’un ouvrage consacré à la guerre de juillet-août 2006, en passe d’être traduit en arabe.
Le dialogue islamo-chrétien est une nécessité politique, et une aventure humaine et culturelle. C’est le sens général d’une conférence à plusieurs voix de l’association Adyan à l’Université de Varsovie.
La nature du dialogue et son utilité sont des questions que tout le monde se pose. Usé jusqu’à la corde, ce terme est devenu tout à fait élastique. Tout...