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Actualités - CHRONOLOGIE

Théâtre Prendre le parti d’en rire Maya GHANDOUR HERT

« Sharon and my Mother-in-law » (Sharon et ma belle-mère), comédie noire inspirée de l’ouvrage éponyme de Souad Amiry, joue de l’efficacité des travaux simples, vrais, propres, efficaces. Une adaptation, en anglais, de Afaf Chawwa Bibi, mise en scène par Hassan Preisler et dramaturgie de Razanne Carmey. * Voilà une pièce de théâtre qui porte indubitablement le drapeau de toute une (ou peut-être même plusieurs) génération(s) de Palestiniens ayant vécu l’occupation, les exils, l’absurdité des lois sur les territoires occupés, la nostalgie de la terre natale. Bref, de tout ce qui se rapporte, de près ou de loin, à cette identité tellement recherchée, rêvée, « utopisée ». L’adaptation théâtrale de Afaf Chawwa Bibi nous ramène au livre de Souad Amiry. Il est bon de rappeler que Sharon and My Mother-in-law raconte les péripéties de son auteure, professeur d’architecture à l’Université de Bir Zeit. La narratrice, de mère syrienne et de père palestinien, a passé son enfance entre Amman, Damas, Beyrouth et Le Caire. Fondatrice et directrice du Centre Riwaq qui s’occupe de préserver le patrimoine culturel palestinien. Elle raconte alors son expérience, ses malheurs, ses périples et les dangers de l’occupation par Tsahal d’une partie de la bande de Gaza entre le 17 novembre 2001 et le 26 septembre 2002.  Amiry n’expose pas le sang et l’horreur rôdant dans les parages, mais sa vie quotidienne de Palestinienne bloquée dans Ramallah assiégée par les chars israéliens. Entre le rire et les larmes, elle nous donne ses recettes pour masquer le danger et refouler la peur : l’humour, le courage, l’émotion. Afaf Chawwa Bibi a voulu adapter sur scène cette voix unique, ce geste littéraire inhabituel qui, en quelques pages éclatantes d’humour et de lucidité politique et sentimentale au vitriol, a bousculé ses lecteurs. Tout en conservant l’âme du livre, Chawwa Bibi (qui prend également le rôle de Souad dans la pièce) a réussi à trouver un autre style de narration, à créer de nouvelles scènes. On est touché par la personnalité mélancolico-ironiquo-frondeuse de Souad, on applaudit le jeu de la sympathique Carole Ammoun, ainsi que de l’ensemble des acteurs qui possèdent une élocution juste, compréhensible même lorsqu’ils adoptent l’accent « israélisant » des soldats du Tsahal. Voilà donc une manière originale de raconter les événements dramatiques (auxquels les Libanais peuvent également et malheureusement s’identifier), d’observer les accidents et folies de l’occupation et de prendre le parti d’en rire. Sans faire l’impasse sur les ravages de l’occupation israélienne avec son lot d’intolérances et d’arrestations. Bien enlevée, bien jouée, dynamique, relativement courte, sa réussite tient en grande partie à cette alternance entre le dôle et le poignant, l’éducatif et le captivant. Dans le livre, en s’adressant aux Israéliens, Amiry dit qu’elle ne sait pas si un jour elle sera capable de leur pardonner un couvre-feu de 42 jours consécutifs, mais ce dont elle est sûre, c’est qu’elle ne réussira jamais « à digérer le fait qu’ils l’aient contrainte à vivre avec sa belle-mère un enfer qui, pour elle, dura 42 ans ! ». Les coups bas de Sharon et de son gouvernement finissent ainsi par faire un tout avec le tempérament d’une belle-mère insolente, avec qui l’auteure est obligée de subir un involontaire tête-à-tête de 42 jours. On est immédiatement séduit par l’authenticité des propos tenus, de ces – en apparence futiles – anecdotes, en fait chargées d’histoire, et l’absence totale d’ambiguïté quant aux sentiments voués par Souad Amiry à tout ce qui est de près ou de loin israélien. Ce refus, cette absence totale d’effort d’objectivité, a le mérite de la clarté et représente par ailleurs et très certainement la majorité des opinions palestiniennes. Tant le livre que la pièce, Sharon and my Mother-in-law, ont le mérite de nous détourner du chemin du sérieux – de l’interrogatoire fastidieux de l’aéroport israélien aux restrictions imposées par le couvre-feu en termes de confort et de sécurité, de l’obstination des Palestiniens à obtenir une carte d’identité à la manipulation psychologique des collaborateurs, de la destruction de monuments historiques, aux interminables check-points routiers…– pour nous inscrire dans un registre humoristique de légèreté (s’occuper malencontreusement de sa belle-mère, recevoir à toute heure des appels de proches du monde entier, réprimander les enfants qui font trop de bruit dans la rue)… Et si, pour une fois, en parlant de la « Nakba », nous prenions le parti (politique) de la dérision ? *Avec Afaf Chawwa Bibi, Carole Ammoun, Chadi Tarek, Layal Ghanem et Mike Ayvazian. Jusqu’au 26 octobre, à 19h00, au théâtre Monnot, rue de l’Université Saint-Joseph, Achrafieh. Informations et réservations au 01/202422, après 15h00.
« Sharon and my Mother-in-law » (Sharon et ma belle-mère), comédie noire inspirée de l’ouvrage éponyme de Souad Amiry, joue de l’efficacité des travaux simples, vrais, propres, efficaces. Une adaptation, en anglais, de Afaf Chawwa Bibi, mise
en scène par Hassan Preisler et dramaturgie de Razanne Carmey. *
Voilà une pièce de théâtre qui porte indubitablement le...