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Actualités - CHRONOLOGIE

De Beyrouth au 11/9 Robert C. McFARLANE

Au cours de l’été 1 983, je devins le représentant spécial du président Ronald Reagan pour le Moyen-Orient, avec pour mission de rétablir un certain calme dans les rapports d’Israël avec ses voisins, à commencer par le Liban. À l’époque, le Liban était occupé par les forces syriennes et israéliennes – la Syrie peu après le déclenchement en 1975 de la guerre civile, Israël depuis l’invasion de juin 1982. Toutefois, moins de trois mois après cette désignation, je fus rappelé à Washington et nommé conseiller spécial du président pour la Sécurité. Vendredi 21 octobre peu après minuit, je fus réveillé par un appel téléphonique du vice-président George H. W. Bush m’annonçant que plusieurs pays de l’est des Caraïbes avaient réclamé l’envoi de troupes américaines dans l’île de Grenade en vue d’empêcher l’Union soviétique et Cuba d’y installer une base. J’appelai le président et le secrétaire d’État George Shultz, qui jouaient au golf à Augusta, dans l’État de Géorgie, et obtint leur feu vert à un débarquement de nos forces dans les 72 heures. Puis, moins de vingt-quatre heures plus tard, je fus réveillé, cette fois par l’officier de service de la salle d’opérations, à la Maison-Blanche, qui m’annonça que les baraquements des marines américains au Liban avaient été attaqués par des terroristes du Hezbollah entraînés par les Iraniens, signalant de lourdes pertes. J’appelai de nouveau le président, qui se prépara à retourner sur-le-champ afin de suivre les deux crises. Aujourd’hui, nous commémorons le vingt-cinquième anniversaire de ce bombardement dont le bilan s’établit à 245 victimes américaines faisant partie d’une force de paix multinationale (58 paras français devaient périr dans l’attaque lancée simultanément contre leur base). L’attaque avait été planifiée de longs mois durant dans un camp d’entraînement du Hezbollah, dans la vallée de la Békaa, dans le secteur central du Liban. Après la confirmation par les services de renseignements US de l’identité des responsables et du lieu de planification de l’attaque, le président Reagan approuva un assaut aérien franco-américain contre le camp – mais le secrétaire à la Défense Caspar Weinberger devait en empêcher le déclenchement. Quatre mois plus tard, tous les marines étaient rappelés : un point final était mis ainsi à l’une des défaites les plus coûteuses, les plus tragiques de la courte histoire moderne des opérations américaines de contre-terrorisme. Il est possible de tirer plusieurs conclusions de cet épisode. La plus révélatrice, à mes yeux, est celle à laquelle sont parvenus les terroristes du Moyen-Orient, à savoir que les États-Unis n’ont ni la volonté ni les moyens de riposter efficacement à une attaque terroriste, une leçon apparemment confirmée par notre apathie face aux attaques terroristes des années 90 : en 1993 contre le World Trade Center, en 1996 contre les forces aériennes des Khobar Towers en Arabie saoudite, en 1998 contre nos ambassades en Tanzanie et au Kenya, en 2000 contre le destroyer Cole. Il n’y eut alors aucune riposte des USA. Et ce n’est qu’après les attaques du 11 septembre 2001 que notre pays s’est décidé à partir en guerre contre le radicalisme islamique. Une deuxième conclusion porte sur le vieil adage qui interdit tout déploiement sans clairement lui définir une tâche militaire. En 1983, le bataillon de marines basé à l’aéroport de Beyrouth avait une mission de « présence », en d’autres termes celle d’assurer un soutien moral au fragile gouvernement libanais. Le secrétaire d’État Shultz et moi-même avions demandé avec insistance au président d’assigner aux marines leur rôle traditionnel : un déploiement, à l’invitation du gouvernement libanais, dans la Montagne, aux côtés de la nouvelle armée libanaise, en vue d’assurer le retrait des troupes syriennes et israéliennes. Weinberger s’y opposa. Il était convaincu que les intérêts américains au Moyen-Orient concernaient le pétrole de la région et que pour assurer notre accès à ce pétrole, il importait de ne pas lancer d’opérations militaires susceptibles de causer des pertes musulmanes et de mettre en danger la bonne volonté musulmane. Il arrive souvent aux membres d’un cabinet d’être en désaccord ; souvent une meilleure politique est le résultat d’un débat rigoureux, d’une certaine subtilité. Ce qui est intolérable, par contre, c’est l’irrésolution. Dans le cas évoqué, le président a toléré, sans le commenter, le refus de son secrétaire à la Défense de donner suite à un ordre direct – ce qui, aux yeux de Weinberger, justifiait son jugement. Confronté au refus persistant de son secrétaire à la Défense d’approuver aux marines un rôle plus actif, le président a retiré ceux-ci et adressé aux terroristes le signal fort d’une paralysie au sein de notre gouvernement, ratant ainsi une occasion de contrer un terrorisme islamique naissant. Depuis le 11-Septembre, nous avons beaucoup appris sur la menace du radicalisme islamique et sur la manière de vaincre celui-ci. Notre engagement en Irak se justifie désormais ; il nous permettra, s’il se maintient, de créer un exemple de pluralisme dans un État musulman à l’économie florissante. Au préalable, il nous faut gagner en Afghanistan – le véritable champ de bataille dans ce combat universel. Jamais le besoin de l’expérience et de la clarté de jugement à la Maison-Blanche n’a été aussi grand. À moins que notre prochain président ne comprenne la complexité du défi et ce qu’il faut pour réussir, à moins qu’il ne soit en mesure, à la tête de son cabinet et du pays, de mettre en pratique cette stratégie, alors nous perdrions cette guerre.
Au cours de l’été 1 983, je devins le représentant spécial du président Ronald Reagan pour le Moyen-Orient, avec pour mission de rétablir un certain calme dans les rapports d’Israël avec ses voisins, à commencer par le Liban. À l’époque, le Liban était occupé par les forces syriennes et israéliennes – la Syrie peu après le déclenchement en 1975 de la guerre...