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À l'affiche Être et mal-être

Le grand musicien Bob Dylan, le documentariste Nick Broomfield, une époque, une guerre : deux témoignages sur le malaise d'exister. I’m Not There de Todd Haynes Avec Christian Bale, Heath Ledger, Cate Blanchett, Marcus Carl Franklin et Richard Gere. Six pour un et un pour six. Voilà l’idée géniale qu’a eue le cinéaste Todd Haynes pour illustrer la vie de ce poète-prophète hors-la-loi de la chanson. Plutôt que de reconstituer la vie du grand mais néanmoins frêle Dylan d’après une trajectoire linéaire, Todd Haynes, réalisateur du très inspiré Loin du Paradis, a brossé un portrait tourbillonnant de l’icône des années 1960 nourri de l’imaginaire de l’artiste et de la manière dont il s’est lui-même mis en scène tout au long de sa vie. À travers six personnages interprétés par quatre acteurs, une actrice et un petit garçon, I’m Not There (« Je ne suis pas là ») se lit comme une réflexion sur la création. Il y a le Dylan de la période folk, porte-parole malgré lui du mouvement contestataire des années 1960, interprété par Christian Bale, qui joue aussi le chanteur converti au christianisme et au gospel rock dans les années 1970. Cate Blanchett, elle, s’est fondue, avec la plasticité d’un caméléon, dans la peau du Dylan androgyne versé dans le rock électrique, celui qui se coupa, au cours des années 1960, d’une bonne partie de ses fans. Il y a encore un jeune garçon noir qui se fait passer pour Woody Guthrie, le chanteur et guitariste folk dont la musique fut fondatrice pour Dylan, Robbie, un acteur dont l’histoire renvoie à la partie amoureuse et familiale de son existence, et Arthur Rimbaud, dont la phrase manifeste « Je est un autre » explique à elle seule la forme de ce film étrange. Enfin, Billy the Kid, dans ses vieux jours, qui, sous les traits de Richard Gere, traverse le film dans des séquences de western. L’œuvre de Todd Haynes n’est pas un biopic ordinaire. Le cinéaste réussit à livrer une œuvre kaléidoscopique haute en couleur, qui évoque non seulement les périodes de la vie du musicien ainsi que ses facettes, mais aussi les dates importantes de l’Amérique. Car Bob Dylan (même si son nom n’est jamais cité dans le film) est tout ça à la fois. De la révolution musicale à l’ère Nixon, en passant par Kennedy, le racisme et le Vietnam, Bob Dylan aura vécu plusieurs vies et c’est ce que le spectateur profane et averti peut voir dans I’m Not There. Haynes y présente plusieurs ambiances marquées et distinctes qui trouvent ici une transcription adéquate dans les choix divers des techniques. Son film s’apparente à une œuvre littéraire et on a l’impression de lire son film à travers le choix des images et de la musique. Le film s’ouvre ainsi sur un générique en noir et blanc, filmé en 16 millimètres, avec le grain propre à ce genre de prise de vues. Très vite, on enchaîne avec le voyage du jeune Woody dans le train de marchandises et la verdure éclate dans toute sa splendeur. La lumière froide et bleutée des années 70 entoure le couple Ledger-Gainsbourg avec une netteté de plans et une caméra mobile qui restructure l’espace. Enfin, le noir et blanc qui marque la période sixties dans laquelle évolue Cate Blanchett et qui rappelle les œuvres felliniennes, plus particulièrement Huit et demi, où les acteurs scrutent la caméra qui semble glisser sur eux. D’un univers à l’autre, passant en toute fluidité du paysage externe à l’espace plus interne de l’âme, Todd Haynes nous offre un voyage, ou plutôt une balade folle et libre dans le monde des émotions. Comment aborder un mythe ? s’interroge-t-on dans la presse. En restant humble face à lui et en acceptant qu’il soit insaisissable. EMPIRE DUNES/SODECO/GALAXY, ESPACE Battle for Haditha, de Nick Broomfield Avec Elliot Ruiz, Eric Mehalacopoulos et Yasmine Hanani. Irak, 19 novembre 2005 : un convoi de marines est pris pour cible dans un attentat à Haditha. En représailles, les soldats attaquent brutalement les habitants du périmètre, faisant 24 morts, hommes, femmes et enfants. Battle for Haditha est le récit de la « tuerie de Haditha », cette journée qui fit scandale, montrant aussi bien les habitants de Haditha, les insurgés et les marines embarqués dans cette logique de destruction. Une reconstitution fidèle et très percutante de la guerre en Irak. Comme toutes les guerres, celle d’Irak engendre son lot de films, documentaires et fictions, qui n’hésitent pas à mettre le doigt là où ça fait mal. Les docu-fictions peuvent être de fidèles reconstitutions très percutantes ou bien de maladroites démonstrations filmiques de la guerre et de ses conséquences désastreuses. La Bataille de Haditha lorgne bien plus vers la première option. Ce n’était pas gagné, tant le sujet est périlleux et récent. Il était difficile de s’emparer d’un fait réel, pour le cartographier et décoder la genèse. Mais le réalisateur britannique Nick Broomfield, cet ancien documentariste, est parvenu à livrer un film articulé sur un récit sobre. Dès les premiers plans, on est plongé au cœur d’un conflit où des soldats américains meurent dans des attentats et sont conditionnés pour voir dans chaque Irakien, homme, femme et même enfant, un terroriste en puissance et donc pour les tuer sans sourciller. Parallèlement à une poignée de jeunes combattants (par ailleurs sympathiques), déroutés par cette guerre qui les a transformés en combattants acharnés, un couple d’Irakiens vit une vie normale. Ils s’aiment, attendent un enfant et envisagent l’avenir. En quelques scènes prises sur le vif, Broomfield fait ainsi exister un petit archipel de personnages criants de véracité qui, sous le masque de la haine, parviennent à avoir un semblant d’humanité. Dans Battle for Haditha, l’auteur n’excuse pas l’acte des soldats, pas plus qu’il ne justifie celui des poseurs de bombes. Il se contente de montrer cette incommunicabilité qui, en coupant les êtres de la réalité, conduit à la barbarie. Un regard juste qui est livré à ceux qui ont encore envie de voir des scènes de guerre. CINEMACITY Colette Khalaf
Le grand musicien Bob Dylan, le documentariste Nick Broomfield, une époque, une guerre : deux témoignages sur le malaise d'exister.

I’m Not There
de Todd Haynes

Avec Christian Bale, Heath Ledger, Cate Blanchett, Marcus Carl Franklin et Richard Gere.
Six pour un et un pour six. Voilà l’idée géniale qu’a eue le cinéaste Todd Haynes pour illustrer la vie de ce...