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Actualités - CHRONOLOGIE

Les arts en fête La poésie en ce jardin…

Edgar DAVIDIAN Deux poètes et deux musiciens pour faire vivre les mots et les sons. De la musicalité de la langue arabe à celle du français, un flot d’images pour traduire la vie et ses visions multiples. La poésie en ce jardin, en ce soir d’octobre, sous les frondaisons d’un arbre centenaire… Petit cercle d’amis de la poésie devant la façade de la Villa rose au jardin de l’ESA. Buffet, drink et cacahuètes grillées pour une atmosphère cool et décontractée avant la performance de Abbas Beydoun, poète originaire de Tyr qui a déroulé le ruban de ses mots en dédiant ses premières rimes libres à sa ville natale au passé chargé d’histoire. Sous un ficus centenaire au tronc noueux, à l’allure d’une imposante sculpture patinée par le temps et par-delà la masse compacte et sombre d’arbres éclairés par des spots à la couleur verte, deux musiciens, Jan Schaaper (à la clarinette) et Sybille Schaaper (à la flûte traversière), au-devant d’une scène improvisée en plein air. Ils ouvrent la ronde des notes (petits extraits pour l’ensemble servant d’interludes entre deux poèmes, allant de Georg Bohm à Mozart, en passant par Rameau, Chédeville, Barre, Haydn, Fesch et Bach) avec une danse provençale, vive, animée et toute en douceur élégante. La voix bien posée, les cheveux d’un front dégarni un peu ébouriffés, le poète récite beaucoup plus qu’il ne déclame, en langue arabe, gutturale dans ses intonations dures et drues, une inspiration qui parle de tout ce que la mémoire engrange comme souvenirs, sensations, impressions, sentiments… Des bateaux en rade sur une mer turquoise (celle de Tyr aux camaïeux bleus uniques !) où les « jardins sont les compagnons de la mer » et où « les nuages de fleurs d’oranger accompagnent les voyageurs » aux « Impies de Paris », en passant par ce « chat nommé Nino, un chat de gouttière ramené dans un sac sans porter le nom de Samson, César, Abla et qui ne s’est pas jeté de la balustrade du sixième étage », à la « place de Potsdam où la haine est sans écharde et la terreur est un ange », la poésie est un flot de vocables et immense souffle de vie. Avec sa drôlerie, son humour, ses humeurs, ses angoisses, sa lumière, ses moments de doute, de crainte et d’abattement, mais aussi ses élans d’optimisme et d’espoir. La magie des mots Pour un lyrisme impétueux en langue arabe, la voix, retenue et sans emphase inutile, d’un poète qui croit ferme au pouvoir et à la magie des mots… Pour prendre le relais, dans un registre tout aussi lyrique mais plus contestataire, révolté, électrisé, rythmé, scandé, voilà du Sud du Liban jusqu’au Sud de la France, de Toulouse, la « ville rose » plus exactement, Serge Pey. Vêtu tout de noir, ce poète de cinquante-huit ans a le verbe vibrant et les images tranchantes. Une dualité qui en dit toujours plus long et plus loin qu’elle n’énonce… Premiers axiomes : « La poésie n’est pas une solution, une solution n’est pas la poésie. Une chaise n’est pas un homme assis, un homme assis n’est pas une chaise… » Et déferle un flot de vocables où des oliviers aux nuages des cieux, en passant par les tomates, les pommes, les étoiles, les oiseaux, tout l’attirail du Parnasse est subtilement utilisé, invoqué, pour émouvoir, sensibiliser, dénoncer, clarifier, expliquer, transcender… Une bacchanale déchaînée, un cycle irrépressible, une suite discontinue de phrases assassines qui interpellent. Des phrases qui donnent à réfléchir : « Tout poète écrit sur deux feuilles qui le séparent… L’expérience est une lanterne qu’on porte sur le dos et qui éclaire le chemin qu’on vient de traverser… L’homme et l’oiseau se rejoignent dans l’infini… L’avenir est une forme de souvenirs… Nous laissons des traces plus grandes que nos pieds… Nous avons le droit au vol pour restituer ce que vous avez volé… » Pour accompagner ce torrent tumultueux de verbe entre le visible et l’invisible, entre justice et équité, entre réel et imaginaire, la présence d’une jeune femme, Chiaras Mulas, au geste précis et un peu emphatique. Rituel et hiératisme pour donner aux mots une seconde vie, une vie parallèle. Des tomates écrasées sur fond de musique tibétaine ou bouddhiste, des pommes soigneusement découpées, un saut d’eau avec une éponge (bien sûr l’éponge s’alourdit de toute goutte d’eau qu’elle absorbe goulûment) pour injecter du sang neuf aux mots que le vent de la nuit happe voracement et tendrement sous son manteau de velours… La poésie est ici bilingue et ouverte à tous les vents. Des murmures de l’émotion aux cris de la colère contre une société aveuglément consumériste, le mot s’infiltre, en toute franche liberté, sans permis de séjour ou de dire, comme une eau de source, dans tous les interstices des souvenirs et du quotidien. La poésie comme état de purification et incantation absolue.
Edgar DAVIDIAN


Deux poètes et deux musiciens pour faire vivre les mots et les sons. De la musicalité de la langue arabe à celle du français, un flot d’images pour traduire la vie et ses visions multiples. La poésie en ce jardin, en ce soir d’octobre, sous les frondaisons d’un arbre centenaire…
Petit cercle d’amis de la poésie devant la façade de la Villa rose au...