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Salon du livre Les quartiers de plaisirs de Mexico et Bogota Edgar DAVIDIAN

Roman plein de couleurs, de saveurs, de sons, de parfums et de poussière, avec une galerie de personnages excentriques et extravagants que celui de l’écrivain Sami Tchak, qui décrit une Amérique latine surréaliste à force de réalisme violent. Pour son cinquième roman Filles de Mexico (Mercure de France, 180 pages), présenté dans le cadre du Salon du livre francophone 2008 à Beyrouth, l’écrivain franco-togolais Sami Tchak a opté pour un univers onirique et baroque. Un univers certes bigarré, mais jailli d’un réalisme cru, pour parler des damnés de la terre, dans une infernale ronde aux quartiers de plaisirs entre Mexico et Bogota. Pour ce sorbonnard aux études oscillant entre sociologie et philosophie, l’écriture est un foisonnement d’images, de sons, de parfums, d’odeurs, de couleurs, où les êtres vivent comme dans une redoutable jungle au désordre naturel, étonnamment féroce et luxuriante. Dans un roman polymorphe entre « une ville cruelle » et « une ville qui ne meurt pas », l’Amérique latine est brossée avec une remarquable virtuosité de portraits de personnages « marqueziens » et de situations savoureuses et poignantes, à la fois délirantes et cocasses. Tragi-comédie pour un improbable chassé-croisé (comme seul l’écheveau des parcours humains en a d’ailleurs le secret) pour cette fiction bouillonnante de vie où découvrir le Mexique et la Colombie semble les préoccupations fondamentales d’un brillant romancier doublé d’un méticuleux sociologue. Trame à la fois simple et complexe pour Djibril Nawo, écrivain français d’origine togolaise (bien entendu parfait alter ego de l’auteur), à la peau couleur chocolat, qui suscite mépris chez les uns et fascination chez les autres en déambulant dans les rues de Mexico. Des bas-fonds aux quartiers huppés, des quartiers chauds où sévissent les filles de joies aux zones chics avec une faune interlope, le pouls de la vie a la même ivresse, la même impunité, la même insolence, la même voracité, la même rapacité, la même urgence… Pour cette hasardeuse et dangereuse pérégrination en dents de scie, rencontres avec des «trimardeuses », des « respectueuses », des jumelles de la bourgeoisie colombienne, une poétesse délurée et quasi théâtrale (attachante et imposante figure féminine que celle de Deliz Gamboa), un étrange patron de bistrot, sans parler de tous ces enfants des bidonvilles, hâves, déguenillés et aux regards tristes. Rencontres fortuites, ubuesques, rocambolesques, touchantes, caricaturales (et pourtant si vraies dans le quotidien des pouilleux sans ressources) pour rendre compte de la misère humaine, des monstruosités (parfois comme dans une hallucinante cour des miracles) des mégalopoles aux habitants incroyablement désemparés, écrasés, démunis… Des fantômes dans un monde de vivants ou l’inverse ? Difficile de trancher devant ces pages grouillantes de conflits, de désirs assumés ou rejetés, d’ambiguïté entre corruption, mensonge et sincérité, de sensations et sentiments aux tons saumâtres… Avec des moments où pointent quand même le sens de l’élévation et l’ambition de dépasser des frontières qui anéantissent… Infimes tentatives vite gommées par la déferlante des violences insoutenables… Univers presque fantasmagorique où s’affrontent et se déchirent classes sociales et rivalités raciales sur fond de troublantes approches sexuelles. Devant tant de misère noire, tant d’onirisme baroque, tant d’ivresse dans la liberté, tant de couleurs si ouvertement criardes, on serait tenté de crier à l’excès… Mais comme en Orient, l’Amérique latine et l’Afrique ont certainement la violence des couleurs, des odeurs, de la lumière, de la sensualité, de l’imaginaire… Et c’est tout cela que traduit, dans une verve truculente et sans voile, issue des deux continents, le roman de Sami Tchak, avec une langue française drue et aux diaprures corsées. * L’auteur sera présent au Salon du livre francophone de Beyrouth du 23 au 27 octobre. Il donnera, avec Malek Chebel et Laurent Badaoui, du Mouvement social, une conférence sur l’esclavage moderne le dimanche 26, à 16h00, à la Salle Georges Schéhadé. Une signature de l’ouvrage suivra la conférence.
Roman plein de couleurs, de saveurs, de sons, de parfums et de poussière, avec une galerie de personnages excentriques et extravagants que celui de l’écrivain Sami Tchak, qui décrit une Amérique latine surréaliste à force de réalisme violent.
Pour son cinquième roman Filles de Mexico (Mercure de France, 180 pages), présenté dans le cadre du Salon du livre francophone 2008...