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Actualités - REPORTAGE

Chaos urbain Le nouvel art de vivre des Libanais : des villes et des bourgs d’une laideur désespérante

May MAKAREM Du sud au nord, d’est en ouest, le Libanais contemple son œuvre : des villes champignons, dépouillées de leurs espaces verts, érigées dans un chaos absolu sur la dépouille d’un patrimoine davantage détruit en vingt ans qu’en deux siècles. Trois architectes et urbanistes dénoncent l’incurie de la classe politique et l’absurdité des lois sur la construction. Force est de constater que depuis plus d’une décennie, on répète les mêmes mots, on égrène les mêmes maux qui frappent en bloc le pays, victime d’une opération de marquage à différents niveaux : urbanisation sauvage, sites dégradés, côtes bétonnées, végétations rasées, lits de fleuves asséchés, et une grande bleue servant d’ultime réceptacle aux déchets domestiques et industriels. À coups de pelles et de dollars, le Libanais s’ingénie à détruire les milieux naturels et à se défaire de son passé pour construire un avenir d’une laideur désespérante. Un nouvel art de vivre fondé sur une sorte de célébration du laisser-faire, laisser-aller. Partout le même constat de négligence, de brutalité et du plaisir étrange de lutter contre la beauté, la qualité et l’esthétique. Au nom du « développement » et du « modernisme », les élus du peuple court-circuitent les décrets d’application du code écologique et jettent aux oubliettes les études portant sur les lois élaborées pour juguler la dégradation d’un patrimoine naturel et architectural menacé de disparition. La loi sur la construction date du mandat français ; l’article 17 de la même loi est fondé sur la « construibilité généralisée » ; le projet de schéma directeur d’aménagement du territoire – qui définit notamment les principes d’utilisation des espaces ruraux et urbains, en vue de déterminer l’usage approprié des sols – attend depuis deux ans d’être approuvé par le Conseil des ministres. Entre-temps, du sud au nord, d’est en ouest, au nom du « développement » et du « modernisme », les villes et les bourgades arborent le fanion du béton qui consume le paysage, envahit les campagnes, phagocyte les forêts, remblaie la mer, empiète sur les vestiges archéologiques et menace l’intégrité des centres anciens, représentatifs de notre identité culturelle. Les experts n’auront plus bientôt qu’à écrire les annales d’un pays adonné à l’automutilation. Comment en sommes-nous arrivés là ? Assem Salam, ancien président de l’ordre des architectes et ingénieurs de Beyrouth, Ziad Akl, qui siège depuis de nombreuses années au Conseil supérieur de l’urbanisme, et Habib Debs, membre de l’Association pour la protection des sites et anciennes demeures (Apsad) et responsable de nombreux schémas directeurs (Chouf, Jezzine, Haut-Metn), tentent d’analyser la situation.
May MAKAREM

Du sud au nord, d’est en ouest, le Libanais contemple son œuvre : des villes champignons, dépouillées de leurs espaces verts, érigées dans un chaos absolu sur la dépouille d’un patrimoine davantage détruit en vingt ans qu’en deux siècles.
Trois architectes et urbanistes dénoncent l’incurie de la classe politique et l’absurdité des lois sur la...