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Actualités - REPORTAGE

« Nous ne sommes pas le baron Haussmann », précise Ziad Akl

« Nous ne sommes pas un équivalent du baron Haussmann à qui l’État aurait donné tous les pouvoirs pour mettre de l’ordre. Nous sommes à l’image de la politique libanaise. Le Conseil supérieur de l’urbanisme fournit énormément d’efforts pour éviter le n’importe quoi et le n’importe comment. Mais si les choses fonctionnent mal, la faute incombe à tout le monde, et notamment aux personnes qui tiennent un double discours, qui se plaignent du chaos alors que c’est elles qui le provoquent en ne privilégiant que leurs intérêts privés. » Pour Ziad Akl, architecte-urbaniste, membre du Conseil supérieur de l’urbanisme (CSU), « le chaos urbanistique n’existe pas – ou plutôt, cela ne doit pas exister ». « Il est impossible de prétendre que l’on possède un grand terrain qui s’appelle le Liban et sur lequel l’on compte construire joliment, souligne-t-il. Les constructions se font en fonction des décisions politiques, de désastres économiques, ou, au contraire, d’un essor. Il s’agit juste de mettre de l’ordre dans tout cela », martèle l’architecte-urbaniste. « Sauf que c’est difficile : j’ai parfois l’impression que l’urbanisme est mis devant le fait accompli, qu’il subit au lieu d’organiser », déplore-t-il. Qu’est-ce que l’urbanisme ? À quoi sert-il ? « Généralement, l’urbanisme traite des routes, des coefficients d’exploitation et des très grands projets d’architecture – sans oublier les matériaux utilisés », répond Ziad Akl. Cela se planifie-t-il ? « Oui, mais cela restera très superficiel tant que ce plan n’entre pas dans les détails, tant que l’on ne s’occupe pas de micro-urbanisme », affirme-t-il, relevant que c’est sans doute là que le bât blesse. « Mais l’on peut difficilement aller plus loin », remarque M. Akl, assez fataliste. Et de déplorer avec autant de déception que les coefficients d’exploitation du terrain dans la capitale et dans les zones urbanisées soient « démesurément hauts ». En donnant comme exemple, parmi tant d’autres, que la loi décrétée par l’État, et non pas le Conseil supérieur de l’urbanisme, autorise la construction de tours à Beyrouth. « L’augmentation des coefficients a toujours été dans l’intérêt des gouvernements qui se sont succédé. Le pouvoir a une vision capitaliste libérale sans limites », relève M. Akl. Résultat des courses : l’on se retrouve avec une belle bâtisse de deux étages collée à une tour de 80 mètres de haut. « Cette disparité traduit notre réalité », soupire Ziad Akl. Le rôle des municipalités S’il est inadmissible de voir régner le chaos, force est de constater qu’il y a encore loin de la coupe aux lèvres. « L’incohérence et le chaos touchent le patrimoine architectural et naturel auquel l’on tient, mais l’on ne dispose d’aucun moyen, politique ou financier, pour le protéger de la destruction », constate M. Akl. Et de se poser une série de questions : « A-t-on déjà vu une faction politique interdire les constructions sauvages sur le littoral ? Qui a osé dire aux contrevenants : “Nous allons vous exproprier, vous n’aviez pas le droit de construire ” ? » s’est-il demandé avant de donner la solution : « Il est possible de mettre de l’ordre, mais pour cela, il faut avoir les moyens de sa politique », résume Ziad Akl. L’exemple qu’il donne est frappant : supposons qu’un individu possède un terrain constructible en bord de mer et qu’un beau jour, la Direction générale de l’urbanisme (DGU) vienne l’informer qu’il n’a pas le droit d’y construire la moindre cabane. « Que va faire cet individu ? Se ranger à l’avis de la DGU, pour préserver la beauté de son pays ? Certainement pas. Ce propriétaire, effaré par cette perte d’argent, va aller se plaindre. Et en un mot comme en cent, il trouvera appui et recommandation auprès d’un gros bonnet. Voilà l’impasse », résume l’architecte. Ziad Akl rappelle ensuite que les plans directeurs élaborés par les municipalités doivent être approuvés par la DGU ou les bureaux régionaux de l’urbanisme, relevant que dans certains villages, les municipalités ont fait des merveilles alors que dans d’autres, ce ne sont que catastrophes. « Tout dépend de l’initiative du président du conseil municipal », relève-t-il. Il n’en reste pas moins, selon lui, que le mal est clair : « La DGU est présente, mais elle n’a pas les pouvoirs qu’elle mérite, qu’il faut qu’elle ait », dit-il, mettant l’accent sur une « confusion très certaine » entre les prérogatives de la DGU, celles du CDR et celles des municipalités, « sans oublier le ministère de l’Environnement. Parce que cette question-là est désormais particulièrement sensible, elle est devenue de plus en plus importante sur le plan de l’urbanisme », précise-t-il, notant que le directeur général du ministère de l’Environnement est membre du Conseil supérieur de l’urbanisme (CSU). « Dans beaucoup de pays, les secteurs de l’urbanisme, de l’environnement, du transport et du tourisme ont fusionné pour éviter la lourdeur administrative et la perte de temps », explique encore Ziad Akl. Et de conclure : « Il n’existe pas a priori de vision générale, mais le plan d’aménagement est un très bon document ; il attend juste que les pouvoirs politiques l’approuvent. Nous, nous tenons compte de ce plan, même s’il n’a pas été encore entériné. »
« Nous ne sommes pas un équivalent du baron Haussmann à qui l’État aurait donné tous les pouvoirs pour mettre de l’ordre. Nous sommes à l’image de la politique libanaise. Le Conseil supérieur de l’urbanisme fournit énormément d’efforts pour éviter le n’importe quoi et le n’importe comment. Mais si les choses fonctionnent mal, la faute incombe à tout le monde,...