Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Concert Le charme irrésistible de la flûte

Edgar DAVIDIAN Accompagné de la « Saint Paul’s Sinfonia », ensemble d’une vingtaine de musiciens placés sous la houlette d’Andrew Morley, Wissam Boustany, éminente et sympathique figure d’un flûtiste au talent sûr, a donné une belle performance de son art. C’est devant une salle au public relativement peu nombreux que le concert, programmé pour 20h30 précises a démarré vers 21h10… L’avant-scène du théâtre du Casino du Liban (Maameltein) était décorée d’un superbe collier de roses blanches avec guirlandes vertes. Collier en vert et blanc pour accueillir les sonorités d’un menu musical alliant nouveautés modernes, rigueur du baroque et certains élans romantiques. Ont résonné dans ce menu, concocté en principe pour le charme irrésistible de la flûte, des pages de Houtaf Khoury, Jean Sébastien Bach, Carl Philippe Emmanuel Bach et Piotr Ilitch Tchaïkovsky… Ouverture avec le Miroir de l’éternité, œuvre jouée pour la première fois au Liban, du compositeur libanais Houtaf Khoury. Un titre bien ambigu et téméraire pour narrer la fragilité de l’être devant l’infini… Pour cela, une flûte et les accords d’un piano, et de quelques violons et violoncelles. Invitation donc à un rêve vaporeux, grave et impalpable où les sonorités émergent comme une obsession « mahlerienne » d’une masse brumeuse qui s’effiloche au gré d’un vent sournois… Pour atteindre l’indicible, la flûte va chercher des sonorités au plus loin de l’imaginaire sans oublier une part de soleil et de poussière bien levantins dans des élans charriant parfois un certain romantisme russe teinté d’une modernité certes stridente, mais toujours harmonieuse. Mélodies tendres et graves pour une musique à la fragilité d’un miroir aux reflets redoutables et cruellement révélateurs d’une réalité toujours fuyante… Une musique surprenante dans son rythme lent et retenu (la preuve, ces applaudissements inopinés croyant à une fin de narration !) qui affronte ou tente de frôler les précipices de l’éternité… Venue d’ailleurs et de loin, très loin, cette musique s’exhale comme un parfum tenace et se termine sous la grâce d’une flûte aux sortilèges incontournables… Changement de monde, d’atmosphère et de prosodie avec le Concerto brandebourgeois n° 3 (en orchestre réduit comme pour toute musique de chambre) du Cantor. Excellente fugue des tourmentes et des limbes de l’éternité du côté de l’homme de la Renaissance et de la foi avec cet opus vibrant, et à l’architecture finement et délicieusement dentelée. Pour tenter d’approcher au plus profond cette musique merveilleusement lumineuse, on emprunte volontiers ici la formulation de Debussy : « Dans la musique de Bach, ce n’est pas le caractère de la mélodie qui émeut, c’est sa courbe... » Pour rester dans la famille de Bach, voilà Carl Philippe Emmanuel, l’un des vingt enfants du Cantor, qui fraya son chemin dans le parcours généreusement tracé par un père à la production prolifique et d’une surprenante abondance. Deuxième des quatre fils musiciens de Bach, Carl Philippe Emmanuel avait pour maxime cette devise : « Un musicien ne peut émouvoir les autres que s’il est lui-même ému. » Devise et maxime qui concordent parfaitement à ce Concerto en D mineur pour flûte et orchestre où la sensibilité affleure à ligne de partition… Modulations tendres (surtout pour l’appel du vent de la flûte !), passions à peine embrigadées, élans vifs et frais pour cette musique qui parle avec éclat de Gluck et Haydn… Avec de très beaux moments où émergent les accords d’un clavecin délicatement inspiré… Pour terminer, une Sérénade du plus cosmopolite des compositeurs russes, mais qui n’a pas oublié pour autant son appartenance au pays de Tolstoï et de Trotski… Avec le compositeur de La belle au bois dormant et d’ Eugène Onéguine, la musique a des reflets certes du pays des tsars et des églises aux dômes en bulbes dorées, mais aussi toute l’élégance et le tout le raffinement du monde occidental dans ses dernières incandescences romantiques. Par-delà l’aspect déchiré de l’homme, la sensibilité exacerbée du musicien, mais aussi sa magistrale et géniale technique dans l’art de jeter les notes sur le papier, Tchaïkovski offre avec cette « sérénade » un bel exemple d’une musique vibrante et frémissante, à la fois mondaine et ponctuée de confidences personnelles… Entre les « pizziccati » des instruments à cordes, les mugissements et plaintes des violoncelles, les aveux touchants des violons, à la fois larmes et sourires, voilà une œuvre en bleu klein de l’enfant de Votkinsk. Une œuvre à la narration longue et bien développée avec ses chutes qui n’en finissent pas, pour reprendre de plus belle comme un jeu érotique qui s’attarde sur des préludes innocents et qu’on voudrait peut-être éternels… Une œuvre dominée par le froufrou des salons raffinés de Saint-Pétersbourg, mais aussi de pudiques levers de voile où transparaissent des sentiments brusquement mis à nu… Sans pathos ni mièvrerie, cette sérénade, tout en nuances subtiles, allie, avec un équitable sens de la liberté, esprit russe et fantaisie occidentale pour des remous de cœurs à l’agitation bien limitée… Salve d’applaudissements d’un public ravi, mais où Wissam Boustany était absent du salut final. On aurait tout simplement aimé l’applaudir bien fort et lui dire qu’avec lui, la flûte a un charme irrésistible…
Edgar DAVIDIAN


Accompagné de la « Saint Paul’s Sinfonia », ensemble d’une vingtaine de musiciens placés sous la houlette d’Andrew Morley, Wissam Boustany, éminente et sympathique figure d’un flûtiste
au talent sûr, a donné une belle performance de son art.
C’est devant une salle au public relativement peu nombreux que le concert, programmé pour 20h30...