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Actualités - RENCONTRE

Rencontre Le monde allégorique de Raïf Karam

Maya GHANDOUR HERT S’il ne faut pas manquer la prochaine pièce de Raïf Karam *, c’est d’abord pour la maestria de son metteur en scène. Et, ensuite, pour les sujets abordés, qui touchent l’Homo sapiens dans ce qu’il y a de plus brut, de plus animal : son côté chèvre (pour les femmes) ou bouc (pour les hommes). Bizarre, en effet… Voilà un professeur de théâtre qui se délecte à bousculer toutes les conventions du genre. Raïf Karam a le verbe facile et un talent certain pour la digression. « À l’occasion de l’année du Bélier, je présente une pièce de théâtre intitulée Maqam el-Jadi. C’est à propos de celui qui a la chance d’être autonome, autosuffisant. Celui qui n’a besoin de personne pour vivre dignement », affirme le metteur en scène. Mais euh..., 2008 n’est pas vraiment l’année du Bélier. Ni 2009 d’ailleurs. Ni celle du Bouc. Imperturbable, il ajoute, sur sa lancée : « Le monde entier nous envie notre climat, notre terre fertile, notre paysage. Et nous, eh bien nous avons à peine un endroit pour dormir. » Il secoue la tête. Comprendre : « quel gâchis, un peuple qui a saccagé son pays de ses propres mains ». Se creusant les méninges, l’interlocuteur cherche le sens caché des mots prononcés d’un air si désinvolte et dérisoire. Alors, monsieur Karam, vous faites de la politique dans cette nouvelle pièce ? « Je suis un personnage qui vit en marge de tout », soupire-t-il. Et cette œuvre se situe, comme le reste, en marge de la politique », lance-t-il d’un air crâne. Avant de balayer toutes les questions d’une main désinvolte et de mitrailler l’intervieweur par une salve d’interrogations les unes plus curieuses que les autres. Après quelques divagations, retour sur le thème central. C’est-à-dire himself. Mais, apparemment, Raïf Karam n’aime pas parler de Raïf Karam. Il préfère faire son show et laisser aux autres le soin (ou la mystérieuse et lourde tâche) de décrypter ses propos et ses œuvres. Ses outils de prédilection : calembours, jeux de mots, détournements de sens… Ce que Karam veut dire, il le dit d’une manière à la fois directe et détournée. Des exemples s’imposent. Pour rendre un hommage à Chouchou, ce fameux comique libanais, il avait monté une procession-performance devant le théâtre du Picadilly à Hamra. Les participants avaient une cagoule sur la tête, sauf un qui portait le masque de… Chouchou. C’était en octobre 1988. Il y a de l’esprit, pour ne pas dire de la malice. Ses matières premières ? L’histoire, la politique et le social. Le tout passé à la moulinette de son esprit inventif et critique. Et modeste aussi : « L’on aurait tendance à croire que les 25 années passées dans le domaine de la création théâtrale auraient suffi à l’aboutissement d’une vision scénique mature. Mais non. Les nombreuses interruptions dues aux invasions, aux guerres et aux déplacements nous ont beaucoup perturbés dans notre travail. » Et s’il fallait une morale à cette fable insensée ? « La chèvre est élevée pour son lait, sa viande, ses boyaux (qui servaient à faire des cordes de violoncelles) ; sa peau, pour fabriquer des instruments de musique ; ses poils, pour faire des cheveux de poupées, des pinceaux, du cachemire, du velours … », annonce Karam. Maqam el-Jadi est donc une allégorie satirique à forte valeur métaphorique ? Ni fiction, ni psychologie, ni personnages dans cet hymne à la parole qui met en pièces le drame pour mieux célébrer la figure de l’acteur et le mouvement de la parole, thèmes chers à Raïf Karam. Cette langue, source de vie, qui libère autant qu’elle asservit, donne l’occasion à l’auteur, metteur en scène de convoquer le théâtre forain, le cirque, la tragédie, le music-hall et les marionnettes, un foisonnement de formes toutes à même de faire entendre la magie du verbe. La chèvre la plus connue est certainement celle de monsieur Seguin. Il faut voir ce que celles de Raïf Karam auraient à nous dire. Et à nous montrer.
Maya GHANDOUR HERT

S’il ne faut pas manquer la prochaine pièce de Raïf Karam *, c’est d’abord pour la maestria de son metteur en scène. Et, ensuite, pour les sujets abordés, qui touchent l’Homo sapiens dans ce qu’il y a de plus brut, de plus animal : son côté chèvre (pour les femmes) ou bouc (pour les hommes). Bizarre, en effet…


Voilà un professeur de...