Les jeunes juifs mobilisent leurs aînés en faveur d’Obama

« Qu’y a-t-il de commun entre un jeune Noir et un retraité juif ? L’amour des survêtements, des Cadillac et des bijoux » : une actrice comique américaine juive appelle les jeunes juifs à convaincre leurs grands-parents de voter pour le démocrate Barack Obama. Face à la prépondérance du candidat républicain John McCain dans des régions- clés pour la présidentielle comme la Floride, Sarah Silverman a recours aux blagues pour que les jeunes fassent « le grand Schlep » (voyage) et rallient leurs aînés conservateurs à la cause démocrate. Dans un sketch sur le site www.greatschlep.com, vu par 7 millions d’internautes, l’actrice énumère ainsi les similitudes entre un Noir et un retraité juif : « Les Noirs disent “yo”, et les juifs qui lisent de droite à gauche disent “oy”. » Les juifs américains votent traditionnellement massivement démocrate, mais l’arrivée d’un Noir dans la course a modifié les intentions de vote de certains, et Barack Obama n’a que 60 % de soutien dans la communauté, contre environ 75 % pour le démocrate John Kerry en 2004. Dans un scrutin au coude-à-coude, cette différence compte, surtout en Floride, un État crucial pour John McCain, où environ 5 % de l’électorat est juif. « Si Barack Obama ne devient pas le prochain président des États-Unis, j’en tiendrai les juifs pour responsables », annonce, impassible, Sarah Silverman sur la vidéo postée sur le site. Selon les experts, les juifs conservateurs n’aiment pas Barack Obama à cause de la couleur de sa peau et de ses approches modérées en politique étrangère. Sa position vis-à-vis de l’Iran, ennemi juré d’Israël avec qui il accepterait de dialoguer sous certaines conditions, est particulièrement critiquée. Le candidat démocrate souffre également de son nom exotique ainsi que de l’effet persistant d’une campagne de dénigrement de la part d’opposants qui insinuent qu’il pratique l’islam en secret. « Savez-vous pourquoi vos grands-parents n’aiment pas Barack Obama ? » demande Mme Silverman. « Parce que son nom fait peur, il sonne musulman, ce qu’il n’est évidemment pas », dit-elle. Lors d’une soirée de collecte de fonds organisée récemment par de jeunes juifs aisés de New York, des comédiens se sont livrés à des attaques très virulentes contre le camp républicain. « Si vous dites trois fois Cindy McCain, elle sort du miroir et retient votre âme dans un de ses multiples colliers de diamants », dit Jenny Slate, qui conclut que l’épouse du candidat républicain est une sorcière. Montant ensuite sur scène, Seth Herzog revient à M. Obama : « Si vous ne savez rien de lui, il y a au moins une chose que vous devez savoir, c’est qu’il n’est pas arabe, il est noir, mesdames et messieurs ! » Le « grand Schlep » a eu plus de succès médiatique que d’influence sur le terrain. Jusqu’ici, seul 100 jeunes juifs ont fait le voyage en Floride et cent autres sont allés dans d’autres États. Toutefois, plusieurs centaines d’autres doivent encore partir, dit un des organisateurs, Mik Moore, du Conseil juif pour l’éducation et la recherche. « Tous ces efforts s’additionnent », ajoute-t-il. Arlynn Greenbaum, 59 ans, agent littéraire à New York, dit que sa mère de 81 ans qui vit en Floride est un exemple typique. « Elle ne fait pas confiance à Obama. Nous avons des discussions, qui tournent aux hurlements parfois. Finalement, dimanche dernier, pendant notre coup de téléphone hebdomadaire, elle a fini par me dire : “D’accord, je vais voter pour Obama”. » « Mais sait-on jamais avec les grands-parents juifs ? Ils peuvent être sournois et mentir », conclut Joshua Neuman, éditeur du magazine Heeb.