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Actualités - OPINION

Quand les oliviers de Jeita brûlaient

À la suite du reportage de Suzanne Baaklini publié dans «?L’Orient-Le Jour?» du mercredi 3 septembre 2008 et intitulé?:?«?Les oliviers millénaires de Jeita, un patrimoine national laissé à l’abandon?», M. J. S. Arhan, archiviste au Collège Saint-Joseph de Antoura, a retrouvé dans les archives du collège un article dactylographié, titré?: «?Les oliviers de Jeita, les plus anciens du Liban?». Voici ce texte, daté du 22 mars 1935 et malheureusement non signé: «Le village de Jeita, situé dans le Kesrouan, à trois ou quatre kilomètres à l’est du collège de Antoura, accroche ses maisons dispersées sur la pente qui, de la route de Reyfoun, dévale vers Nahr el-Kelb. Ses habitants sont industrieux, travailleurs. Beaucoup de villages voisins laissent tomber en ruine nombre de leurs maisons et semblent morts. À Jeita, au contraire, on construit, tout le monde travaille, car tout le monde veut trouver du travail. Mais ce ne sont pas les qualités de ses habitants qui font la réputation de cette honorable localité. Qui ne connaît les fameuses grottes de Jeita?? Une autre de ses curiosités, beaucoup moins connue celle-là, est une oliveraie des plus anciennes, sinon la plus ancienne du Liban qui en compte pourtant de vénérables. Je suis allé visiter cette oliveraie. J’ai interrogé les habitants du terroir pour savoir à quelle époque reculée la tradition locale plaçait son origine, quels souvenirs le folklore y attachait. À noter qu’il ne s’agit pas de quelques vieux oliviers délabrés. Des trois cents à trois cent cinquante pieds que comprend l’ensemble de l’oliveraie, cent cinquante sont très anciens, tous d’une circonférence respectable et de belle santé dans leur vieillesse. Voici les renseignements que j’ai recueillis à leur sujet. Ils remonteraient – dit-on unanimement dans la région – à l’époque de l’occupation de la Syrie par les Romains. Les légionnaires romains, campant dans les parages, mirent le feu aux forêts couvrant les derniers contreforts du Liban qui, vers Nahr el-Kelb, viennent mourir dans la mer. Ces légionnaires incendiaires étaient-ils ceux de la légion antonine, la III?» légion gauloise, ancêtres lointains et insoupçonnés des soldats de Gouraud?? Aux dires de l’inscription latine de Nahr el-Kelb, ce sont eux qui, en effet, tranchèrent les montagnes qui surplombent le fleuve Lyous pour en élargir la voie. Cela se passait sous Caracalla et nous ramènerait de 211 à 217 après Jésus-Christ. Quoi qu’il soit de cette supposition, ce terrible incendie s’arrêta à quelques mètres des oliviers qui existaient déjà. Le nom des propriétés qui en furent ravagées en perpétue jusqu’à nos jours le souvenir. Elles s’appellent? «?Lieu de l’incendie?». En contrebas, du côté du fleuve du Chien, l’endroit où s’arrêta l’incendie conserve toujours son nom de «?Limité?». Le village de Jeita, qui tend à grimper la montagne pour se fixer définitivement sans doute de part et d’autre de la route de Reyfoun, se localisait alors beaucoup plus près du fleuve. Effrayés par l’incendie, ses habitants allèrent chercher un refuge naturel dans les grottes. Tous y sont morts, asphyxiés sans doute par la fumée qui s’engouffrait dans la grotte. On comptait parmi les victimes le roi Zibar et sa fille. Ce roi, un chef local sans doute, avait sa résidence au haut de Jeita, dans l’actuelle agglomération de quelques maisons de Zebour. Ces antiques oliviers constituent une propriété très divisée. Beaucoup d’habitants de Jeita en possèdent, qui deux ou trois, qui cinq ou six. Jadis les propriétaires offraient l’un ou l’autre de ces arbres en vœu à la Sainte Vierge dont un sanctuaire très ancien s’élève à l’orée de la forêt sous le nom de Notre-Dame de la Nativité. C’est ainsi qu’actuellement, l’Église est du nombre des propriétaires. J’avais emporté avec moi un décamètre en toile, ce qui me permit de prendre les mesures de quatre de ces vénérables témoins du passé. Le plus gros a une circonférence de 11 mètres 70 à son pied, de 6 mètres 85 à mi-hauteur à son endroit le plus effilé. D’une verte vieillesse, il est le mieux conservé de ses congénères. Sa partie centrale, ordinairement rongée et effritée dans les vieux oliviers, est à peine entamée. Un deuxième olivier mesure 14 mètres de circonférence à sa base, 6 mètres 15 à sa partie la plus mince. Famille nombreuse, son tronc donne naissance, à 75 centimètres du sol, à trois branches devenues avec le temps de véritables arbres. Quatre oliviers en un seul. Un troisième a 8 mètres 70 de tour à sa base, 8 mètres 80 en son milieu?; un quatrième, 7 mètres 90 et 6 mètres 70 pour les mêmes mesures. J’aurais pu mesurer d’autres oliviers encore. Ils sont 150 dont les proportions sont à peu près semblables. Tous sont de belle venue, ne comptent ni bois ni branches inutiles, car ils ont été taillés, voire même réduits de volume au cours de la Grande Guerre pour fournir leur bois aux habitants qui en manquaient. Ils continuent à être d’un bon rapport, encore de nos jours, pour leurs heureux propriétaires.?»
À la suite du reportage de Suzanne Baaklini publié dans «?L’Orient-Le Jour?» du mercredi 3 septembre 2008 et intitulé?:?«?Les oliviers millénaires de Jeita, un patrimoine national laissé à l’abandon?», M. J. S. Arhan, archiviste au Collège Saint-Joseph de Antoura, a retrouvé dans les archives du collège un article dactylographié, titré?: «?Les oliviers de Jeita,...