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Actualités - CHRONOLOGIE

Exposition L’insoutenable cruauté de l’être de Sabhan Adam Colette KHALAF

« L’art ne vient pas coucher dans les lits qu’on a faits pour lui ; il se sauve aussitôt qu’on prononce son nom : ce qu’il aime, c’est l’incognito. Ses meilleurs moments sont quand il oublie comment il s’appelle. » – Jean Dubuffet, 1960. C’est ainsi que peut se définir le travail artistique de Sabhan Adam, exposé à la galerie Aïda Cherfan. De grands et de très grands formats, ou encore des médaillons de portraits « anamorphiques », tel est le travail inclassable de Sabhan Adam qui ne nécessite aucune étiquette et aucun label. L’artiste est natif de Hassakeh (Syrie), une région sur les frontières turques et irakiennes. Est-ce l’histoire de sa terre envahie successivement par les Acadiens, les Sumériens, les Araméens, les Perses, les Grecs, les Romains et enfin les Arabes qui a contribué à créer ce personnage difforme, aux trois yeux et aux traits indéfinissables ? Est-ce la géographie de sa terre irriguée par deux fleuves et riche en sulfure qui a engendré, sur les toiles, ce monstre à la fois laid et séduisant ? Un être torturé, à la bouche sanguinolente, couvert tantôt de haillons et tantôt de riches atours brodés. Avec muselière (pour empêcher la parole) ou un bandeau sur les yeux (pour ne pas voir), ce E.T. au regard parfois bleu est bien le témoin d’une région. Il est le produit d’un travail intérieur, d’une démarche introspective sans frontières ni limites. Il est le miroir de l’âme de l’artiste. Matériel et immatériel Dans une monographie réalisée par l’artiste lui-même et disponible à la galerie Aïda Cherfan, l’entrevue accordée à une consœur et publiée à la fin de l’ouvrage croque à travers quelques mots brefs (où le silence a dû être plus qu’éloquent) le portrait de cet artiste habité par une passion « paisible ». « La seule chose que je possède est ma peinture, dit-il. Seuls mes parents m’ont vu peindre. » C’est tout ce qu’on pourrait savoir de sa vie privée. Au sujet de son travail, il affirme plus loin : « Au milieu du vertige de mon esprit, des images frayent leur chemin. J’aimais la poésie mais, chaque fois que j’écrivais, on me disait que c’était déjà écrit, alors je me suis mis à peindre. Après avoir présenté mes premiers travaux au Centre culturel de Hassakeh, je changeais de nom. » Sabhan Hussein Mohammad devenait Sabhan Adam. L’image d’un Robert de Niro se regardant dans le miroir et changeant de coiffure nous vient alors à l’esprit. Il n’y a peut-être pas de lien entre les deux images. Mais qui dit qu’il y a une logique dans le travail de cet artiste autodidacte ? En 1949, dans l’ouvrage L’art brut préféré aux arts culturels, manifeste accompagnant la première exposition collective de l’art brut à la galerie Drouin (Paris), Dubuffet a défini cet art en indiquant qu’ « il regroupe des productions réalisées par des non- professionnels de l’art, indemnes de culture artistique et œuvrant en dehors des normes esthétiques convenues ». Dubuffet entendait par là un « art spontané, sans prétentions culturelles et sans démarche intellectuelle, nourri de leur propre fonds et non pas des poncifs de l’art classique ou de l’art à la mode. C’est donc une opération artistique toute pure, brute, réinventée dans toutes ses phases par son auteur, à partir seulement de ses propres impulsions. » À partir de cette définition, l’on s’interroge : est-il donc si nécessaire d’expliquer une peinture, une musique alors qu’elle est issue des tréfonds d’un être ? Il suffit d’observer le travail d’Adam et le personnage aux multiples yeux fixes, imperturbable, inerte, couché sur la toile (des tentes) ; d’immerger son regard dans les aplats de couleurs vives (contrastant avec la noirceur du caractère central) pour comprendre le malaise de l’artiste. Celui qui avoue avoir toujours été écœuré de l’humanité à la bouche pleine de sang parvient à traduire la lutte entre la beauté et la laideur, voire à les confondre. « Ce qui m’effraye, dit-il, c’est que sous la beauté se dissimule souvent la laideur. » À la galerie Aïda Cherfan, place de l’Étoile, jusqu’au 24 octobre. Ouverte du lundi au samedi de 10h30 à 19h30.
« L’art ne vient pas coucher dans les lits qu’on a faits pour lui ; il se sauve aussitôt qu’on prononce son nom : ce qu’il aime, c’est l’incognito. Ses meilleurs moments sont quand il oublie comment il s’appelle. » – Jean Dubuffet, 1960.
C’est ainsi que peut se définir le travail artistique de Sabhan Adam, exposé à la galerie Aïda Cherfan.
De grands...