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Actualités - interview

Interview Expériences, émancipation: cinq femmes témoignent

Au cours du Forum de la femme arabe qui s’est tenu les jeudi 23 et vendredi 24 octobre à l’hôtel « Phoenicia InterContinental », cinq femmes décrivent à « L’Orient-Le Jour » leurs expériences et leur vision de l’émancipation de la femme. Hibaaq Osmane : « La femme est le cœur de la société » Suzanne BAAKLINI Hibaaq Osmane est fondatrice de V-day Karama, un groupe contre la violence, et du Fonds arabe pour les femmes. D’origine somalienne, cette dame exceptionnelle, qui a fait le tour du monde, nous expose sa vision des femmes de la région. Comment en est-elle arrivée à fonder V-day Karama et le Fonds arabe pour les femmes ? « Je suis active dans les mouvements de femmes tout autour du monde, explique Hibaaq Osmane. J’ai travaillé avec des femmes japonaises, coréennes, africaines, arabes… J’ai remarqué que quand on parlait de violence contre la femme, on tenait surtout compte des abus physiques, des abus mentaux, etc. Mais il y a un autre fait, c’est que les femmes forment la majeure partie des couches les plus pauvres de la société. Il faut donc attirer l’attention sur la violence culturelle, clanique, religieuse, la loi qui ne les protège pas, la violence économique, quand elle n’a pas accès à l’éducation, ni aux opportunités. Tout cela affecte les femmes. Or la femme est le cœur de la société. Tant qu’elle est en difficulté et qu’elle n’est pas soutenue, la société sera dans un état similaire et ne connaîtra pas le développement. » Est-ce un argument porteur dans une société machiste ? « C’est un préjugé que d’exclure l’homme quand on parle des femmes, répond-elle. La femme, c’est la mère, la sœur, l’épouse… Quel homme irait à l’encontre d’une telle idée quand c’est une femme qui l’a mis au monde ? Le cliché qui dit qu’investir dans la femme, c’est investir dans la communauté, est tout à fait exact. » Elle insiste sur le fait qu’« un homme qui bat une femme est essentiellement faible et non pas fort comme on pourrait le croire, il se venge sur elle de tous ses échecs ». C’est cette réalité qui lui a donné une vision de « Karama » (« dignité » en arabe), la branche arabe de V-day international (qui veut dire « le jour où la violence disparaîtra »). « Quand elle est victime de violence, une femme est privée de sa dignité, précise Hibaaq Osmane. La pauvreté est également un facteur. Voilà pourquoi, dans notre façon d’aborder la cause des femmes, nous n’aimons pas les victimiser. Nous les considérons comme un groupe puissant bien au contraire. Les femmes deviennent puissantes par nécessité, c’est la vie qui le leur apprend, pas parce que quelqu’un vient les former un beau jour. La femme est très forte à la gestion des crises, comme on le sait bien dans les régions qui ont connu des conflits. » Mais cette puissance dont elle parle reste sous-estimée dans les pays arabes. « Ce n’est pas vrai, la situation des femmes ne diffère pas tant que ça dans les pays du monde, affirme Hibaaq Osmane. On dit que la femme occidentale a plus de droits, mais cette idée est à nuancer. Elle est plus protégée, c’est tout. Et la protection est disponible à celles qui y ont accès. Notre problème, c’est que nous ne consacrons pas de ressources pour créer des cliniques ou des abris pour que des femmes victimes de violences puissent y avoir recours. Il y a de bons groupes comme “Kafa” au Liban par exemple, mais il faut toujours chercher les ressources ailleurs. » V-day Karama est donc, pour sa fondatrice, un espace de réflexion, pour venir en aide aux femmes non en leur imposant un agenda, mais en soutenant leur agenda propre. « Mais on ne peut faire cela qu’en injectant des ressources dans leurs projets, dit-elle. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai fondé le Fonds pour les femmes arabes. Je mets à profit mon expérience, j’ai autour de moi des personnes éduquées, motivées, formées et un réseau d’organisations dans tous les pays arabes. Souvent, pour obtenir un financement, la femme doit écrire des propositions, et si le bailleur de fonds est une organisation étrangère, il faut donc le faire dans une autre langue. Les seules qui peuvent s’en sortir sont les citadines. Or, le Fonds arabe permettra aux femmes de faire des propositions dans leur propre langue, et sera accessible à toutes. » Hibaaq Osmane précise que le lancement du Fonds a été très récent. D’où obtiennent-ils le financement ? « Nous espérons avoir le soutien d’individus, d’artistes, de donateurs, bref des dons, précise-t-elle. Nous n’avons pas encore collecté des fonds, mais nous sommes sur la bonne voie. » Comment en est-elle arrivée là ? « En étant une femme, tout simplement, répond-elle. Je ne peux pas dire que j’ai eu des problèmes insurmontables, j’ai été, au contraire, privilégiée. Mais toutes mes actions sont inspirées d’histoires vécues autour de moi. Les pays arabes sont plus ou moins avancés sur ce plan, mais nous devons tous travailler ensemble, surtout qu’il y a des femmes extraordinaires dans la région. C’est ce que fait Karama, rassembler les potentiels régionaux, pour changer l’image de la femme arabe. » Souraya al-Arrayed : «Une éducation sans discrimination » Poète, écrivain, journaliste, présidente de l’Association pour les médias et la communication en Arabie saoudite, Souraya al-Arrayed est une femme enjouée, clairement fière de ce qu’elle est et de ce qu’elle a accompli. Quelles sont les priorités actuelles dans la lutte pour les droits des femmes en Arabie saoudite ? « La réponse à cela ne peut que rester vague, souligne Souraya al-Arrayed. En gros, nous travaillons pour que la présence des femmes soit plus efficace, plus marquée, qu’elles aient accès à plus d’occasions. Mais ces revendications restent accompagnées d’une volonté de préserver un certain équilibre social afin d’éviter les réactions trop négatives de la part de certains groupes sociaux. » Dans quelles conditions travaillent-elles donc ? « Le plus important, c’est que les initiatives de revendication des droits peuvent compter dorénavant sur un appui officiel, souligne-t-elle. Cela donne à la femme une protection, même si la société reste récalcitrante par ailleurs. Cela lui évite surtout de prendre peur et de revenir au point de départ dès le début de la route. Nous travaillons à convaincre les familles que c’est un processus naturel et positif, qui est appuyé par les décideurs. » Comment éduquer la femme au concept que l’acquisition de ses droits n’est pas une complaisance qu’on lui accorde (comme cela a été évoqué dans plusieurs allocutions au cours du forum) ? « Je suis personnellement convaincue que toute personne des deux sexes doit jouir des mêmes droits, et que seule la compétence doit être récompensée, estime-t-elle. Il est évident que la société n’est pas habituée à cette idée, ayant traditionnellement confiné la femme dans l’univers du foyer. Nous ne sommes pas encore au même point que l’Occident, bien que beaucoup d’Occidentaux restent traditionnels par rapport à la répartition des rôles dans la famille. Dans la mentalité des femmes arabes, il existe toujours une ambivalence, entre l’image de celle qui attend le prince charmant et celle de la fille qui étudie, devient avocate, ingénieur, banquière… Cette seconde image ne s’est pas encore fixée dans tous les esprits. » Comment a-t-elle fait elle-même pour dépasser ces préjugés et réussir sa carrière ? Comment peut-on insuffler cette confiance à la femme arabe ? « Le point de départ, c’est invariablement l’enfance, raconte Souraya al-Arrayed. Quand j’étais enfant, je me suis rapidement distinguée, et mes parents m’ont encouragée dans la voie des études, de l’intelligence, de l’excellence. J’ai obtenu des prix scientifiques et académiques. Cela a imprégné mon esprit de l’idée que la femme peut être destinée à de grandes choses, non seulement la beauté, le maquillage, les habits. Elle peut participer à une conférence et éclipser un autre participant, ou du moins apporter une contribution précieuse. Par conséquent, je pense que les méthodes d’éducation doivent être remises en question dans nos pays en vue d’arrêter la discrimination entre garçons et filles au cours des expériences qu’ils traversent. Pourquoi le garçon doit-il jouer à la voiture et la fille à la poupée ? Pourquoi les deux ne joueraient-ils pas à tous les jeux ? Cette acquisition de la confiance commence dès l’enfance. » Quelle serait sa principale recommandation à ce forum ? « J’aimerais qu’on garde les questions qui me tiennent à cœur, dit-elle. La modification des méthodes d’éducation en est une. Il faut aussi introduire dans l’éducation le concept des comportements adéquats entre les deux sexes, de manière à changer l’image de la femme, qu’elle ne soit plus simplement cette poupée, mais un être digne de respect, une véritable partenaire, qui assume les responsabilités et qui a des droits de citoyen à part entière. » Cela implique donc de changer des lois ? « Certainement, assure Souraya al-Arrayed. Pourquoi l’homme a-t-il le droit, à titre d’exemple, d’octroyer sa nationalité à son épouse étrangère et à ses enfants, et pas la femme à sa famille ? La question est actuellement sous étude en Arabie saoudite, du moins pour les enfants. » S.B. Sandra Cioffi : « L’égalité au sein de la famille » Nada MERHI Sandra Cioffi a participé à toutes les étapes du processus d’émancipation de la femme italienne. Elle conseille aux femmes arabes de « dresser une politique de globalisation des bonnes pratiques » comme premier pas pour l’obtention de leurs droits. Ex-parlementaire italienne, faisant partie de plusieurs associations féministes, Sandra Cioffi a beaucoup lutté pour l’émancipation de la femme dans son pays. Originaire de Naples, au sud de l’Italie, elle relève les ressemblances entre la femme de son pays et la femme libanaise, appelant cette dernière à « avoir confiance en elle-même » pour pouvoir s’imposer. « C’est après la Seconde Guerre mondiale que la femme italienne a fait ses premiers pas dans le monde politique, en votant pour la première fois en 1946 », explique Sandra Cioffi, première femme à être élue au sein du conseil municipal de sa ville natale, en 1980. L’ancienne parlementaire avoue avoir vécu toutes les périodes par lesquelles est passé le processus de l’émancipation des femmes de son pays, allant de la promulgation de la loi des familles et de la loi contre la violence jusqu’à son élection au sein de l’Assemblée nationale, qui est actuellement constituée de 20% de femmes. « Ce taux a été réalisable parce que nous avons construit une culture de la parité au sein même des partis, souligne-t-elle. Nous avons ainsi réussi à mettre les femmes dans des postes de décision à l’intérieur des partis, des municipalités, etc. » Elle estime ainsi que, dans certaines sociétés, la loi des parités ou le quota « est nécessaire pour balancer la situation », parce que malgré « le haut niveau culturel des femmes (en Italie, 54 % des femmes ont suivi des études universitaires) et la féminisation des professions », rarissimes sont celles qui, en Italie à titre d’exemple et ailleurs, occupent des positions de leadership. « Nombreuses sont les femmes dans cette partie du monde, mais chez nous aussi, qui ne peuvent pas avancer dans leur carrière à cause de leur statut de mère, de femme mariée, etc., d’où la priorité donnée par notre gouvernement à une politique de conciliation entre la vie privée et la vie professionnelle afin de trouver un équilibre entre les femmes et les hommes », indique Sandra Cioffi, expliquant qu’il s’agit également d’une politique européenne. S’étalant sur les mesures prises pour permettre à un plus grand nombre de femmes d’avoir leurs petites entreprises, l’ancienne députée insiste par ailleurs sur le travail effectué par les commissions des parités pour introduire des programmes de formation dans les écoles et les universités. « L’éducation doit être toutefois accompagnée d’une démarche législative pour réussir, note-t-elle. Mais je pense que la femme doit avoir toujours plus confiance en elle-même. » Comment lui donner cette confiance dans des pays où ses droits sont bafoués ? « Les forums, comme celui tenu à Beyrouth, sont importants parce qu’il est essentiel de dresser une politique forte de globalisation des bonnes pratiques, répond-elle. Nous pourrons ainsi accorder notre aide à celles qui ont des problèmes. Je trouve que la solidarité entre des pays et des cultures aussi différentes est importante à ce niveau. Nous aussi femmes italiennes sommes différentes des autres femmes dans les pays européens. Mais nous nous sommes beaucoup inspirées de leurs bonnes pratiques pour améliorer les choses dans notre pays. Je pense que les femmes dans les pays arabes doivent faire la même chose. » « Les femmes sont un capital endormi, poursuit Sandra Cioffi. Les femmes constituent la majorité de la population. Elles sont une ressource humaine et économique. On ne peut pas continuer à les ignorer. Et, à mon avis, la révolution la plus merveilleuse a été celle des droits de la femme. » Comment peut-on transposer l’expérience italienne au Liban ? « La loi des familles est importante pour sauver les droits de la femme, indique-t-elle. Nous avons lutté beaucoup au sein de notre société pour la promulguer. En Tunisie et au Maroc, on œuvre en ce sens. J’ignore ce qui en est du Liban. Je suis italienne et, tout comme au Liban, nous accordons une importance majeure à la famille. Mais l’égalité entre l’homme et la femme au sein de la famille est toute aussi importante. » Et de conclure : « Chaque pays doit vivre cette expérience de lui-même, sauf en ce qui concerne les droits fondamentaux. Et les droits fondamentaux de la femme sont le respect de sa personne. L’éducation et la promulgation des lois sont très importantes. De même, les médias ont un rôle à jouer en reflétant la réalité de la situation des femmes dans leurs pays respectifs. Pour ce qui est du Liban, vous pouvez voir ce que nous avons fait dans notre pays au niveau des législations et chercher à trouver quelque chose. De plus, la solidarité entre les femmes qui font la politique est aussi importante. » Ni Putes ni Soumises : Le Sud réveillera-t-il le Nord ? May MAKAREM Créé en France en 2003 pour lutter contre les violences faites aux femmes issues de l’immigration, le mouvement Ni Putes ni Soumises est devenu le fer de lance d’un combat féministe international qui a pour objectifs la liberté et l’égalité dans la mixité et la laïcité. Depuis la nomination de Fadela Amara secrétaire d’État chargée de la Politique de la ville dans le gouvernement Fillon, c’est Sihem Habchi, une petite brune de 33 ans, au regard direct et déterminé, qui est à la tête du mouvement Ni Putes ni Soumises (NPNS). Elle expose les points-clés du mouvement : lutter contre les violences faites aux femmes contre les atteintes à la mixité, contre le racisme, les exclusions, les communautarismes, l’obscurantisme et le relativisme culturel. « Nous vivons dans un pays où s’appliquent les mots liberté, égalité et fraternité. S’il y a des droits, ils sont à tout le monde ; et s’il y a des combats acquis, ils sont pour nous tous. Assez de justification de notre oppression au nom du droit à la différence. Ce droit ne peut être mué en différence des droits. Comment peut-on en Occident fermer les yeux devant les viols, les violences, les mariages forcés, devant la polygamie, l’excision, les discriminations, l’homophobie, les crimes d’honneur ? Faut-il respecter la différence de l’autre au détriment des droits de l’homme ? Est-ce une solution pour organiser une société paisible ? Acheter la paix sociale ? » martèle Sihem Habchi. Les conséquences en tout cas ont été dramatiques. Des femmes en sont mortes. « Sohane a été brûlée vive à Vitry-sur-Seine par son ex-fiancé. Fatimi a été assassinée par son père en Suède. Beaucoup d’autres ont disparu sous le joug des traditions archaïques et sous les actions extrémistes. Nous étions prises à la gorge. » En 2003, la marche des femmes des quartiers « contre les ghettos et pour l’égalité » a sillonné 28 villes françaises et a ouvert des débats publics au cours desquels les femmes, jusque-là claquemurées dans le silence, effrayées à l’idée de dénoncer leurs tortionnaires, se sont brusquement mises à parler, à dénoncer le machisme, l’inceste, les violences conjugales, les pressions patriarcales, à exprimer leur chagrin, leur douleur, leur dignité bafouée. « On a libéré la parole. Une dynamique a été lancée pour casser le ghetto et ses outils d’oppression, favoriser le dialogue, les prises de conscience et l’évolution des mentalités. Ces femmes, qui pensaient être condamnées à subir des brutalités toute leur vie, savent aujourd’hui que leur situation est anormale et qu’elles ont, en tant que citoyennes, des droits qui les protègent. » Membre consultatif du Conseil économique et social de l’ONU, le mouvement Ni Putes ni Soumises travaille avec des associations en Afrique et au Maghreb, et compte aujourd’hui des comités dans plusieurs pays européens (Suède, Allemagne, Italie, Belgique et Espagne) ainsi qu’aux États-Unis et au Canada. « Si les femmes arabes bougent, si elles arrivent à mettre en place une vraie organisation de lutte contre les violences et les injustices qui leur sont faites, on pourra franchir un grand pas. Ce serait même énorme pour le reste du monde. Le Sud réveillera peut-être le Nord. » La présidente du NPNS insiste sur le fait que la culture arabe et la religion musulmane ne sont en aucune manière assimilables à la violence. « C’est la société patriarcale (le machisme) qui instrumentalise la religion et nos différences, pour nous renvoyer à notre condition de femmes soumises et enchaînées (...) L’égalité des sexes n’est pas pour nous un combat accessoire. Nous luttons pour l’émancipation totale dans tous les domaines. » Sans jouer la carte de l’opposition et encore moins de la guerre des sexes, NPNS veut casser la marginalisation dont les femmes font l’objet. Elle prône une plus grande mixité dans les différentes branches professionnelles, ainsi que dans l’exercice du pouvoir qui reste un apanage masculin. « C’est tout simplement un modèle démocratique que nous demandons », conclut Sihem Habchi. Inas el-Deghidi : « La femme doit lutter pour obtenir ses droits » Son parcours fait couler beaucoup d’encre. On l’accuse de provocation et déplore son audace. La société la critique violemment et appelle cheikh al-Azhar à émettre une fatwa takfiriste à son encontre pour avoir déclaré, entre autres, qu’il est mieux pour la société de « légitimer la prostitution, que de la voir continuer à être pratiquée en catimini ». Depuis quelque temps, elle est dans le collimateur du mouvement fondamentaliste en Égypte. Mais rien ne pourrait entraver la volonté et la détermination d’Inas el-Deghidi, cinéaste égyptienne, à défendre publiquement les droits des femmes dans sa société. « On me critique violemment et on prend des positions virulentes à l’égard de mes idées et mes films, confie-t-elle. Mais rien ne m’arrêtera. Je suis quelqu’un d’honnête avec moi-même et avec ma société. Je suis fidèle à mes convictions. Je tiens à montrer la réalité de la société. Je ne tolère pas la schizophrénie de la société arabe et je refuse de me taire sur un grand nombre de problèmes que nous rencontrons. Il s’agit toutefois d’une position personnelle. Je ne représente aucun courant. Je suis indépendante. » Avec à son actif quinze films et plusieurs prix reçus dans le cadre de festivals arabes et internationaux, Inas el-Deghidi insiste dans ses œuvres sur les problèmes que rencontre la femme dans la société arabe, sur ses droits et l’injustice dont elle est victime. « Je suis attirée par ce genre de sujets que j’évoque sans pour autant prendre position contre l’homme, souligne-t-elle. Si je dramatise la situation dans mes films en paraissant critique envers l’homme, c’est pour mieux aider la femme à faire entendre sa voix. En effet, je suis convaincue que l’homme et la femme ne peuvent pas vivre l’un sans l’autre. » Idole de plusieurs jeunes filles et femmes égyptiennes, Inas el-Deghidi confie le rôle principal dans ses œuvres cinématographiques à des femmes, « quelle que soit l’histoire du film ». « C’est un grand changement dans la vision des films, indique-t-elle, parce que dans le cinéma en général, c’est l’homme qui est le principal acteur. Dans mes films, c’est tout le contraire. » Comment définit-elle l’émancipation de la femme ? « C’est la femme qui se libère elle-même par son attitude, par sa volonté et par la vision qu’elle a de son avenir, répond-elle. Elle doit savoir ce qu’elle veut faire de sa vie et avoir la détermination de le faire. C’est alors qu’elle pourra réaliser tout ce qu’elle veut et rien ni personne ne pourra l’arrêter. Parce qu’en fin de compte, la société, malgré les interdictions qu’elle impose, investit dans les femmes fortes, libérales et libérées pour donner une image plus belle et plus ouverte d’elle-même. » Issue d’un milieu conservateur et très pieux, Inas el-Deghidi avoue par ailleurs qu’elle ne peut pas abandonner sa religion. « Je ne peux pas en revanche suivre à la lettre les enseignements de la religion, souligne-t-elle. Je m’en inspire pour ma vie quotidienne. » Quel message aimerait-elle adresser à la femme ? « La femme doit être consciente que personne ne fera rien pour elle, insiste Inas el-Deghidi. Elle doit œuvrer et lutter pour obtenir ses droits. Je lui conseille surtout de poursuivre ses études, de se cultiver et d’être indépendante sur le plan financier. Ainsi, elle pourra, à travers son travail, imposer ses idées et ses convictions à la société. » N.M.
Au cours du Forum de la femme arabe qui s’est tenu les jeudi 23 et vendredi 24 octobre à l’hôtel « Phoenicia InterContinental », cinq femmes décrivent à « L’Orient-Le Jour » leurs expériences et leur vision de l’émancipation de la femme.

Hibaaq Osmane : « La femme
est le cœur de la société »


Suzanne BAAKLINI

Hibaaq Osmane est fondatrice de V-day...