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Actualités - OPINION

Ce que McCain et Obama négligent Par Peter SINGER

Barack Obama, qui a travaillé pendant trois ans comme assistant social à South Side, un quartier défavorisé de Chicago, est parfaitement au courant de la pauvreté réelle qui sévit aux États-Unis. Il sait que 37 millions de personnes sont pauvres dans l’un des pays les plus riches du monde, une proportion bien plus élevée que dans les prospères nations européennes. La campagne présidentielle d’Obama a pourtant mis l’accent sur la classe moyenne et les réductions d’impôts, contournant la question de savoir ce qui pourrait être fait pour réduire la pauvreté. Ce n’est pourtant pas qu’Obama manque d’idées pour venir en aide aux plus démunis. Sur son site Web, cliquez sur « The Issues » (les questions), puis sur « Poverty » (pauvreté). Vous y trouverez une série de propositions sérieuses allant du relèvement du salaire minimum à la mise en œuvre de quartiers modèles visant à transformer des zones urbaines défavorisées, caractérisées par leur pauvreté et une faible scolarité, en fournissant des services comme des crèches et des maternelles et une prévention de la criminalité ; (allez sur le site de John McCain, et vous n’y trouverez même pas la rubrique « pauvreté » – alors que le point « programme spatial » y figure). Pourquoi donc Obama ne parle-t-il pas d’une question qu’il connaît bien mieux que son adversaire et pour laquelle il propose également de meilleures solutions politiques ? Peut-être parce que les votes des pauvres ne comptent pas vraiment, ou qu’ils votent démocrates de toute façon. Ses aides lui ont aussi probablement dit que les électeurs des classes moyennes seront plus séduits par des incitatifs financiers que par des discours sur les pauvres des États-Unis. Si les Américains pauvres ne comptent guère dans les préoccupations des électeurs, il ne faut pas s’étonner que les pauvres ailleurs dans le monde soient pour ainsi dire invisibles. Une fois de plus, Obama a à la fois les antécédents – ses liens familiaux au Kenya – et une politique prometteuse pour accroître l’aide extérieure des États-Unis, à hauteur de 50 milliards de dollars d’ici à 2012, pour stabiliser des États défaillants et apporter une croissance durable au continent africain (de tous les pays donateurs de l’OCDE, la Grèce est actuellement le seul à consacrer à l’aide extérieure une proportion de son PIB moindre que celle États-Unis). Mais à la question de savoir comment une administration démocrate gérerait les conséquences du plan de sauvetage de 700 milliards de dollars de Wall Street, posée lors du débat avec sa contrepartie républicaine Sarah Palin, la seule proposition spécifique du colistier d’Obama, Joe Biden, a été de concéder que la crise obligerait sans doute Obama à revenir sur sa promesse de doubler l’aide extérieure. De son côté, McCain n’a jamais avancé de chiffres précis concernant l’aide extérieure des États-Unis. Les deux candidats parlent des soldats américains morts en Irak, mais bien moins d’attention a été donnée aux victimes civiles de la guerre. Lors du débat avec Biden, Palin a critiqué Obama pour avoir dit, selon elle, que « tout ce que nous faisons en Afghanistan est de bombarder des villages et tuer des civils ». Elle a qualifié ces commentaires d’« irréfléchis » et de « faux » parce que « ce n’est pas ce que nous faisons là-bas. Nous luttons contre des terroristes et défendons la démocratie ». Il est bien évident que ce n’est pas tout ce que font les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN en Afghanistan, et si Obama le sous-entendait, son propos était malheureux. Toutefois, les attaques de Sarah Palin contre Obama ont ceci d’extraordinaire que malgré sa défense passionnée du droit à la vie, elle ne juge pas utile de mentionner ou de déplorer le nombre important de victimes civiles lié aux frappes aériennes américaines en Afghanistan. Hamid Karzaï, le président afghan, a protesté à plusieurs reprises contre les frappes aériennes, et dernièrement contre le bombardement d’un village qui aurait causé la mort de 95 personnes, dont 50 enfants. Le sujet éthique le plus porteur de cette campagne électorale a été celui du changement climatique. À ce propos, les objectifs des deux candidats sont à peu près identiques : ils soutiennent tous deux un système d’échange des crédits de carbone pour permettre de fortes réductions des gaz à effet de serre d’ici à 2050. Obama souhaite une réduction de 80 pour cent et McCain de 66 pour cent, mais comme le prochain président n’exercera plus son mandat en 2016 au plus tard, la différence est hors sujet. Il est intéressant de noter que l’une des questions éthiques ignorée par les candidats a pourtant la capacité de mobiliser les électeurs. Un groupe appelé « Defenders of Wildlife » a fait diffuser une publicité montrant Palin défendre sans équivoque la pratique de tirer sur des loups depuis des hélicoptères. Une enquête menée auprès d’électeurs républicains, démocrates et indépendants a montré que les téléspectateurs ayant vu cette publicité tendent à donner leurs faveurs à Obama. Selon Glenn Kessler, le dirigeant de l’institut de sondage HCD, qui a mené l’étude conjointement avec le Muhlenberg College Institute of Public Opinion, alors que les publicités récentes des deux camps n’ont eu que peu d’impact sur les électeurs, « cette publicité est la première depuis un mois qui semble avoir une incidence ». Dans la même veine que les conclusions de l’enquête, un scrutin historique qui doit avoir lieu en Californie sur l’interdiction du confinement cruel des animaux dans les fermes d’élevage intensif, notamment des poules en batterie, semble également bénéficier d’un fort soutien du public. © Project Syndicate, 2008. Traduit de l’anglais par Julia Gallin.
Barack Obama, qui a travaillé pendant trois ans comme assistant social à South Side, un quartier défavorisé de Chicago, est parfaitement au courant de la pauvreté réelle qui sévit aux États-Unis. Il sait que 37 millions de personnes sont pauvres dans l’un des pays les plus riches du monde, une proportion bien plus élevée que dans les prospères nations européennes. La...