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Actualités - CHRONOLOGIE

Rentrée littéraire La chronique du temps qui passe de Jean-Paul Enthoven

Colette KHALAF « Ce que nous avons eu de meilleur » (Grasset) de Jean-Paul Enthoven fait revivre un palais baptisé « La Zahia » (La joie) dans le Maroc romantique. Un doux récit aux effluves de citronniers. Au rythme de la musique des muezzins et des confessions faites à un interlocuteur (fantôme), les histoires d’amour et d’amitié sont tissées sur le fil (vaporeux) des pages, en se teintant toutefois de gravité. Conseiller éditorial de l’hebdomadaire Le Point où il publie notamment des critiques littéraires, Jean-Paul Enthoven croque un tableau nostalgique sur la trame du temps qui passe. Dans La Zahia, palace qui abrite des visiteurs issus d’une classe privilégiée et venus de tous pays, vivants et esprits se côtoient en harmonie. Le titre renvoie à la dernière phrase du roman de Flaubert l’Éducation sentimentale lorsque Frédéric Moreau, vieilli et blasé, repasse avec un ami leurs deux vies d’hommes souillées dans les compromissions de l’amour et de l’ambition. Ils avisent tout à coup dans leurs souvenirs l’épisode de la visite au bordel de la Turque et, après avoir évoqué ce fiasco, concluent par ce mot de la fin (qui est la fin du livre) : « C’est là ce que nous avons eu de meilleur ! » dit Frédéric. « Oui, peut-être bien ? C’est là ce que nous avons eu de meilleur ! dit Deslauriers. » Il ne s’agit donc pas du rêve de l’expérience érotique (qui n’a en fait pas eu lieu), mais le souvenir qui en reste. Saudade et spleen… C’est de cet univers « flaubertien » que découle l’ouvrage d’Enthoven aux couleurs de romantisme du XIXe siècle, mais également de modernité. Comme dans un grand bal du siècle dernier, hommes politiques et d’affaires, grands couturiers, artistes, mondains évoluent sur la scène de son roman. Que ce soit les personnages nommés comme les Getty, propriétaires des lieux, ou Alain Delon (relégué au rang de « second rôle ») ou encore les profils reconnaissables mais non nommés comme Bernard Henry Lévy et Arielle Dombasle, la chronique par instants « people », mais à d’autres passéiste, évoque également par touches discrètes la montée du fanatisme, hors les murs. Où se trouve la ligne séparatrice entre la fin de la jeunesse et le reste de la vie ? se demande Enthoven. Et même si La Zahia apparaît sous sa plume comme un rempart contre le temps, l’auteur doit pourtant se rendre à l’évidence qu’elle n’est pas imperméable à la vieillesse, « le seul ennemi ». Cette chronique au style raffiné et « dandy » traduit une grande mélancolie, un spleen ou encore cette saudade évoquée par Jean-Paul Enthoven, à comprendre dans la culture brésilienne, « le souvenir d’avoir connu le bonheur dans des époques lointaines qui ne reviendront plus et la mélancolie qu’on en éprouve ».
Colette KHALAF

« Ce que nous avons eu de meilleur » (Grasset) de Jean-Paul Enthoven fait revivre un palais baptisé « La Zahia » (La joie) dans le Maroc romantique. Un doux récit aux effluves de citronniers.
Au rythme de la musique des muezzins et des confessions faites à un interlocuteur (fantôme), les histoires d’amour et d’amitié sont tissées sur le fil (vaporeux)...