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Actualités - OPINION

Le Point Anathèmes de campagne

Par Christian Merville La dernière aux États-Unis : Barack Obama se proposait d’inscrire l’éducation sexuelle au programme des classes maternelles. Et celle-ci, l’avant-dernière : il est allé jusqu’à comparer Sarah Palin à un cochon. Des ragots comme ceux-là, il y en a par dizaines, tous les jours sur le Net, lancés par la plus formidable machine à mentir de toute l’histoire, œuvre de l’équipe chargée de la campagne du républicain McCain. Au point que Rudy Giuliani lui-même, un homme qui passerait difficilement pour un parangon des vertus politiques, trouve que de part et d’autre, on a été trop loin. Bill Burton, porte-parole du sénateur de l’Illinois, lui, ne donne pas dans la litote. « C’est l’offensive la plus sordide et la moins honorable de tous les temps », vient-il de dire. La presse n’est pas en reste, qui dénonce « un blizzard de mensonges » et multiplie les qualificatifs peu amènes : « Grossier », « Injurieux », « Ignoble ». La différence avec l’an 2 000, c’est que cette fois, la mécanique tourne à plein régime, déversant à chaque heure un torrent de calomnies, répercutées par des centaines de milliers d’ordinateurs, d’une côte à l’autre. La vérité est que le candidat démocrate avait soutenu un projet de loi dans l’État qu’il représente, approuvé notamment par l’association des parents d’élèves, les services d’hygiène et l’association de la santé publique, prévoyant d’assurer « un programme d’éducation sexuelle appropriée aux élèves ayant atteint l’adolescence ». Quant à la petite phrase sur le rouge à lèvres dans laquelle certains avaient voulu voir une allusion à la gouverneure de l’Alaska, elle avait été sciemment ôtée de son contexte, donnant à croire que l’intéressée était visée. La riposte des stratèges du Grand Old Party revêt aussi la forme de démentis systématiques, même quand l’évidence crève les yeux. Ainsi du fameux (et fumeux) projet consistant à relier Ketchikan à l’aéroport de l’île de Gravina, connu désormais sous la peu flatteuse appellation de « Bridge to Nowhere », d’abord soutenu puis abandonné par Palin « afin d’économiser les deniers du contribuable » (398 millions de dollars…), un pécule dont en définitive elle devait faire bénéficier son État. Ou encore de l’affirmation maintes fois répétée d’un voyage de l’intéressée en Irak, un pays où elle n’a jamais mis les pieds. Que dire encore de cette fâcheuse propension à mêler le sacré au profane ? La prospection en Alaska devient « une mission bénie par Dieu », tout comme la guerre en Irak, ou encore – retenez votre souffle, ô fans de l’Amérique profonde – l’histoire du tatouage de Track, le fils en partance pour les bords de l’Euphrate. Voici la version, telle que relatée par la maman : il tenait, contre mon gré, dit-elle, à avoir un dessin sur son avant-bras. Jusqu’au moment où il m’a expliqué que le motif était un poisson (ichtus) désignant Jésus-Christ. Et voilà comment, dans la neigeuse réplique de la Bible Belt, on rafle les voix des croyants, quand John F. Kennedy et John Kerry s’étaient vu reprocher leur foi catholique et que Mitt Romney avait manqué sa désignation en raison de son appartenance à la secte des mormons. On aurait tort cependant de voir dans ces (faux) arguments et ces allégations de véritables thèmes de guerre. Ils ne représentent qu’un bien pauvre arsenal destiné à masquer l’indigence du discours, à l’heure où plus de 80 pour cent des citoyens sont convaincus que leurs dirigeants font fausse route. Distraire ainsi l’attention de l’homme de la rue revient à escamoter le débat sur les thèmes majeurs : sécurité sociale, économie, éducation, guerre d’Afghanistan, pollution. Entendre John McCain annoncer, rejoint en cela par sa colistière, qu’il va nettoyer les écuries de Washington, lui qui siège au Congrès depuis vingt-six ans, frise l’indécence politique. Tout comme son épouse Cindy ne juge pas ridicule de nous expliquer pourquoi l’ancienne édile de Wassila passerait pour une kremlinologue distinguée : « Elle représente la région la plus proche de la Russie, disait-elle le 31 août sur la chaîne ABC. Ce n’est donc pas comme si elle ne connaissait pas les enjeux là-bas... » Une répartie, inimaginable ailleurs qu’aux USA, qui a inspiré Tina Frey, s’écriant, dans une inénarrable imitation sur Saturday Night Live : « De chez moi, je peux voir la Russie. » Plus sérieusement, un journaliste du New York Times observe, un rien désabusé, que l’une des étrangetés de cette campagne est que les deux camps se comportent comme s’ils étaient convaincus de perdre. Ce qui ne les empêche pas de continuer à enregistrer des collectes de fonds record pour financer leurs petites guerres : 45 millions de dollars pour McCain, 66 millions pour Obama en août. Apparemment, la « menace majeure » représentée par la crise bancaire ne semble pas devoir affecter la présidentielle. Pour l’instant.
Par Christian Merville

La dernière aux États-Unis : Barack Obama se proposait d’inscrire l’éducation sexuelle au programme des classes maternelles. Et celle-ci, l’avant-dernière : il est allé jusqu’à comparer Sarah Palin à un cochon. Des ragots comme ceux-là, il y en a par dizaines, tous les jours sur le Net, lancés par la plus formidable machine à mentir de toute...