WEB CULTURE George Orwell «?tient?» son propre blog

Non, le père (entre autres) des «?cultissimes?» «?1984?» et «?La ferme des animaux?» n’écrit pas un blog d’outre-tombe, lui qui est mort en 1950. Tous les jours cependant et jusqu’en 2012, un nouveau texte de George Orwell apparaîtra sur le site du Orwell Prize. (www.theorwellprize.co.uk) Un texte sorti du Journal de l’écrivain chroniqueur britannique, qu’il a tenu quotidiennement du 9 août 1938 à 1942. Le site publie ainsi pour la première fois l’intégralité de ce Journal, jour après jour, 70 ans après qu’il eut été écrit. En fait, il y a deux journaux. Le premier, qui a commencé le 9 août, parle de son voyage au Maroc, de géraniums, du nombre d’œufs pondus par ses poules, de recettes de cocktails… Le second, qui a débuté il y a quelques jours seulement (le 9 septembre), rassemble les observations politiques sur le communisme, le fascisme, la presse… En fait, ce blog a été réalisé parce qu’un certain Richard Blair (le fils de G. Orwell) a autorisé la publication des articles des journaux intimes et politiques que tenait son père (ressources jusqu’à présent accessibles uniquement par quelques chercheurs et privilégiés). Il en a même lu quelques extraits à la BBC. Le premier billet du blog a été posté le 9 août 2008, soit 50 ans jour pour jour après sa rédaction dans sa version papier. Ce travail est effectué par une association de fans du romancier, The Orwell Prize. Et, cerise sur le gâteau, l’éditeur Léo Scheer invite chacun à proposer sa traduction en français de ces articles sur son blog. L’issue du blog est déjà connue : il arrivera à extinction en 2012. En attendant, il aura livré, entre autres, les impressions d’Orwell sur trois années de conflit mondial. Comme si nous y étions. Ces écrits seront donc diffusés en intégralité et sont pour la plupart inédits. Ce journal personnel est ainsi marqué par l’arrivée de la Seconde Guerre mondiale, ses différents voyages, son combat durant la guerre d’Espagne, etc. Il constitue un véritable témoignage historique des événements des années 30. Extraits de l’agenda marocain. « 22 août 1938. Chaude journée, avec des averses. Les nuits se refroidissent et davantage comme en automne. Quelques chênes commencent à jaunir très légèrement. Après la pluie, d’énormes limaces rampent, l’une mesure à peu près trois pouces de long.?» (…) «?Les Chleuhs semblent des gens plutôt remarquables. L’apparence des hommes n’est pas très différente de celle des Arabes, mais les femmes sont extrêmement frappantes. En général, elles sont plutôt belles, parfois suffisamment belles pour se mettre du rouge aux joues, avec des cheveux noirs et des yeux remarquables. Aucune n’est voilée, et toutes portent un tissu autour de la tête, attaché par une corde bleue ou noire, les couleurs dominantes de leur vêtement étant rouge ou bleu. Toutes les femmes portent des tatouages au menton et parfois sur chaque joue… » Chaque jour, jusqu’en 2012. En anglais, évidemment. À l’époque actuelle où n’importe quel quidam peut aisément décider de poster avec plus ou moins d’assiduité ses billets dans son journal virtuel, ça n’a rien d’original allez-vous me dire. Sauf que là si, et ce pour deux raisons. Tout d’abord, parce qu’il faut nous rappeler que George Orwell est «?le?» visionnaire qui a vu dans ses cauchemars ce que serait le monde d’aujourd’hui : une société où les caméras de vidéo-surveillance sont omniprésentes, où les postes de TV pullulent, où les médias de communication sont censurés/écoutés/espionnés légalement sans aucune commission rogatoire, tout cela pour notre soit-disant sécurité, tout cela parce que le [petit] big brother qui est à la tête de notre État sait soit-disant mieux que nous ce qui est bon pour notre bonheur. Dit comme ça, cela fait froid dans le dos, hein ? Et surtout, parce que George Orwell aurait très bien pu être blogueur en son temps ! Maya GHANDOUR HERT