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Actualités - CHRONOLOGIE

Société En Afrique, le phénomène de l’excision est en pleine mutation

Les mutilations génitales sont maintenant pratiquées sur des fillettes de zéro à cinq ans, alors qu’auparavant la tranche d’âge de 15-49 ans était la plus concernée. En Afrique de l’Ouest, la pratique de l’excision a changé : elle est devenue « clandestine et transfrontalière », révèle une étude sur cinq pays du Centre de recherche et d’intervention en genre et développement (Criged), une ONG basée à Ouagadougou. « Maintenant, ce sont les exciseuses qui se déplacent vers les familles installées dans un pays voisin ou bien ce sont les familles qui se déplacent vers les exciseuses avec leurs filles de l’autre côté des frontières », indique la directrice du Criged, la sociologue Nestorine Sangaré. « Il y a aussi des cas où c’est un déplacement concomitant des exciseuses et des familles pour aller dans un autre pays », souligne-t-elle. « À bien des égards, le Mali, qui n’a jusqu’à présent pas de dispositifs répressifs sur l’excision, reste un eldorado pour les adeptes burkinabè de la pratique (…) C’est par charrette ou avec tous les moyens de déplacement possibles que les filles burkinabè sont convoyées à la frontière vers les “ bourreaux ”au Mali », indique-t-elle. Mme Sangaré a dirigé une étude sur les pratiques transfrontalières de l’excision dans cinq pays (Burkina, Côte d’Ivoire, Ghana, Mali et Niger), qui a été présentée hier à une conférence sur ces mutilations sexuelles, en présence des Premières dames du Burkina Faso et du Niger. L’excision est pratiquée dans 28 pays africains, selon le Fonds des Nations unies pour les femmes (Unifem). Le taux de prévalence est de 49,55 % au Burkina Faso, 45 % en Côte d’Ivoire, 17 % au Bénin et 5 % au Niger. D’après cette étude, il existe des liens familiaux et culturels entre les communautés de part et d’autre des frontières favorisant la pratique transfrontalière de l’excision. Les communautés Peuls de Téra (Niger) et celles de Falangoutou au Burkina entretiennent ainsi de fortes relations de parenté qui imposent le respect strict des normes culturelles, dont l’excision des filles, souligne Mme Sangaré. Même constat chez les Lobi et Dagara, ethnies situées aux frontières entre le Burkina Faso, le Ghana et la Côte d’Ivoire. Autre changement, le rajeunissement de l’âge des filles excisées même si des femmes enceintes ou de jeunes mères continuent de se faire exciser dans certaines contrées comme dans l’Attakora (au nord du Bénin), explique la psychologue Élise Dossou, chargée des mutilations génitales féminines au ministère de la Famille et de l’Enfant au Bénin. L’excision est maintenant pratiquée sur des enfants de zéro à cinq ans, alors qu’auparavant la tranche d’âge de 15-49 ans était la plus concernée, selon elle. À l’exception du Mali, plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest ont adopté des lois répressives contre l’excision. Mais « dans les pays où il y a la loi, la clandestinité s’est installée. On ne peut pas avoir les chiffres réels sur l’excision », tempère Lamine Boubacar Traoré, coordonnateur du Projet de lutte contre la pratique de l’excision au ministère malien chargé de la Promotion de la femme, de l’enfant et de la famille. Selon lui, une loi répressive peut avoir des effets négatifs : « Si c’est puni, les gens se cachent et ils ne donneront plus de bons chiffres (…) De plus, quand il y a des complications liées à l’excision, on ne va pas à l’hôpital parce que le médecin peut vous dénoncer, alors que les complications sont courantes. » « La loi ne résout pas le problème. Il nous faut une stratégie qui englobe la loi, mais qui permette de porter secours aux victimes et d’avoir des données réelles sur le terrain », propose M. Traoré. Romaric Ollo HIEN (AFP)
Les mutilations génitales sont maintenant pratiquées sur des fillettes de zéro à cinq ans, alors qu’auparavant la tranche d’âge de 15-49 ans était la plus concernée.
En Afrique de l’Ouest, la pratique de l’excision a changé : elle est devenue « clandestine et transfrontalière », révèle une étude sur cinq pays du Centre de recherche et d’intervention en genre...