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Actualités - OPINION

Irréductibles Gemayel Carla YARED

L’hiver dernier, sur France 3, un historien israélien a dit en substance que le problème du Proche-Orient est né au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, quand les Européens « ont vomi leurs juifs sur la tête des Palestiniens ». Pour mener son raisonnement au bout, empruntant son vocabulaire, on pourrait dire que depuis 1948, les Israéliens « ont vomi » les Palestiniens sur les pays arabes environnants. En 1970, les Jordaniens « ont vomi » eux aussi leurs Palestiniens sur le Liban. Jusqu’en 1975, quand, pour régler le problème de ces peuples surnuméraires aux pays, Kissinger aurait bien voulu que la route de la Palestine passe par Jounieh et que les Palestiniens essayaient de « vomir » les chrétiens libanais sur les États-Unis et l’Europe. Les assimiler à des croisés facilitait la tâche. Les chrétiens, ceux de Pierre Gemayel d’abord, se sont accrochés. De s’être appelé des Phalangistes, d’avoir été honnis en tant que jeunes de droite, n’en a pas fait des combattants romantiques. L’Europe exaltait encore les valeurs de gauche de mai 1968. Or, la majorité des combattants étaient descendus dans la rue par un réflexe d’autodéfense, mus par l’indéfinissable sentiment d’attachement à leur terre. Petit à petit, la bataille a perdu de sa noblesse. Il fallait de l’argent – ce nerf de la guerre… – et de la drogue, pourvoyeuse de courage ! La discipline n’était pas aussi stricte que celle des hezbollahi d’aujourd’hui : moins d’embrigadement, pas de culte du martyre. Petit à petit, les idéalistes se sont effacés au profit des cyniques et des pragmatiques. L’État s’est défait, et les bandes incontrôlables ont mis le grappin sur les biens privés ou publics, dépeçant le pays. Bachir Gemayel, en « unifiant les fusils » pour que cessent les guerres entre caïds, a transposé les guéguerres au niveau des chefs. La société s’est pliée à l’ordre militaire des milices, qui ont perdu le nord après l’assassinat de Tony Frangié, et le Chouf avec la mise au pas de Chamoun. En 1982, Bachir Gemayel élu, on aurait pu espérer du milicien devenu le premier des civils la réconciliation des communautés entre elles. Bachir a été assassiné. Parce qu’il incarnait la souveraineté du Liban. Amine Gemayel ne s’est pas plié lui non plus au diktat des Syriens. Entre 1982 et 1990, les Forces libanaises se sont cependant enlisées. Au début de la guerre, Kamal Joumblatt aurait ironisé : Les chrétiens ? On n’en fera qu’une bouchée. Un tiers mourra (peut-être moins), un tiers partira (symbolisés par l’exil forcé de Michel Aoun) et un tiers sera à genoux (Samir Geagea en prison, symbolisant le ehbat généralisé de la communauté). On avait mal joué. On a mal perdu. La cause était pourtant juste. Commence l’après-guerre et les années Hariri. Il en aura fallu du temps, des élections boycottées, des Caisses de réfugiés et de déplacés, des années de reconstruction, pour envisager de nouveau la vie commune. Durant l’occupation syrienne, la classe politique a écrit une longue histoire de vassalité, pendant que la population cohabitait avec son petit soldat syrien mental. Pendant que les Syriens décapitaient les têtes, les Israéliens cassaient les infrastructures. Malheureusement, la reconstruction du pays se faisait concomitamment à un réarmement qui pouvait à tout instant provoquer de nouvelles destructions. L’assassinat de Hariri, par sa dimension iconoclaste, a libéré les gens de la peur personnelle et collective du Syrien. Ceux qui ne se sont pas joints au 14 Mars avaient des liens avec les Syriens plus forts que ceux qu’ils entretenaient avec leurs compatriotes. Depuis trois ans, la contre-offensive syrienne est passée par le biais des assassinats politiques. Avec Samir Kassir et Gebran Tueni entres autres défenseurs de la souveraineté, il y a encore eu un Gemayel : Pierre. Quel devenir pour la communauté de Bachir et de Pierre ? Pour jouer un rôle, les chrétiens du Liban devraient refaire ce qui a été défait pendant des années : leur unité. Geagea pourrait-il envisager de ramener les Forces libanaises dans le giron du parti Kataëb pour aller à la rencontre de Chamoun et de Eddé, et se réapproprier le destin aujourd’hui usurpé de la communauté ? On a longtemps craché sur « le Liban de papa ». On n’avait pas encore vu le nôtre. Article paru le jeudi 18 septembre 2008
L’hiver dernier, sur France 3, un historien israélien a dit en substance que le problème du Proche-Orient est né au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, quand les Européens « ont vomi leurs juifs sur la tête des Palestiniens ». Pour mener son raisonnement au bout, empruntant son vocabulaire, on pourrait dire que depuis 1948, les Israéliens « ont vomi » les...