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Actualités - CHRONOLOGIE

L’accolade syro-libanaise Patrick SEALE

L’établissement, au début de ce mois, de relations diplomatiques entre la Syrie et le Liban est un acte d’une portée symbolique considérable. C’est la première fois depuis leur indépendance de la France, dans les années 40, que ces deux voisins établissent de tels rapports. Le prétexte, du côté syrien du moins, a toujours été que les deux pays n’ont jamais cessé d’être proches au point de rendre inutiles des relations diplomatiques. Il est incontestable que la circulation entre les deux pays a toujours été dense. Taillés dans la même pierre par les Français, au lendemain de la Première Guerre mondiale, ils étaient unis par mille liens historiques, géographiques, familiaux et commerciaux. Mais la tension aiguë de ces dernières années – marquée par l’assassinat, en février 2005, de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri et plusieurs meurtres politiques, par le retrait du Liban, sous la pression internationale, des troupes syriennes présentes dans le pays depuis une trentaine d’années – rendait nécessaire un acte formel de reconnaissance. C’est maintenant chose faite. Les ministres des Affaires étrangères des deux pays ont signé un accord le 15 octobre à Damas, au lendemain de la promulgation par le président Bachar el-Assad d’un décret établissant des relations diplomatiques avec le Liban. L’initiative a été favorablement accueillie au Liban et dans le monde arabe. Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, l’a qualifié d’ « étape historique ». Quelle réalité politique cache ce développement ? Damas a formellement reconnu la souveraineté et l’indépendance du Liban. Mais en échange, Beyrouth a reconnu que la Syrie – engagée dans une dangereuse confrontation avec Israël – a des intérêts sécuritaires vitaux au Liban. Ceux qui, au Liban, critiquent la Syrie – soit la moitié du pays – ont dû accepter que celle-ci ne saurait tolérer l’existence à Beyrouth d’un gouvernement hostile. Tel est le sens profond des accords conclus en mai dernier à Doha octroyant au Hezbollah, allié libanais de la Syrie, un droit de veto sur toute décision du gouvernement libanais. Dans le Sud syrien, Damas est à moins de 20 kilomètres de la frontière libanaise. Un gouvernement hostile à Beyrouth – ou un gouvernement sous une influence étrangère hostile – serait comme un revolver pointé sur la tempe de la Syrie. La Syrie considère le Liban un peu comme, par exemple, pour la Russie, le Caucase, considéré comme sa « périphérie » – une région qu’elle veut ramener dans sa zone d’influence. Elle semble déterminée à représenter la principale influence extérieure, comme elle l’a été des décennies durant. Telle semble être la ligne de la Syrie, du moins jusqu’à la conclusion avec Israël d’une paix totale incluant le retour du Golan, perdu en 1967. Entre-temps, il ne saurait être question d’un désarmement du Hezbollah, pas plus que d’une rupture des liens avec l’Iran. Pour les Syriens, l’axe Téhéran-Damas-Hezbollah demeure le principal – en fait le seul – obstacle face à l’hégémonie israélo-américaine sur la région. Entre 2003 et 2006, la Syrie a connu des années très dangereuses. Le régime n’aurait pas survécu à un succès de l’Amérique en Irak. Les néoconservateurs, après avoir poussé leur pays à une guerre contre Saddam Hussein, avaient la Syrie dans leur ligne de mire. Mais le régime syrien a survécu, sauvé par l’échec US en Irak. Aujourd’hui, il respire mieux et se présente plus confiant sur les scènes régionale et internationale. Symbole de ce tournant : l’invitation adressée, le 13 juillet dernier, par le président français Nicolas Sarkozy à son homologue Bachar el-Assad au lancement à Paris de l’Union pour la Méditerranée. Depuis, Sarkozy a visité Damas, reconnaissant ainsi de manière pragmatique l’importance régionale de celle-ci. Indiscutablement, la position de la Syrie a été renforcée par le nul obtenu par le Hezbollah face à Israël dans le courant de l’été 2006. La Syrie a bénéficié en outre de l’amélioration de ses rapports avec plusieurs États du Golfe, notamment le Qatar et les Émirats arabes unis, source d’investissements considérables. La Turquie, un pays avec lequel la Syrie entretient d’excellentes relations, a œuvré à l’ouverture de pourparlers indirects entre la Syrie et Israël. Nombreux sont ceux qui espèrent que ces contacts seront couronnés par des négociations directes avec l’avènement d’un nouveau président américain. La réconciliation entre la Syrie et le Liban représente un pas important sur la voie d’un retour à la stabilité dans une région agitée. Coincé entre des puissances rivales, le Liban a dû accepter certaines restrictions à son indépendance, sous la forme, notamment, d’une influence syrienne sur sa politique, peut-être regrettable, mais probablement inévitable. Le Liban n’est pas la Suisse. Il ne vit pas dans une bulle utopique, isolé d’un environnement en proie aux troubles, comme voudraient le souhaiter certains Libanais. Il pourrait tirer profit d’une amitié et d’une association avec son voisin syrien.
L’établissement, au début de ce mois, de relations diplomatiques entre la Syrie et le Liban est un acte d’une portée symbolique considérable. C’est la première fois depuis leur indépendance de la France, dans les années 40, que ces deux voisins établissent de tels rapports.
Le prétexte, du côté syrien du moins, a toujours été que les deux pays n’ont jamais cessé...