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Actualités - OPINION

LE POINT Irakistan Christian MERVILLE

Et hop ! Je retire 8 000 hommes de là ; j’en injecte 4 700 ici et les problèmes s’évanouissent comme par enchantement. Les hypergalonnés du Pentagone n’en reviennent toujours pas, à qui il est demandé d’accomplir chaque jour des prouesses qui relèveraient du miracle. Alors, comme un seul homme, ils sont montés au front – après tout, c’est leur boulot – pour dire que les engagements pris mardi par le commander in chief, c’est trop peu, trop tard, trop lent, alors qu’ils réclament, eux, pas moins de 10 000 hommes de troupe pour espérer venir à bout de ces diables de talibans désormais équipés d’armes de plus en plus sophistiquées, mieux entraînés et parfaitement tolérés, pour ne pas dire plus, par la population. Pour répondre à George W. Bush, obnubilé par les progrès « inimaginables », dit-il, réalisés sur les bords de l’Euphrate et qui venait d’annoncer son non moins inimaginable tour de passe-passe, le numéro deux de l’US Army sur place, le général Jeffrey Schloesser, n’a pas manqué de relever que « protéger 13 millions d’individus avec les effectifs dont nous disposons, ça ne colle pas », une observation suivie de ce constat qui en a laissé pantois plus d’un : « Les alliés ne sont pas en train de perdre la guerre, mais la victoire est lente. » Ah ! Qu’en termes militaires, ces choses-là sont dites. Membre éminent du Centre des études stratégiques et internationales, régulièrement appelé à analyser la situation sur la chaîne ABC, Anthony H. Cordesman est loin de partager l’optimisme, même mesuré, des hommes de terrain. « Sommes-nous, vient-t-il de s’interroger, en train de perdre la guerre ? Il est évident que oui. » Et c’est pour enchaîner aussitôt, à propos de l’actuelle campagne électorale en prévision du 4 novembre : « Il faut croire que les candidats sont empêtrés dans un véritable théâtre de l’absurde, émettant des borborygmes qu’ils tentent de faire passer pour des plans d’action. » MM. Barack Obama et John McCain apprécieront… Heureux (?) temps où un certain Donald Rumsfeld, alors secrétaire à la Défense, pouvait se permettre de brosser un tableau idyllique de la situation, déclarant : « Un gouvernement a été mis en place et les islamistes ne font plus la loi à Kaboul. Certes, de temps à autre, une grenade, une roquette de mortier explose, mais à New York aussi, à San Francisco, il y a des victimes qui tombent. Moi, je suis plein d’espoir. » Dix-huit mois plus tard, à la mi-juin 2004, le commander in chief prenait la relève, avec Hamid Karzaï à ses côtés, et citait l’Afghanistan en exemple – à propos, il est vrai, des droits des femmes, de l’éducation et des soins aux enfants. Il n’en rendait pas moins hommage à un pays « émergeant de ses cendres après deux décennies de guerre et d’oppression ». Plus récemment, il regrettait, lors d’une vidéoconférence avec des recrues, de ne plus être assez jeune « pour aller sur place et aider cette jeune démocratie à réussir ». Las ! Aujourd’hui, on est passé de l’autre côté du miroir. Des diplomates en poste dans la capitale afghane reconnaissent que Karzaï n’a plus la cote auprès de ses protecteurs occidentaux, lui qui ne contrôle plus qu’un minuscule carré de la capitale abritant sa résidence officielle. Quant à l’état de la sécurité, il se détériore un peu plus chaque jour, sans que les États-Unis puissent enfoncer le moindre coin dans le ciment tribal qui unit les Pachtouns dans les zones limitrophes du Pakistan. L’envoyé spécial de la BBC cite à cet égard l’ancien représentant de l’Union européenne, Francesc Vendrell : « Nous devons attendre la mise en place d’une nouvelle administration US. Pour l’heure, les républicains s’entêtent à présenter leurs réalisations comme une success story. En fait, on est loin du compte, en dépit de tout ce qui a été entrepris à ce jour. » Au lendemain du discours présidentiel de mardi, le candidat démocrate a appelé ses concitoyens à se montrer réalistes « parce que nous allons hériter d’une conjoncture instable ». La Maison-Blanche, a-t-il dit, ne veut toujours pas comprendre que le Pakistan et l’Afghanistan, et non pas l’Irak, représentent le front central de la lutte contre le terrorisme. Décrypté par son rival républicain, le message donne ceci : « Le sénateur de l’Illinois est convaincu qu’il nous faut perdre à Bagdad pour gagner à Kaboul. » Nul à ce jour n’a cité les chiffres du trou abyssal prévu dans le budget 2009, tel que prévu par la commission ad hoc du Congrès : 438 milliards de dollars. Encore n’a-t-on pas calculé le coût de l’ardoise laissée par Fannie Mae et Freddie Mac, pas plus que celle du dernier en date des ouragans, autant de notes à honorer pour lesquelles il faudra actionner à plein la planche à imprimer. Comme le disait l’autre jour le président aux boys : « Vous êtes en train d’écrire l’histoire. » Celle-ci jugera.
Et hop ! Je retire 8 000 hommes de là ; j’en injecte 4 700 ici et les problèmes s’évanouissent comme par enchantement. Les hypergalonnés du Pentagone n’en reviennent toujours pas, à qui il est demandé d’accomplir chaque jour des prouesses qui relèveraient du miracle. Alors, comme un seul homme, ils sont montés au front – après tout, c’est leur boulot – pour dire...