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Actualités - OPINION

La Russie n’est pas l’URSS Amine ISSA

Quand la Russie a envahi la Géorgie le 11 août, la presse occidentale se souleva comme un seul homme pour la condamner. Les journaux évoquèrent une Russie engluée dans le XIXe siècle et ses conflits. Vladimir Poutine était gratifié du visage des conquérants, Pierre le Grand et Staline. Rappelons une vérité ! C’est la Géorgie, en occupant l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie, qui viola le droit international. Celui-ci définissait la situation de ces deux républiques séparatistes par les accords de Dagomys, signés en 1992 entre la Russie et la Géorgie. Certes, la réaction de Moscou était disproportionnée. Elle aurait pu attendre une réunion du Conseil de sécurité avant de lancer ses troupes. Elle justifia la rapidité de sa réplique en invoquant « les crimes contre l’humanité » et le « génocide » commis par la Géorgie à l’encontre des Ossètes ainsi que le « devoir d’ingérence », toutes notions chères à l’Occident. Qu’est réellement la Russie en 2008 ? Quand Vladimir Poutine succéda à Boris Eltsine, il hérita d’une Russie sur les genoux. L’URSS, en devenant la Russie, est passée de 288 millions d’habitants à 147 millions. La production industrielle s’effondra et les fleurons économiques de l’État furent bradés. La Russie en 1999 était au bord de la faillite. Certes, « la démocratie souveraine » prônée par Vladimir Poutine est une forme d’autocratie douce. Lors des législatives de 2007, son parti Russie unie et son satellite Russie juste ont raflé 353 des 450 sièges de la Douma. Avant les élections, l’opposition fut interdite de toutes grandes manifestations et les principaux médias, contrôlés par le gouvernement, l’ignorèrent. Dans le classement d’États pour la liberté de la presse, la Russie occupe la 147e place sur 168. Mais, sous les deux mandats de Vladimir Poutine, la Russie a connu une croissance moyenne de 6 %. La dette extérieure due au Club de Paris a été entièrement remboursée. Les dépenses des ménages ont crû de 167 %, les dépenses pour l’éducation ont doublé et celles de la santé ont triplé. La proportion de Russes vivant sous le seuil de la pauvreté a été ramenée de 35 % à 23,3 % (UE 16 %), le chômage touche 6,4 % de la population active (UE 8,5%) (1). Après les années d’anarchie de l’ère Eltsine, la Russie est aujourd’hui un pays stable, les oligarques qui rackettaient le pays ont été mis au pas et Gazprom et Transneft, les deux grandes compagnies de gaz et de pétrole, sont revenues dans le giron de l’État. La Russie est membre du G8 et postule à l’OMC. Elle est aujourd’hui la 11e économie du monde et ne compte pas en rester là. Or pour continuer son ascension, la Russie doit éviter tout affrontement avec l’Occident, dont son économie est encore tributaire. La première alerte est venue de la Russie elle-même. Depuis l’entrée des troupes russes en Géorgie, la Bourse de Moscou a perdu 290 milliards de dollars et 21 autres milliards d’investissements ont été retirés du pays (2). La Russie possède elle-même des investissements estimés à 90 milliards de dollars à l’étranger. Si sa balance commerciale est excédentaire – en juin elle était de 174 milliards de dollars (3) –, c’est grâce à ses exportations d’hydrocarbures. L’Allemagne, la Belgique, la Finlande et l’Italie importent respectivement 32, 45,74 et 22 % de leur gaz de Russie (3). Ces pays sont dépendants du gaz russe, autant que la Russie, qui a une économie de rente, est dépendante de ces pays pour son développement. Tout cela explique le changement de ton des divers acteurs de la crise depuis l’accord UE-Russie du 8 septembre sur le retrait des troupes russes de Géorgie. Les États-Unis qui, au début du conflit, menaçaient la Russie d’une série de mesures de rétorsion, en définitive ne prirent aucune mesure concrète. Déjà le 22 août, l’ambassadeur américain à Moscou déclarait que son pays comprenait la réaction russe. Au-delà de la douteuse promesse, à cause de la réticence de plusieurs pays européens d’intégrer la Géorgie à l’OTAN émise par Dick Cheney le 5 septembre, les États-Unis n’ont accordé qu’une aide civile d’un milliard de dollars à Tbilissi (Condoleezza Rice, le 3 septembre) sans évoquer à aucun moment le réarmement de l’armée géorgienne écrasée par les troupes de Moscou. L’Union européenne, qui avait initialement annoncé le gel du partenariat stratégique avec la Russie, s’est rapidement rétractée après l’engagement russe de se retirer de Géorgie. La Russie, face aux premières réactions de l’Occident, a réagi de façon mesurée. Sur le terrain, l’armée russe, malgré les violents bombardements des villes et villages géorgiens, a épargné l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan, qui approvisionne l’Europe en gaz azéri sans passer par le territoire russe. Au défi lancé par les Américains par la signature le 20 août avec la Pologne d’un accord sur l’installation d’un bouclier antimissile, les Russes ont annoncé le 10 septembre la tenue de manœuvres militaires conjointes avec le Venezuela. Ces manœuvres ont vraisemblablement un intérêt purement commercial, les Russes voulant vendre des armes à Caracas, dont le turbulent président Hugo Chavez ne manque pas une occasion de susciter l’ire de son grand voisin. (1) Le Monde diplomatique, février 2007. (2) Financial Times, 2/9/08. (3) Eurostat : Oil Economy 07. Prochain article : Le jour où Moscou a retrouvé son envergure naturelle Article paru le vendredi 26 septembre 2008
Quand la Russie a envahi la Géorgie le 11 août, la presse occidentale se souleva comme un seul homme pour la condamner. Les journaux évoquèrent une Russie engluée dans le XIXe siècle et ses conflits. Vladimir Poutine était gratifié du visage des conquérants, Pierre le Grand et Staline. Rappelons une vérité ! C’est la Géorgie, en occupant l’Ossétie du Sud et...